Les objets connectés nous refont le coup de la nouvelle économie

L’élargissement de l’Internet aux objets connectés ouvre de nouvelles perspectives techniques et commerciales aux industriels. Comme le montrent plusieurs études récentes.

« Internet va devenir l’Internet des objets », indiquait Sébastien Soriano, le cinquième président de l’Arcep, qui exposait récemment sa vision du marché lors de son audition devant les parlementaires. Une vision que ne contredira pas France Stratégie. Au sortir du CES 2015, qui a fait la part belle aux objets connectés au début du mois, l’organisme rattaché aux services du Premier ministre et chargé d’étudier les tendances de différents secteurs industriels indique : « Internet se transforme progressivement en un réseau étendu, appelé ‘Internet des objets’, reliant plusieurs milliards d’êtres humains mais aussi des dizaines de milliards d’objets. » Un constat avancé dans une analyse baptisée Demain, l’Internet des objets (disponible en PDF).

Une chance pour la France si…

Le service de prospective rappelle ainsi que, de 15 milliards aujourd’hui, le nombre des objets connectés s’élèvera à entre 50 et 80 milliards (selon les études) d’ici 2020. Autant de produits qui toucheront des secteurs aujourd’hui peu affectés par Internet au premier rang desquels l’habitat, l’automobile et, en conséquence, l’assurance. Un véritable marché à structurer, tant autour des plates-formes que dans le partage de la valeur entre acteurs traditionnels et nouveaux venus du secteur numérique. A commencer par nombre de PME et start-up. La France compte d’ailleurs nombre d’entre elles comme l’a illustré le dernier CES. Mais si le pays a un rôle à jouer dans une industrie qui flirte avec d’autres technologies (nanotechnologies, biotechnologies, intelligence artificielle, robotique), France Stratégie invite le gouvernement à soutenir le secteur face « aux moyens financiers considérables dont disposent les entreprises aux Etats-Unis et en Chine » à travers cinq initiatives :

  • faciliter les expérimentations à travers la mise en place d’un « droit à l’expérimentation » dans le domaine de l’Internet des objets ;
  • créer une plateforme ouverte dédiée aux services publics utilisant l’Internet des objets ;
  • soutenir les industriels européens dans la standardisation de leurs technologies ;
  • renforcer la présence européenne au sein des instances de normalisation ;
  • faire de la sécurité et la protection de la vie privée un avantage concurrentiel.

Ce dernier point semble en effet au centre des attentes des utilisateurs et consommateurs. Selon l’étude Engaging the Digital Consumer in the New Connected World dévoilée par Accenture à l’occasion du CES 2015, plus de la moitié des sondés (54 % de l’ensemble du panel interrogés, 63% en France) doutent de la fiabilité d’Internet en ce qui concerne la protection de leurs données personnelles, comme leur adresse mail, leur numéro de portable ou encore leur historique d’achats. Une défiance qui tend à augmenter puisqu’ils sont 10 % fin 2014, contre 7 % en 2013, à déclarer « n’avoir absolument aucune confiance dans la sécurité de leurs données personnelles sur Internet et, par conséquent, ne jamais échanger d’informations en ligne ». Une méfiance qui pourrait s’accentuer avec l’Internet des objets.

IoT - Accenture-Connecting-Digital-ConsumerLes freins à l’adoption

Si les objets connectés constituent aujourd’hui une réalité installée dans le monde professionnel (notamment celui de la chaîne logistique) pour rationaliser les processus internes des entreprises, « la diffusion des objets dans l’espace privé est plus incertaine, note le service de prospective française. Une majorité de personnes voit pour l’instant peu d’utilité pratique à ces objets connectés ». Les systèmes pour mesurer les paramètres individuels de santé ou pour aider à mieux appréhender l’environnement – domicile, automobile, bureau, etc.– sont donc encore appelés à se développer pour trouver leur marché. « La clef sera certainement de rendre l’usage attractif et simple d’accès », indique France Stratégie.

Car la prise en main des solutions s’inscrit comme un frein majeur à leur adoption. Ainsi, 83% des 24 000 consommateurs interrogés dans 24 pays par Accenture affirment avoir rencontré des difficultés techniques lors de l’utilisation d’appareils connectés. Pour 21% d’entre eux, « l’équipement concerné est trop difficile à utiliser  » tandis que l’installation a échoué pour 19% et qu’ils sont nombreux à considérer que « le fonctionnement [de l’appareil] ne correspond pas au message publicitaire ». Une perception problématique alors que la simplicité d’utilisation arrive comme le premier critère (33%) dans les intentions d’achat des produits.

Néanmoins, le marché devrait s’accélérer à partir de 2016. La société de conseil estime que 12% des consommateurs dans le monde ont l’intention de s’équiper d’une montre connectée au cours des 12 prochains moins et 40% dans les 5 prochaines années (6 et 20% respectivement en France). Accenture dresse ainsi cinq catégories d’objets connectés susceptibles de bénéficier des intentions d’achats les plus élevées :

  • les caméras de surveillance et systèmes de sécurité connectés résidentiels (41 % des répondants, 26% des Français interrogés);
  • les thermostats intelligents (39 % des répondants, 23% des Français);
  • les systèmes multimédia embarqués dans les véhicules (37 % et 19%);
  • les imprimantes personnelles 3D (35% et 22%)
  • les lunettes connectées à réalité augmentée (35 % et 16%).

123 millions de wearables

Une tendance que ne contredira pas l’Idate pour ce qui concerne les wearables devices. L’institut d’études montpelliérain estime ainsi qu’il se vendra quelque 123 millions d’objets connectés portés sur soi en 2018. Plus de 60 fois plus que les 20 millions constatés en 2014. Soit une progression annuelle de 70%. On comprend pourquoi nombreux sont les acteurs à se jeter sur ce marché en devenir.

A commencer par Apple. Si Cupertino est loin d’initier le mouvement, l’arrivée prochaine de l’Apple Watch devrait se traduire par une nette accélération du marché des montres connectées. Un segment qui devrait représenter à lui seul 65% des wearables. Supplantant notamment les bracelets connectés. Bien que ces derniers aient ouvert le marché, ils devraient commencer à décliner à partir de 2017 alors que leurs fonctionnalités sont progressivement intégrées dans les smartwatches et smartphones. Les lunettes connectées resteront en retrait (18% du marché) à moins que leur prix (1500 dollars aujourd’hui) ne baisse drastiquement. C’est peut-être ce que chercheront à atteindre Google, qui met fin au projet « Glass » sous sa forme actuelle, mais aussi des start-up comme le français Optinvent.

IoT-Idate-wearableEn matière de volume, plus de 3,6 milliards d’objets connectés seront consommés par le grand public dans 3 ans, contre 2,4 milliards d’unités en 2014, ajoute l’Idate. Une croissance de 8,6% annuelle qui sera avant tout soutenue par les consoles numériques de divertissement (consoles de salons, lecteurs Blu-ray, enregistreurs numériques, +9,8%) et les Portable Media Devices (smartphones, tablettes, consoles portables, +12,3%). Les téléviseurs connectés et les set-top-box ne participeront respectivement qu’à hauteur de 1,4% et 1,2% de cette croissance. Concurrencées par les tablettes, les ventes de PC reculeront pour leur part de 4,2% en moyenne par an.

La donnée retraitée

Un volume d’objets appelé à élargir le marché du traitement des données, aujourd’hui essentiellement structuré dans le secteur professionnel. ABI Research estime ainsi que le chiffre d’affaires généré par les solutions de traitement des données (intégration et stockage y compris) générées par l’Internet des objets (IoT) atteindra les 5,7 milliards de dollars cette année. Dont 60% proviennent des secteurs de l’énergie, de la sécurité, de la surveillance et des applications de monitoring. Un marché appelé à compter pour un tiers des revenus issus du Big Data et de l’analytique d’ici 2020.


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