Ondes électromagnétiques : le déploiement de la 4G ralentie par la loi Abeille ?

Adoptée à l’Assemblée, la loi encadrant les dispositions pour limiter l’exposition aux champs électromagnétiques inquiète les opérateurs mobiles.

Initialement déposée en décembre 2013, et après être passée par le Sénat, la proposition de loi « relative à la sobriété, à la transparence et à la concertation en matière d’exposition aux ondes électromagnétiques » vient d’être définitivement adoptée par les députés de l’Assemblée nationale, jeudi 29 janvier, en deuxième lecture. Cette loi, défendue par la députée écologique (EELV) Laurence Abeille, se concentre sur la « sobriété de l’exposition aux champs électromagnétiques ». Autrement dit, encadrer l’implantation des installations radioélectriques. Les antennes relais des opérateurs mobiles étant les premières concernées.

En l’état, la future loi n’interdit évidemment pas le déploiement de nouvelles infrastructures mobiles, mais pourrait en freiner les développements à l’heure où les opérateurs se mobilisent autour du déploiement de la 4G. Le texte introduit notamment la nécessité pour les maires et autres représentants des communes d’informer les habitants des projets d’implantation d’antennes relais. Lesquels « peuvent leur donner la possibilité de formuler des observations ». Si une médiation est requise, « le représentant de l’État dans le département réunit une instance de concertation ». Une instance dont les modalités de fonctionnement resteront à définir par décret. Avec le risque qu’elle s’en tienne à un rôle purement consultatif pour les opposants aux projets.

Une loi négative

Mais pour la Fédération française des télécoms « cette loi introduit plusieurs points d’interrogation et de préoccupations ». Selon le communiqué de l’association des opérateurs (du moins ceux qui y restent), « ce texte risque d’entretenir dans la population une inquiétude infondée et développer un effet anxiogène tout en discréditant le travail des agences sanitaires et des scientifiques ». La FFTelecom appuie notamment son argumentaire sur les travaux de plusieurs organisations sanitaires et scientifiques, dont l’OMS, l’Institut de veille sanitaire (InVS) ou l’ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) qui « ont réaffirmé l’absence de risque avéré en dessous des seuils réglementaires et des recommandations de l’OMS en vigueur dans notre pays ». « L’adoption de cette loi […] multiplie les obstacles à l’équipement de la France en réseaux à très haut débit, pourtant indispensables à l’attractivité des territoires, ainsi qu’au développement des usages et des équipements numériques qui sont essentiels pour la croissance économique de notre pays. Le ralentissement qui en résultera pèsera négativement sur le développement et la dynamique du numérique, notamment dans le domaine des objets connectés », conclut l’organisation.

Du côté des organisations de personnes se disant sensibles aux effets des ondes électromagnétiques, cette loi est vue comme « une première avancée qui a une grande portée symbolique dans un contexte où le lobbying industriel a été spectaculaire contre ce texte de loi », souligne l’association Robin des toits par communiqué. Laquelle s’inquiète néanmoins « du niveau de désinformation de certains élus pourtant censés « représenter la nation », leur frénésie pour le « tout connecté » quelles qu’en soient les conséquences sanitaires » et souligne « paradoxalement leur déconnexion d’avec le terrain, d’avec le dossier et d’avec la réalité des connaissances scientifiques… ». Elle attend maintenant « une promulgation de cette loi dans les meilleurs délais pour qu’elle entre en application le plus rapidement possible ». Ce qui risque de prendre encore de longs mois faisant peser autant de risques « d’allègements » des contraintes. Déjà, la limite d’exposition à 0,6 Volt/m a été retirée du texte initial.

Recenser les points atypiques

Le reste de la loi encadre d’autres dispositifs. Ainsi, le Wifi sera interdit dans les crèches et autres « espaces dédiés à l’accueil, au repos et aux activités des enfants de moins de trois ans ». Il est également limité aux seules périodes d’activités pédagogiques numériques dans les écoles primaires (ce qui imposerait une gestion manuelle des réseaux sans fil difficilement applicable et à vérifier). De son côté, l’ANFR (Agence nationale des fréquences) devra recenser les « points atypiques » où le niveau d’exposition public dépasse « substantiellement » celui observé à l’échelle nationale. Son comité spécialement créé pour ces questions devra indiquer « les dispositions techniques de nature à réduire le niveau de champs dans les points atypiques ».

La loi propose également d’obliger tout établissement public disposant de Wifi à en faire clairement mention à son entrée à l’aide d’un pictogramme. Sur le volet informatif, les constructeurs de terminaux devront indiquer « de façon lisible, intelligible et en français » le débit d’absorption spécifique (DAS, soit la quantité d’énergie émise par les ondes et absorbée par le corps de l’usager) et recommander l’usage de l’accessoire permettant de limiter l’exposition de la tête aux émissions radioélectriques (les oreillettes en l’occurrence). Il sera également interdit, sous peine de 75 000 euros d’amende au maximum, de faire la publicité d’un « dispositif permettant de limiter l’exposition de la tête aux émissions radioélectriques émises par l’équipement ». Sont directement visés les patches anti-ondes à coller au dos du téléphone et qui n’ont pas prouvé scientifiquement leur efficacité. Même si leur vente reste autorisée.


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