Open Data : la France adopte un projet de loi a minima

Après l’Assemblée nationale, le Sénat a lui aussi adopté le projet de loi Valter sur la gratuité et la réutilisation des données publiques. Les exceptions irritent la société civile.

Après l’Assemblée nationale, le Sénat a adopté à son tour, le 26 octobre 2015, le projet de loi relatif à la gratuité et aux modalités de réutilisation des informations du secteur public. Le texte avait été présenté en plein été, le 31 juillet dernier, en conseil des ministres par Clotilde Valter, nouvelle secrétaire d’État à la Réforme de l’État et la Simplification. C’est son projet – et non celui d’Axelle Lemaire sur la République numérique –, qui transpose tardivement la directive européenne de 2013 en faveur du développement de l’Open Data en Europe (directive 2013/37/UE ou « PSI »). Dans ce contexte, le projet de loi français pose, en 9 articles, le principe de gratuité de la réutilisation des données publiques, tout en y ajoutant des exceptions qui en limitent la portée.

Redevances, accords et licences

Soucieux de réduction des dépenses publiques, le Sénat, comme l’Assemblée avant lui, a adopté un texte qui prévoit la possibilité pour les administrations de prélever des redevances et de conclure des accords d’exclusivité. Mais le texte modifié par les sénateurs est encore moins flexible que celui adopté, le 6 octobre dernier, par les députés. La « réutilisation d’informations publiques est gratuite », toutefois les administrations « peuvent établir une redevance de réutilisation lorsqu’elles sont tenues de couvrir par des recettes propres une part substantielle des coûts liés à l’accomplissement de leurs missions de service public ou à la collecte, la production, la mise à disposition du public et la diffusion de certains documents », stipule le texte adopté par le Sénat. La commission des lois de l’institution a également introduit que toute « réutilisation d’informations publiques donne lieu à l’établissement d’une licence. »

Pas de « sur-transposition »

Les amendements déposés pour revenir à la version du texte voté par l’Assemblée, le 6 octobre dernier, ont été repoussés dans leur grande majorité. Pour le gouvernement, mais aussi pour le rapporteur du texte au Sénat, Hugues Portelli (LR), le risque de « sur-transposition » de la directive européenne a ainsi été écarté. En revanche, pour les partisans d’une grande loi Open Data, le texte n’est pas à la hauteur des enjeux, alors même que la France se targue d’occuper les premières places de classements Open Data mondiaux. Les sénateurs ont notamment maintenu le régime dérogatoire sur la réutilisation des données de recherche, en rejetant, malgré l’avis favorable du gouvernement, l’amendement en faveur d’une entrée des établissements et institutions d’enseignement et de recherche dans le droit commun des règles générales de réutilisation des données publiques. Les amendements visant à encadrer davantage les accords d’exclusivité (limité à 10 ans, sauf pour les ressources culturelles) ont également été rejetés, à l’exception de l’amendement portant sur la publication dans un format électronique des accords d’exclusivité et de leurs avenants.

La loi du statu quo ?

Ces limites frustrent les partisans d’une politique Open Data « ambitieuse » pour la France, dont l’association Regards Citoyens. Selon ce collectif favorable à l’ouverture étendue des données publiques, les dispositions adoptées ne sont pas au niveau attendu, « après la publication du plan d’action national pour l’Open Government Partnership que la France est censée présider l’an prochain. » D’ici là, une commission mixte paritaire de sénateurs et députés devra s’entendre sur une version commune du texte pour lequel le gouvernement a engagé la procédure accélérée.

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