Orange met le FTTH au centre de ses développements

France Télécom devient Orange (crédit photo © Silicon.fr)

Principal opérateur de la fibre FTTH, le PDG d’Orange Stéphane Richard en appelle au maintien du cadre réglementaire.

En France mais aussi en Espagne, en Pologne et en Slovaquie, « la stratégie d’Orange, c’est clairement d’investir massivement dans le déploiement de la fibre optique », a déclaré Stéphane Richard dans une interview donnée à La Tribune. Un investissement qui se concentre sur le FTTH (fibre à domicile) « même si on recourt parfois aussi à d’autres technologies ». Pour le PDG d’Orange, le FTTH est le seul réseau d’avenir qui puisse répondre, pour des décennies, aux besoins des particuliers comme des entreprises. Une façon de se distinguer de la technologie hybride câble-fibre optique (FTTB) du concurrent SFR qui revendique 8,1 millions de prises éligibles en mai dernier. Stéphane Richard confirme l’ambition d’Orange de raccorder 12 millions de foyers à la fibre d’ici 2018 et 20 millions en 2022 rien qu’en France.

Un déploiement qui passe par des investissements annuels massifs (entre 550 et 600 millions pour 2016) et qui ne pourront être poursuivis qu’à la condition du maintien de la stabilité du cadre réglementaire défini en 2010 et confirmés en 2011. Fort de l’avance d’Orange prise dans le déploiement de la fibre, le PDG craint que la réglementation ne lui impose d’ouvrir son réseau à la concurrence comme ce fut le cas pour la boucle locale cuivre dans les années 90. « Orange est-il tellement puissant, tellement fort par rapport à ses pauvres concurrents, que ces derniers ne sont pas en mesure d’investir suffisamment ? Ce qui justifierait, dans ce cas, qu’ils en appellent au régulateur pour rectifier le tir. La réponse est non, ces opérateurs ne sont ni petits, ni pauvres. »

Autrement dit : si les concurrents veulent lancer des offres fibres, ils n’ont qu’à déployer leur propre réseau. Pas question aujourd’hui de toucher au FTTH de l’opérateur historique même si « le déploiement de la fibre va être une bagarre. Dès qu’on prendra un peu d’avance, ça va couiner. D’ailleurs, ça couine déjà ! [Mais ce] serait quand même un comble que l’on vienne sanctionner ceux qui investissent et affecter le modèle économique sur lequel nous avons calculé la rentabilité de nos investissements ».

La fibre, un outil de fidélisation

Car la fibre représente une chance pour les opérateurs d’améliorer leurs marges. Après l’ouverture à la concurrence qui a imposé le dégroupage sur le cuivre et fait perdre des parts de marché à l’opérateur historique au profit des opérateurs alternatifs dans les zones très denses, Orange entend profiter de la fibre pour regagner du terrain. « Pour nous la fibre optique, c’est donc un bon moyen de revenir auprès des clients qui avaient pu être tentés par nos concurrents. Et cela marche assez bien. Dans les villes où l’on déploie aujourd’hui, nous gagnons des parts de marché », se réjouit Stéphane Richard.

Et dans les zones moyennement denses (zones AMII), où Orange est mieux implanté que ses concurrents, « la fibre constitue un outil très puissant pour fidéliser nos clients ». 80% d’entre eux solliciteraient l’offre optique de l’opérateur historique. Une vraie manne qui permet aux opérateurs de générer des revenus complémentaires. D’abord parce que « les clients qui prennent la fibre vont plutôt aller sur des offres plus haut de gamme » et ensuite parce qu’ils consomment plus de contenus payants. Un abonné fibre rapporterait ainsi 5 euros de plus par mois à Orange qu’un client ADSL. Un delta que l’opérateur historique veut pousser à 7 euros « mais pour plus de services »

Sur la question des réseaux d’initiative publique (RIP), Stéphane Richard conteste l’accusation selon laquelle Orange ne proposerait ses offres que dans les projets où il déploie ses infrastructures. Néanmoins, le dirigeant reconnaît ne pas toujours être capable de concurrencer les opérateurs d’infrastructures (Axiome, Covage, Altitude pour les principaux) et n’apprécie alors guère de leur livrer ses clients ADSL. Il dénonce également certaines collectivités qui « ne veulent pas nous retenir, en se disant qu’elles nous forceront la main pour venir utiliser leurs réseaux après-coup ». Or, en tant qu’entreprise privée qui doit rendre des comptes à ses actionnaires, « nous commercialiserons nos services sur les RIP en fonction de notre seul intérêt économique ». Mais Stéphane Richard reste optimiste et pense qu’Orange sera, à terme, « très certainement client de tous les RIP ».

« On ne verrouille pas le marché entreprise »

Sur le marché de l’entreprise, Stéphane Richard réfute l’idée d’un marché verrouillé. La part d’Orange dans les services professionnels y est estimée à 70% contre 20% pour SFR et 5% pour Bouygues Telecom. « Pour être présent sur ce marché, il faut accepter d’y investir, et ce sans doute encore plus que sur les autres marchés. Nous sommes l’opérateur qui a la plus importante part de marché. Mais rien n’empêche SFR d’être plus agressif… À l’instar de Bouygues Telecom d’ailleurs, qui lui prend des parts de marché. Rien n’empêche non plus Free de se lancer. » Quant aux pratiques discriminatoires pour lesquelles Orange a été condamné à 350 millions d’euros d’amende, le dirigeant assure avoir modifié les processus qui étaient en cause. « Dans ce dossier, il y a des choses à améliorer, certainement, mais il n’y a pas de malhonnêteté d’Orange. Il n’y a pas d’organisation préméditée pour bâillonner la concurrence. »

Quant à la consolidation du marché, c’est aujourd’hui de l’histoire ancienne en France après l’échec du rachat de Bouygues Telecom. « Peut-être qu’un jour, ça changera. Mais en tout cas, je ne remonterai pas sur mon cheval de sitôt. »


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