Philippe Le Grand, Nomotech: «Il faudra plusieurs dizaines d’années pour couvrir tout le territoire en fibre»

L’opérateur de boucle locale radio NomoTech se positionne sur la 4G fixe en 3,5 GHz pour apporter une alternative à la fibre dans les territoires qui en seront privés.

« Je n’ai jamais cru qu’il était possible de déployer un réseau FTTH en 10 ans, il faudra plusieurs dizaines d’années pour couvrir tout le territoire d’un réseau en fibre optique. En attendant, il faut se tourner vers des solutions alternatives et la technologie hertzienne à très haut débit en est une. » Vice-président de l’opérateur NomoTech, Philippe Le Grand fait naturellement référence à la 4G fixe. Une technologie qui va prochainement bénéficier de 40 MHz de bande passante continue (avec 10 MHz supplémentaires dans certaines zones) dans les 3,5 GHz avec une bande qui sera consacrée à l’aménagement numérique des territoires en France comme l’a récemment annoncé l’Arcep (Autorité de régulation des communications électroniques et des postes).

NomoTech entend bien profiter du « retard » de la fibre pour déployer des offres en 4G fixe. Créé en 2003 autour des technologies radio, le groupe opérateur a élargi ses offres aux réseaux Wifi dans les lieux de transport (gares, aéroports), les projets de smart cities, mais aussi la fourniture d’accès avec le rachat d’Ozone en 2010 et, plus récemment, les liaisons longues distances interentreprises en fibre avec l’acquisition de Telecom Luxembourg en novembre 2016. Présent à l’international, en France Nomotech a déployé 3000 sites radio couvrant 5000 communes dans le cadre des réseaux d’initiative publique (RIP) ou de ses investissements propres. La 4G fixe s’inscrit ainsi comme une nouvelle opportunité de croissance pour l’entreprise qui a réalisé 32 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2016.

Plus de 5 millions de foyers privés de THD en 2022

« On estime à 5 millions le nombre de foyers qui n’auront pas accès au très haut débit en 2022 (date de fin théorique du plan France très haut débit, NDLR) », avance Philippe Le Grand. Une estimation basse en regard des 5,1 millions de foyers exclus du THD avancés par la Firip (Fédération des industriels des réseaux d’initiative publique dont notre interlocuteur est par ailleurs trésorier) et les 6,2 millions de lignes optiques qu’il restera à construire selon le Cerema (Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement). Un potentiel sur lequel NomoTech espère prospérer en ciblant « un nombre important » de foyers alors que l’entreprise capte plus de 80% du marché des accès radio fixes en France.

Philippe Le Grand, vice-président de l'opérateur Nomotech.
Philippe Le Grand, vice-président de l’opérateur Nomotech.

La 4G fixe, qui s’apparente à de la boucle locale radio (BLR) en raccordant les foyers équipés depuis un point d’accès sans fil, ne risque-t-elle pas de connaître le même désastre que le Wimax du milieu des années 2000 ? « Non, assure Philippe Le Grand. Il y a trois choses qui ont conduit le Wimax à l’échec ». Et d’argumenter : d’abord une bande de fréquence trop étroite et dispersée qui ne permettait pas de faire de l’agrégation de canaux pour faire du très haut débit, et qui le limitait à 2 Mbit/s « alors que, sur notre bande libre 5,4 GHz nous apportions 12 à 18 Mbit/s »; ensuite la modalité d’attribution laissait une place limitée au critère d’aménagement du territoire ce qui provoqué une spéculation autour des fréquences avec des acteurs qui les ont achetées dans une volonté spéculative pour espérer faire du mobile dessus; enfin, le Wimax a subi le rejet des opérateurs mobiles qui ont exercé un lobby extrêmement fort et mondial pour empêché l’émergence d’un concurrent potentiel. « De notre côté, nous n’avons jamais cru au Wimax, on a fait du Wifi sur des bandes libres et c’est pour cela qu’on s’est bien développé », relate notre interlocuteur.

La 4G fixe sur les 3,5 GHz a aussi pour elle l’assurance d’une plus grande capacité. Basée sur la technologie LTE TD (time division), la 4G fixe permet de se concentrer sur la qualité de service pour du transit de données et s’affranchit de la problématique de la voix (néanmoins transportée en IP). « C’est toute la différence avec la 4G mobile qui souffre de ce pour quoi elle est faite, à savoir assurer les conversations téléphoniques », estime Philippe Le Grand qui fait référence aux offres 4G fixe des opérateurs mobiles. Qui plus est, l’architecture des réseaux est différente. Là où les points d’accès des réseaux mobiles se positionnent pour arroser le plus grand nombre, les antennes de la 4G fixe vont cibler les foyers « qui ont moins de 4 Mbit/s de débit » avec des bandes de fréquences hautes (la 3,5 GHz en l’occurrence) qui permettent d’offrir de très hauts débits. Ensuite, les stations radio seront reliées aux backbones Internet avec des liaisons optiques.

Débits garantis pour les entreprises

« Nous pourrons proposer 30, 60 et 100 Mbit/s, avance Philippe Le Grand. Au lancement on fera des offres à 30 Mbit/s et dans un ou deux ans, on passera à 60 et 100 Mbit/s. » Sans garantie de débit, les offres 4G fixe 4P (Internet, téléphonie, mobile et télévision) pour les foyers résidentiels s’apparenteront à celles de l’ADSL en matière de prix et de services. Les entreprises pourront, elles, bénéficier de liaisons redondées et/ou avec débits garantis à travers des offres commençant à 60 euros par mois.

Le déploiement du réseau demandera néanmoins de lourds investissements. « Entre 30 et 50 sites sont nécessaires par département pour 12 à 18 mois de travaux, ce qui représente 3 à 5 millions d’euros d’investissements. » Philippe Le Grand estime que 70 départements devraient lancer un projet de 4G fixe au cours des 10 prochaines années. Et « on est déjà très présent au sein des départements parmi nos clients, donc on travaille sur des avenants à nos contrats tout en répondant à des appels d’offre. » NomoTech travaille déjà sur 5 projets, dont le Lot et l’Hérault. La Seine et Marne est en cours de déploiement et les premières offres commerciales y seront lancées dès septembre prochain. Nomotech se positionne pour assurer la transition du très haut débit vers la fibre ou la 5G dans les territoires isolés.


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