Pourquoi Vivendi a choisi Numericable

Sur les quatre critères étudiés par Vivendi, le projet industriel de Bouygues aurait été le seul retenu par le Conseil de surveillance de Vivendi pour le rachat de SFR. Numericable l’emporte sur les trois autres critères : le cash, le financement et la concurrence.

« On considère que notre projet était le meilleur industriellement avec une valorisation supérieure à celle de Numericable, indique à Silicon.fr une source proche du groupe Bouygues. Nous sommes assez étonnés du choix qui a été fait. » Pourtant, c’est bien à Numericable Group et à son actionnaire principal Altice, dirigé par Patrick Drahi, que Vivendi a confié l’avenir de SFR « pour un montant de 11,75 milliards d’euros, l’attribution de 32% du capital de l’entité cotée combinée et la sortie de Vivendi selon des modalités programmées », comme l’a indiqué le groupe média dans son communiqué (Lire, Numericable rachète (enfin) SFR).

Quatre critères

Mais quels ont été les éléments qui ont influencé la décision du Conseil de surveillance de Vivendi ? Selon nos sources, le choix a reposé sur quatre critères : le cash, le mode de financement, le risque concurrentiel du marché et le projet industriel à moyen et long terme. Selon nos informations, Numericable l’a emporté sur tous les critères, hormis celui du projet industriel.

1/ Le cash

Sur l’offre en numéraire (le cash), Bouygues avait dans un premier temps mis 10,5 milliards d’euros le 5 mars avant de surenchérir d’un milliard (dont 800 millions en numéraire) à 11,3 milliards (et 43% du nouvel ensemble), après que Numericable en ait proposé 10,9 milliards (et 32% du capital du nouvel ensemble à Vivendi). Mais alors que Patrick Drahi affirmait en début de semaine que son offre était ferme et définitive, il a, au dernier moment, contredit ses propos, en alignant à son tour 11,75 milliards (sans toucher à la part de capital accordée à Vivendi). Soit 50 petits millions de mieux en numéraire que ce que proposait Bouygues dont le projet valorisait le nouveau groupe à 15,5 milliards hors synergies et 20 milliards avec les économies programmées. L’offre supérieure d’Altice a visiblement pesé dans la balance du Conseil de surveillance du groupe de médias, qui a donc privilégié le cash au détriment de la participation capitalistique.

2/ Le financement

Sur le financement, les deux approches des prétendants s’opposaient. Numericable compte s’appuyer sur un LBO (acquisition par emprunt) auprès de neuf établissements bancaires. Un financement classique à risque alors que Bouygues entendait apporter la garantie de l’établissement HSBC avec investment grade. Une approche des risques opposée dont Vivendi ne s’est visiblement pas ému.

3/ La concurrence

Sur les risques concurrentiels, il est clair que le nouvel ensemble SFR-Bouygues aurait lourdement pesé sur le marché en constituant le premier opérateur en termes de parc d’abonnés mobiles (Lire, SFR + Bouygues : les 4 conséquences d’une probable révolution dans les télécoms). Déséquilibre que Bouygues entendait atténuer en revendant le réseau et une partie des fréquences de son opérateur à son concurrent Iliad. Par ailleurs, ce déséquilibre risque aujourd’hui de peser sur le marché du fixe avec la prédominance de Numericable qui détient les deux tiers des foyers en très haut débit aujourd’hui (lire 2 millions de foyers carburent au très haut débit en France). Là encore, ces considérations n’ont pas particulièrement convaincu le directoire de Vivendi.

4/ Le projet industriel

Le projet industriel présenté par Bouygues est le seul élément qui a retenu les suffrages du conseil par Vivendi, selon nos informations. L’idée de donner au premier opérateur mobile les moyens de développer son réseau 4G et d’apporter les moyens nécessaires aux déploiements de la fibre optique en France était réellement séduisante. Mais elle n’a néanmoins pas suffi à faire pencher la balance face à au critère du cash et, probablement, à la décision prise de longue date par Jean-René Fourtou, le président du Conseil de surveillance, de privilégier l’offre de Patrick Drahi à trois mois, à peine, de son départ du conseil.

Certes, Vivendi doit encore valider son choix à l’issue des trois semaines de négociations qui s’ouvrent aujourd’hui. Il n’en restera pas moins que le marché continuera à compter quatre opérateurs mobiles dont l’un, SFR-Numericable, se retrouvera avec 17 milliards d’euros de dettes qui pèseront sur ses capacités d’investissement et restreindront sa marge de manœuvre commerciale. Un opérateur encore plus affaibli sur un marché des télécoms déjà pas très en forme. Une situation dont Free pourrait bien profiter au final en lorgnant du côté de Bouygues Telecom.

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