Crédit d’impôt recherche : stop ou encore ?

Le crédit d’impôt recherche (CIR) est plébiscité par les entreprises sondées par Alma Consulting. Mais des interrogations demeurent sur l’efficacité du dispositif et son impact réel sur l’emploi.

À l’heure où une commission sénatoriale enquête sur la réalité du détournement du Crédit d’impôt recherche (CIR), un sondage publié par le cabinet de conseil européen Alma Consulting Group témoigne de l’attachement des entreprises au dispositif.

Crée en 1983 et réformé en 2008, le CIR soutient l’effort des entreprises en recherche et développement. Cette mesure fiscale mise en place par l’État français prend la forme d’un crédit d’impôt de 30 % sur les dépenses de R&D jusqu’à 100 millions d’euros et de 5 % au-delà de ce montant. En 2010, le CIR a représenté une créance de 4,5 milliards d’euros et de plus de 5 milliards d’euros par an depuis. Un mécanisme jugé coûteux et peu efficace par la Cour des comptes, mais considéré comme un outil « essentiel » au financement de la recherche et de l’innovation par ses défenseurs.

Efficace pour l’emploi ?

En mars 2015, 129 entreprises françaises (dont 47 % de PME, 27 % d’ETI et 11 % de grandes entreprises) ont été interrogées par voie électronique par Alma. 98 % ont jugé le dispositif « utile », indique le cabinet de conseil. Pour une majorité des sondés (60 %), le Crédit d’impôt recherche permet d’innover pour se différencier du marché, pour près de 50 % d’augmenter les projets et pour 41 % de monter en compétences techniques. Les entreprises sont bien moins nombreuses (37 %), en revanche, à déclarer que le dispositif leur permet de maintenir leur activité de R&D en France.

Pour près de 80 % des entreprises, le dispositif aurait un impact positif sur l’emploi. Dans le détail, 47 % des répondants déclarent avoir maintenu des emplois grâce au CIR (1 à 10 emplois par organisation) et 33 % avoir recruté du personnel supplémentaire grâce à cette mesure fiscale. Lorsque l’on considère uniquement l’effectif en R&D, ces proportions sont respectivement de 41 et 36 %. Pour le directeur général d’Alma Consulting Group, Jean-Baptiste Hueber, ces taux montrent que « le CIR joue un rôle essentiel de soutien à l’activité économique de notre pays avec un impact direct sur la création d’emplois en général, et en particulier l’emploi scientifique ». Un point de vue que ne partage pas l’association Sciences en marche, qui regroupe chercheurs, ingénieurs et professeurs.

Optimisation fiscale pour les grands groupes

Dans un rapport remis à la commission d’enquête du Sénat sur le CIR, le collectif de chercheurs conteste l’efficacité du dispositif sur la création d’emplois. Selon Sciences en marche, « il n’existe aucune corrélation entre la création d’emplois en R&D et la créance de CIR », mais de fortes disparités selon la taille des entreprises. L’association indique dans son rapport : « entre 2007 et 2012, les entreprises de moins de 500 employés ont créé environ 82 % des quelque 30 000 emplois de R&D, alors qu’elles n’ont bénéficié que de 37 % du CIR. Les entreprises de plus de 500 employés, dans le même temps, ont bénéficié de 63 % de la créance et n’ont créé que 18 % des emplois en R&D ».

Un avis que rejoint Bernard-Louis Roques, directeur général et co-fondateur du fonds Truffle Capital, qui a créé un classement français et européen des éditeurs de logiciels. Pour lui, si le CIR est un outil vital pour les PME – et sert alors l’emploi -, il n’est qu’un « outil d’optimisation fiscale » pour les grands groupes. « Il faut revenir sur l’extension du CIR aux grands groupes accordée par la précédente majorité », conclut-il.

Selon Sciences en marche, deux branches, les activités informatiques et services d’information d’un côté, les activités spécialisées, scientifiques et techniques de l’autre, concentrent 80 % des emplois créés chaque année grâce au CIR.

Autre dossier chaud en suspens : la reconnaissance des activités entrant dans le périmètre du CIR par le fisc. Les entreprises du secteur, ESN (la nouvelle dénomination des SSII) et éditeurs, représentées par Syntec Numérique redoutent toujours les contrôles de Bercy, bien que le dispositif ait été sanctuarisé par François Hollande. Plusieurs entreprises du secteur ont subi des redressements, les inspecteurs estimant que des activités comptabilisées dans le CIR les années précédentes n’auraient pas du y être intégrées.

Malgré ces soupçons de détournement par les grands groupes et les incertitudes fiscales, aucune entreprise sondée par Alma Consulting Group ne souhaite la disparition du CIR. Une telle extrémité pousserait 83 % des répondants à diminuer leurs investissements en R&D et aussi, pour 79 % des sociétés interrogées, à réduire leurs effectifs. L’avenir d’une minorité significative d’entreprises (30 % tout de même) serait même compromis.

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