Régis Castagné, Equinix : «Le datacenter est aujourd’hui un hub »

En 2017, Equinix va consolider ses acquisitions en France et pousser toujours plus loin l’interconnexion au cœur de sa stratégie.

Lorsque l’acquisition des datacenters de Verizon (signée fin décembre dernier) sera finalisée, Equinix disposera de 175 datacenters dans le monde. Contre 146 effectifs aujourd’hui au catalogue du fournisseur d’infrastructure d’hébergement de systèmes informatiques. « La stratégie d’Equinix est d’être un grand acteur des datacenters installés dans les centres économiques », déclare Régis Castagné, directeur général de la branche française du prestataire américain. C’est cette même logique qu’il opère aujourd’hui sur la France. En juillet dernier, Equinix confortait sa capacité d’hébergement en rachetant à Digital Realty (DRT) deux centres situés à Saint Denis (loués jusqu’alors). Une opération qui succédait à l’acquisition de Telecity Group en mai 2015.

Paris, le centre des activités

Equinix Regis Castagne
Régis Castagné, directeur général d’Equinix France

Les mouvements se traduisent aujourd’hui par un actif immobilier de six centres parisiens répartis entre Roissy (PA1), Saint Denis (PA2/3), Pantin (PA4), Aubervilliers (PA5/6) et Courbevoie (PA7). Soit 50 000 m2 de capacité d’accueil dont les trois quarts déployés au nord de la capital (Aubervilliers, Pantin, Saint Denis). « Nous sommes 60% plus gros que le deuxième en chiffre d’affaires et en espace disponible », assure Régis Castagné qui fait référence à Interxion sans le citer.

Equinix fait donc le choix de concentrer ses activités sur Paris à l’heure où son plus proche concurrent se déploie à Marseille, point de transit des autoroutes numériques vers l’Afrique et l’Asie. « Treize des quinze derniers projets de câbles sous-marins opérateurs dans le monde arrivent chez Equinix, justifie Régis Castagné. Marseille compte cinq câbles aujourd’hui. Cela reste modeste. » Quand bien même l’activité de transit s’intensifierait drastiquement dans la cité phocéenne, l’hébergeur américain profite des autoroutes de fibre qui relient Paris-Marseille avec deux chemins de résiliences à faible latence (2 ms) et économiques. « En France, on a la chance d’avoir une infrastructure télécom et une énergie de bonnes qualités et peu onéreuses [comparées à d’autres régions], que le pays ne met pas assez en avant », considère le dirigeant.

L’interconnexion au cœur de la stratégie

Sur ce point, Equinix travaille avec Zayo qui dispose d’un « beau réseau pour rapatrier des datacenter de province vers Paris. Il suffit d’installer un rack chez nous pour fournir l’écosystème parisien » où se concentrent les fournisseurs partenaires de Cloud et de réseau. Un écosystème qu’Equinix met en avant auprès de ses clients et prospects qui bénéficient ainsi d’une proximité directe avec leurs fournisseurs et partenaires. Un simple câble donne ainsi accès à 125 opérateurs depuis les datacenter parisiens tous interconnectés en fibre noire, privée ou managée, pour offrir redondance et ultra faible latence. C’est le résultat de plusieurs millions d’euros investis en génie civil pour déployer de la fibre. Jusqu’à 900 liens optiques entre deux bâtiments.

Ce métier de mise en relation en complément du service d’hébergement est stratégique aujourd’hui chez Equinix. Il se traduit notamment à l’international par la plate-forme Internet Exchange (EIX) qui réunit une vingtaine de points d’échanges Internet dans le monde dont France-IX, AMS-IX (Amsterdam), LINX (Londres), APLPIX (Munich) en Europe par des liaisons de 100 Mbit/s à 10 Gbit/s assurant performance et fiabilité de bout en bout. « Le datacenter est le récipient du choix de l’informatique des clients, résume le notre interlocuteur. Un mauvais choix peut être très impactant. » Et de citer en exemple Criteo qui, au-delà de la sécurité, a retenu Equinix pour être « au cœur du réseau à proximité des sources de données ». La latence est en effet primordiale au modèle du fournisseur de solution marketing pour l’acquisition des bannières publicitaires aux enchères. « Le datacenter est aujourd’hui un hub », résume l’ancien dirigeant d’Interoute France.

Les Gafa, des clients et partenaires

Les géants du Cloud public que sont les AWS, Google, Microsoft et autre IBM ne risquent-ils pas de venir piétiner les plates-bandes d’Equinix ? Au contraire. « Ce sont à la fois des clients et des partenaires, justifie Régis Castagné qui ne voit pas de tendance de fond vers le Cloud public mais vers le Cloud hybride. Quand ils ont besoin de se rapprocher vers les marchés finaux, ils déportent leur infrastructure dans les régions plus proches de leurs clients. Les Gafa vont devenir les plus gros clients d’Equinix. » Le dirigeant ne nous confirmera pas l’arrivée d’Amazon entre ses murs, ou celle de Microsoft, alors que les deux acteurs ont annoncé l’ouverture de datacenter en France cette année. Mais « le trafic [de AWS] passe majoritairement chez Equinix », concède-t-il. De là à tirer une conclusion hâtive…

Quoi qu’il en soit, Equinix entend accélérer son développement en France. Dans l’immédiat, la priorité est donnée à l’intégration de Telecity et DRT. « 2017 sera l’année de la matérialisation de ce campus digital où la place de marché deviendra réalité », assure Régis Castagné. Qui entend ainsi passer de 400 clients à plus de 700. L’entreprise en a les moyens avec une capacité d’extension de 10 000 m2 à Pantin et un contrat de 15 ans avec GRDF sur 32 MW. « Nous avons suffisamment de capacité pour les trois à quatre prochaines années. » La demande pourrait bien exploser en effet. « En France, 25% de l’informatique est externalisée, contre 50% aux Etats-Unis », fait remarquer Régis Castagné. Qui entend bien profiter de la prochaine extension d’Equinix sur le sol américain comme argument de vente aux clients français qui souhaiteraient s’y développer. Ou la vision du datacenter comme hub planétaire.


Lire également
La connectivité satellitaire via laser arrive chez Equinix
Brian Lillie, Equinix: « faciliter la création de cloud hybride haute performance»
Le marché du datacenter français en plein rebond

crédit photo : Equinix