Retour d’expert Compass : les principales causes d’échec des projets IT

D’une année sur l’autre, le constat demeure : les projets « ratés » continuent de polluer les résultats des DSI et de leurs entreprises…

La complexité législative et réglementaire

Un autre aspect, rarement évoqué, est relatif à la complexité réelle ou supposée des systèmes d’informations. Concernant les SI des grandes entreprises (celles du CAC 40 ou assimilées), cette complexité revêt plusieurs axes : l’architecture fonctionnelle et technique du SI, l’organisation des projets, la législation (les lois et règlements internes ou externes), la sécurité, l’externalisation et bien d’autres. Il existe ici un domaine dont on ne parle quasiment jamais, mais qui à lui seul peut faire monter la note de deux à trois fois sa valeur initiale possible : la législation au sens large.

Philippe Prunet – « Nous détenons ainsi la troisième cause majeure, liée à la complexité législative et réglementaire. En effet, l’impact est souvent fonctionnellement considérable (et c’est une spécificité française) sur les Systèmes d’Informations (SI) de l’entreprise comme le SIRH (gestion des ressources humaines de l’entreprise), le SI Comptable ou d’autres comme la Facturation. Le point commun de ces systèmes est qu’ils sont transverses à toutes entreprises, soumis à des lois et règlements, à des conventions collectives générales et particulières, bref à une panoplie (dont nous avons en France probablement le record du monde) de règles qu’il faut impérativement implémenter dans ces systèmes. Étrangement, nous constatons que les fameux projets de développement ou les maintenances applicatives qui coûtent deux à trois fois plus cher que prévu (en oubliant que l’estimation initiale peut être en cause) se situent majoritairement dans ces SI transversaux (RH, Finances, Paie, Comptabilité…). Nous ne rencontrons pas de tels ratios pour les SI ‘cœur de métier’. »

Cela constitue assurément une richesse fonctionnelle (à comparer à des systèmes équivalents dans d’autres pays d’Europe ou du monde) mais cela induit aussi une architecture fonctionnelle et technique complexe.

Ces SI intègrent, pour la plupart, une grande quantité de progiciels (parfois quatre ou cinq pour un même SI). Les éditeurs ont misé beaucoup en terme de couverture fonctionnelle et de souplesse de paramétrage, mais jamais assez pour telle ou telle grande entreprise française. A priori, l’idée d’opter pour un progiciel peut sembler évidente dans ces cas : la législation est la même pour tout le monde. Chaque SI devrait être quasiment identique et « progicialisé » au maximum et, d’une entreprise à l’autre, les différences devraient être mineures. Pourtant, ce n’est pas le cas. Chaque DSI produit sa solution. Sur ces SI, les progiciels sont souvent utilisés de manière peu standard, avec des coûts d’adaptation ou des développements spécifiques explosifs.

L’historique des Systèmes d’Information des entreprises

La quatrième cause, et non des moindre est l’historique des SI des entreprises. L’informatique au sens hardware et software n’a cessé de se développer de manière exponentielle en outils et en performance depuis 40 ans. Ce que fait le moindre PC familial et l’internet d’aujourd’hui n’était même pas imaginable il y a 30 ans. Pour répondre à un même besoin utilisateur, de nombreux scenarii sont possibles aujourd’hui, en termes d’architectures techniques, de choix d’outils ou de progiciels. Il existe moult façons d’apporter la solution informatique à une demande fonctionnelle de maîtrise d’ouvrage. Tous ces scenarii sont-ils bien envisagés du point de vue du risque, de l’efficience, de la performance, des coûts ? Pas si sûr.

Philippe Prunet – « Une chose est certaine : la nouvelle application dont on rêve et qui aurait tous ces indicateurs au vert doit s’insérer dans un SI entreprise existant et cohabiter avec de multiples applications plus ou moins anciennes (parfois très anciennes, plus de 20 ans), plus ou moins complexes, plus ou moins bien architecturées, avec des données plus ou moins bien urbanisées, etc. Et c’est ainsi que la complexité fonctionnelle et technique peut devenir elle aussi explosive avec les coûts de fabrication et de maintenance qui en découlent. N’oublions pas que les coûts de refonte des SI sont souvent très élevés, précisément dus au fait d’une intégration complexe, avec une valeur ajoutée quasi nulle lorsqu’il s’agit de refaire « en plus moderne » une application à iso-fonctionnalité. Heureusement, la nouvelle application « plus moderne » sera plus séduisante, plus attractive pour l’utilisateur. Sera-t-elle plus performante ? Rendra-t-elle un service supérieur pour l’utilisateur dans le cadre de ses tâches quotidiennes ? A méditer. »

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