RGI v2 : après les polémiques, un outil enfin utile ?

Après une première mouture marquée par une guéguerre opposant Microsoft au logiciel libre, le Référentiel Général d’Interopérabilité revient dans une seconde version. La Disic, la DSI de l’Etat, entend cette fois en faire un vrai levier d’optimisation des SI dans le secteur public.

Mise à jour à 17h30 (ajout du dernier paragraphe)

La première version était née dans la douleur, après un véritable psychodrame. En 2009, l’Etat publiait le Référentiel Général d’Interopérabilité (RGI), texte renfermant un certain nombre d’éléments sur les choix technologiques que doivent faire les services publics pour s’échanger des données, après une lutte épique qui avait vu s’opposer les tenants du logiciel libre dans l’administration et Microsoft. A force de lobbying, le premier éditeur mondial était parvenu à inclure son OpenXML dans la liste des formats bureautiques référencés, aux côtés du ODF de OpenOffice… Après une guérilla de 4 ans. Une guérilla qui, à n’en pas douter, a laissé des traces. Car le RGI première version n’a produit que des effets limités. « Les conditions n’étaient pas forcément réunies pour une mise en application efficace partout. Même si on retrouve aujourd’hui ce texte dans les cahiers des clauses techniques particulières et dans les appels d’offre de l’administration », explique Luc Pierre-Dit-Mery, qui pilote les chantiers urbanisation et interopérabilité du SI de l’Etat au sein de la Disic (la DSI de l’Etat).

La Disic qui s’est précisément emparé du chantier de la v2 du RGI, dont une pré-version vient d’être publiée pour appels à commentaires. Pour l’instant dans un climat apaisé… même si le OpenXML, approuvé par l’ISO en 2008 et mis à jour pour la dernière fois en 2012, de Microsoft ne figure pas dans la liste des standards référencés. « De nombreux pays ont adopté une démarche similaire. Les grands éditeurs commencent à regarder la question différemment », veut croire notre interlocuteur à la Disic.

9 profils d’usage

Et ce dernier de détailler la méthode retenue pour élaborer le projet de v2 (actuellement étiqueté 1.9.7) : « Nous référençons les standards de fait (formats et protocoles, NDLR), pour peu qu’il s’agisse de standards ouverts, même si certains sont éliminés de la liste parce que nous les jugeons obsolètes par exemple. A l’issue de la consultation, nous serons vigilants à ne pas trop faire grossir la liste des standards référencés. D’ailleurs, deux des premiers commentaires nous incitent à resserrer la liste des standards acceptés plutôt qu’à la faire grossir. » La Disic prévoit de laisser l’appel à commentaires ouvert jusqu’à la mi-mai (éventuellement plus si les réactions sont nombreuses), avant de passer aux phases de validation du texte et à la réalisation d’une étude d’impact. La v2 définitive devrait être publiée, via un arrêté (comme l’avait été la v1), quelque part à la rentrée prochaine.

Si cette seconde mouture s’apparente à la v1 dans sa forme – elle référence des standards ouverts devant servir aux échanges entre organisations du secteur public et entre ces entités et l’extérieur –, elle se distingue de son ainée au moins sur deux points. Le premier d’entre eux réside dans la publication de profils, 9 typologies d’usage* associées à une liste de formats et/ou protocoles. Avec, parmi eux, un « profil central », celui de l’Etat plate-forme, la stratégie permettant aux administrations de concevoir de nouveaux services publics sur la base de ressources communes mises à disposition au travers d’interfaces ouvertes.

Alignement obligatoire sur le texte

L’autre différence tient au contexte. Alors que le RGI première mouture était porté par une DGME (Feu la Direction Générale de la modernisation de l’Etat) sans grand pouvoir et décrédibilisée par la longue guéguerre autour de l’intégration d’OpenXML, la future v2 est pilotée par la Disic, sortie renforcée des derniers arbitrages du gouvernement. « Dans le contexte du décret d’août dernier, de l’Etat plate-forme et de la circulaire du Premier ministre de janvier dernier, le RGI aura plus de poids », dit d’ailleurs Luc Pierre-Dit-Mery. Le décret évoqué affirme l’unicité du SI de l’Etat placé sous l’autorité du Premier ministre (dont dépend la Disic) et place cette dernière dans un rôle d’arbitre des projets ministériels importants. Quant à la circulaire de Manuel Valls aux différents ministères, elle réaffirmait sans détour le rôle central de la Disic dans les efforts de mutualisation et le suivi des efforts de rationalisation.

Dans ce contexte, on voit mal les administrations centrales, et dans une moindre mesure les collectivités et autres opérateurs publics, snober le RGI seconde mouture. D’autant que ces organisations devront se prononcer formellement par rapport à ce texte. « Ce texte a vocation à s’imposer à l’ensemble du secteur public, sans toutefois être associé à des contraintes financières. Une fois le RGI publié, les administrations auront 6 mois pour produire un état des lieux et donner leur trajectoire par rapport au texte », détaille Luc Pierre-Dit-Mery. Un principe acté, assure-t-il, même si les modalités de cet alignement doivent encore être discutées avec les entités concernées, à commencer par l’administration d’Etat. « Nous voulons nous inscrire dans une démarche d’incitation, de recommandation », précise notre interlocuteur à la Disic. Malgré cette promesse de dialogue, la DSI de l’Etat ne cache pas sa volonté de voir les administrations effectuer des « choix un peu plus assumés » dans l’application du texte. Pour ce faire, la direction va produire une grille de conformité et un outil d’auto-diagnostic.

Pour s’assurer de disposer d’un texte réellement opérationnel, la Disic entend aussi le faire vivre dans le temps. « La réussite de la v2 ne dépend pas uniquement du texte, mais aussi de tout ce qui l’accompagne, comme les processus de révision », tranche Luc Pierre-Dit-Mery.

Sollicité par la rédaction pour commenter cette v2 d’un texte qui avait tant retenu son attention à la fin des années 2000, Microsoft n’a pas donné suite à nos appels.

* : Fondations Etat plateforme, Web service SOAP, communication interpersonnelle et bureautique, archivage, géomatique, interopérabilité des organismes de la protection sociale, orchestration, conception de système, signature électronique.

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