Le scandale NSA coûterait jusqu’à 180 milliards de dollars à l’industrie américaine

Après de nouvelles révélations sur les écoutes de la NSA, les dirigeants de grands groupes high-tech assurent que l’urgence est économique. Pour l’industrie IT américaine, le manque à gagner est estimé entre 35 et 180 milliards de dollars d’ici 2016, selon les études. Même dans le plus favorable des scénarios, elle perdrait 15 points de parts de marché à l’international !

Après de nouvelles révélations sur la surveillance massive réalisée par l’Agence de sécurité nationale américaine (NSA), l’administration Obama use de diplomatie pour tenter de convaincre l’industrie de la pertinence d’une réforme annoncée en janvier. Sceptiques, les dirigeants de grands groupes high-tech américains s’inquiètent de l’impact économique du scandale.

25% des revenus de l’industrie

Accusés de contribuer aux programmes américains de collecte massive de données ou de métadonnées, y compris en offrant un accès direct aux données par le biais de portes dérobées (backdoors), les grands noms des technologies ont de facto de quoi s’inquiéter. Pour l’industrie IT américaine, la perte liée aux opérations d’espionnage effectuées par la NSA est estimée à 35 milliards de dollars d’ici 2016 par l’ITIF (Information Technology and Innovation Foundation).

La part de marché « Cloud » réalisée par ces entreprises hors des États-Unis passerait de 80% en 2014 à 65% en 2016, voire à 55% dans le pire des scénarios. L’industrie américaine, qui maintiendrait tout de même sa domination mondiale, pourrait donc perdre jusqu’à 20 points de parts de marché à l’international au cours des 2 ans qui viennent, et ce au bénéfice d’entreprises étrangères surfant sur la vague de la « souveraineté numérique »,  de l’éditeur norvégien de messagerie, Runbox, aux groupes du Cloud français Cloudwatt et Numergy.

Forrester Research va encore plus loin dans ses estimations. D’après la société d’études, le manque à gagner pour l’industrie IT américaine pourrait atteindre 180 milliards de dollars d’ici deux ans, soit 25% des revenus globaux de ladite industrie. Les clients étrangers mais aussi américains se détournant de fournisseurs IT américains pour l’hébergement web, le Cloud et l’infogérance…

Cristallisation sur la la localisation de données

Pour limiter l’hémorragie, les multinationales américaines cherchent à « localiser » leurs offres. Microsoft, qui a perdu la confiance du gouvernement du Brésil – opposant de la première heure aux écoutes révélées l’an dernier par Edward Snowden –, envisage de proposer à ses clients le choix entre ses différents datacenters dans le monde pour stocker leurs données. IBM, de son côté, investit 1,2 milliard de dollars pour construire 15 nouveaux centres hors des États-Unis et mettre les données de ses clients à l’abri des regards indiscrets.

L’affaire NSA peut avoir un impact négatif sur les résultats financiers des entreprises, ont rappelé les dirigeants de grands groupes, du président de Google, Eric Schmidt, au Pdg de Facebook, Mark Zuckerberg, reçus vendredi 21 mars à la Maison Blanche. Mais, en dehors des estimations des cabinets d’étude, il est encore difficile de déterminer avec précision, aujourd’hui, l’impact économique des révélations sur les écoutes de la NSA, d’importants contrats pluriannuels ayant été conclus entre les groupes IT et leurs clients.

« Les clients se soucient plus que jamais de l’endroit où leur contenu est stocké et de la façon dont il est utilisé et sécurisé », explique John Frank, conseiller juridique adjoint de Microsoft. Un constat que partagent les analystes de Pierre Audoin Consultants. « Les risques se matérialisent avec l’affaire NSA/Prism, mais la bonne nouvelle pour les fournisseurs IT est que les entreprises sont davantage prêtes à investir pour sécuriser leurs réseaux et systèmes d’information », assurent-ils.


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