Scott Mc Nealy: ‘Sun peut tout faire -ou presque!…’

De passage à Paris, le big boss fondateur de Sun Microsystems ne cache pas sa satisfaction suite aux bons points accumulés depuis quelques mois: profitabilité retrouvée, reprise des acquisitions avec le joli coup de StorageTek

Inclassable Sun? Alors que certains analystes donnaient peu cher de son avenir il y a quelques mois encore et que de méchantes et infondées rumeurs ont circulé sur sa capitalisation, la firme de Scott Mc Nealy ne cesse de rebondir. Le rachat, en cours, de StorageTek a littéralement dopé ce patron intarrisable qui donne toujours sa carte de visite portant le double titre de « chairman & CEO ». Le prix payé pour StorageTek, 4 milliards de dollars, est une petite fortune… Quel sera le retour sur investissement? Scott Mc Nealy: StorageTek est une société mondialement profitable. Avec notre conseil d’administration nous avons comparé positivement le montant du rachat au ‘cash flow’ qu’elle dégage. Pas de souci, c’est très positif! Cette société investit dans la R&D. Ensemble nous allons conforter notre profitabilité. Il existe bien une synergie entre elle et notre expertise dans la gestion, la distribution et l’authentification des données (cf. NFS , CMFS, Access Manager…). Le marché de l’archivage est en expansion, en raison par exemple des récentes obligations légales, comptables. Nous-mêmes, Sun, sommes bien placés: 66% des données archivées dans le monde le sont via des ‘librairies’ gérées par nos solutions – ce qui représente environ 17.000 clients! Et puis les consolidations sont inévitables dans notre business comme dans celui de Boeing ou Airbus… ou de l’automobile. Envisagez-vous d’autres acquisitions? Oui, d’autres acquisitions sont envisageables. Nous pouvons encore croitre organiquement. Par exemple sur le créneau des bases de données. Nous avons de larges capacités d’autofinancement. Les chiffres des trois derniers trimestres sont bons, vous le savez, nous avons amélioré notre marge brute. Sur un an, nous avons engrangé un milliard de dollars. Et ces rumeurs sur le rachat des actions avec l’hypothèse de sortir de la cotation en Bourse?… Vous le dites, de pures rumeurs, des fadaises. D’ailleurs, je n’ai rien démenti, rien à démentir! C’est une spéculation d’une source anonyme -caractéristique des dérives d’une certaine presse américaine, fût-elle Business Week! [large sourire, acide] Quelles sont vos orientations s’agissant de l’Open Source? Ouverture de Solaris, ouverture à Linux? Pourquoi n’est-ce pas applicable à Java? Pour Java, nous avons déjà posé le principe d’une implémentation ‘Open Source’ de Java, mais le code source de Java en tant que tel n’a pas de raison à être Open source: il est réservé aux partenaires, aux développeurs Java. Ils sont un millier dans le monde, dont un grand nombre de firmes françaises, vous le savez (Axalto, Gemplus…). Nous limitons l’accès aux ‘runtimes’ Java, un accès limité à un cercle de développeurs, plutôt large. Il existe un vrai processus communautaire de Java, intéressant, original, avec une volonté très forte de compatibilité, d’interopérabilité. Donc, Java reste à part, spécifique? On peut être pour ou contre Java -c’est une question de religion. Mais le processus de licences Java est un succès. On voit le logo partout, sur les terminaux télécoms, les PDA… Citez-moi un autre aussi efficace, profitable? Quel avenir garantit l’Open Source, en fait? BSD [Unix de Berkeley] était Open Source: qu’en reste-il? Firefox est Open Source, oui et demain? Java, on ne pourra pas l’évacuer, ni l’arrêter. Et c’est vrai qu’il y a des brevets, qu’ils sont légitimes parce qu’il y a beaucoup de R&D en amont. L’un des problèmes concernant les brevets, aux USA, du moins, c’est l’insuffisance de moyens dans les administrations qui en sont dépositaires et responsables… C’est vrai aussi qu’il y a une terrorisation à cause de certains grands industriels [cf. réglement du litige avec Kodak] -qui exercent une forme de chantage. Et Solaris? Quelle stratégie d’ouverture? Solaris est ouvert, nous l’avions annoncé. Et oui, dans sa prochaine version, il supportera les applications Linux. Comment se positionne Sun aujourd’hui? Une firme de hardware, de software? Qui considérez-vous comme concurrents ou challengers? Oui, les deux, hard et software. Nous sommes dans l’infrastructure: tout ce qui peut contribuer au bon fonctionnement d’un datacenter, y compris les accès réseau. Côté concurrence, nous sommes très différents de Dell (qui est, disons, un ‘broker’), de HP (qui intégre mais ne développe plus son « middleware », ni ses outils de virtualisation, ni son expertise réseau). Très différents d’EMC, qui n’a pas de serveurs. Nous voyons évidemment et surtout IBM. Et un acteur en deux entités… Intel et Microsoft. Imaginez leur position dominante si ces deux-là se rapprochaient plus encore… Sun aussi puise à des sources externes: comment s’articule votre coopération avec AMD, Fujitsu, face à vos propres développements – le futur processeur « Rock » ? Personne ne peut réaliser tous les processeurs. AMD est notre partenaire pour les plates-formes x86 (compatible Intel) jusqu’aux modèles haut de gamme 64bits. Au début de 2006, nous allons présenter notre nouvelle génération, le processeur « Rock » suite de notre famille UltraSparc. Il équipera des machines de la classe « super-calculateurs ». Avec Fujitsu, nous construisons des ‘chipsets’ pour des systèmes d’entreprise dédiés à des « missions critiques »; ils ont l’expertise de l’environnement ‘mainframes’, avec protection totale des données (ACC). Votre relation avec Microsoft a été positivement rétablie. Sur quels domaines pouvez-vous collaborer avec cet éditeur incontournable mais qui reste un concurrent -contre qui vous avez témoigné… Nous, nous savons élaborer des services autour des implémentations, en y injectant des fonctions spécifiques, y compris verticales, par métiers. Il existe un potentiel de coopération. Côté développement, c’est l’interopérabilité entre nos plates-formes respectives qui prime. La plate-forme « .Net » est crédible. Nos clients demandent, par exemple, une authentification Web unique entre Solaris, Java ES et Windows Server. Autre exemple: WS-Management, une spécification de services Web, destinée à l’administraton de pilotes, créée en collaboration avec Microsoft, Intel et d’autres fournisseurs. Bref, nous voulons rendre plus profitable notre accord avec Microsoft.