SFR veut déployer sa fibre sur 100% de la France en fonds propres d’ici 2025

Altice-SFR entend se substituer à Orange et aux collectivités locales pour apporter le très haut débit fixe sur l’ensemble du territoire. Sans aucune aide financière.

Sébastien Soriano, le président de l’Arcep, voulait stimuler les investissements dans le déploiement des infrastructures très haut débit (THD) par la concurrence. Il est servi. Mais peut-être pas dans le sens où il l’entendait. Altice-SFR (et bientôt Altice France) vient d’annoncer son intention de déployer le FTTH (fibre optique à domicile) sur « l’ensemble du territoire français ». Une initiative qui s’inscrit dans l’esprit du Plan France THD du gouvernement visant à couvrir la France entière en THD en 2022, à 80% en fibre, le reste en solutions THD radio (schématiquement dénommée 4G fixe), « sans argent public » assure l’opérateur. Lequel se sent même capable d’amener la fibre sur 100% du territoire pour 2025.

C’est du moins la proposition que la filiale française du groupe de Patrick Drahi a faite au Premier ministre suite à la réunion interministérielle à laquelle étaient conviés l’ensemble des opérateurs le 7 juillet dernier. Pour parvenir à ses objectifs, Altice-SFR va créer Altice Infrastructures, la filiale en charge du déploiement de la fibre. Qui se mettra en route dès septembre pour raccorder ses premiers foyers à partir de l’automne 2017. Dans les faits, bien avant d’annoncer la création de cette filiale, SFR annonçait précédemment son ambition de déployer 22 millions de prises THD pour 2022 (dont, il est vrai, un peu moins de la moitié issue de son réseau hybride fibre-câble hérité de Numericable) dont la moitié pour la fin de l’année.

Un réseau ouvert aux concurrents

« Pour l’Etat et les collectivités, la proposition d’Altice-SFR permet de résoudre notamment deux difficultés : les retards liés à la complexité et au manque d’efficacité des dispositifs actuels et l’explosion de la dépense publique pointée par la Cour des Comptes », justifie l’opérateur. Il fait référence d’une part au retard dans les investissements des opérateurs dans le FTTH à l’exception d’Orange dont l’Arcep tente de faciliter l’accès aux fibres par une révision de la réglementation; et d’autre part au rapport des sages de la rue Cambon à Paris qui évaluaient à 35 milliards d’euros au lieu de 20 milliard estimé le coût total du Plan France THD.

Non seulement Altice Infratructures entend financer en fonds propres le déploiement de son réseau mais elle annonce également qu’elle ouvrira son accès à l’ensemble des opérateurs « aux conditions prévues ». En d’autres mots, Altice-SFR entend se substituer à Orange et remet en cause le Plan France THD. Ce dernier, rappelons-le, prévoit de répartir les déploiements entre les opérateurs pour les zones denses, des accords de mutualisation des déploiements pour les zones moyennement denses (AMII), et les collectivités locales dans le cadre des réseaux d’initiative publique (RIP) pour les territoires ruraux qui regroupent 15 millions de foyers. Si SFR fait ce qu’il dit, l’opérateur ferait économiser des milliards d’euros à l’Etat en subventions. Il restera à voir la réaction de ce dernier et des concurrents.

Une rupture majeure

Pour mettre en oeuvre son plan, Altice-SFR s’appuiera sur son expérience (à travers des déploiements similaires au Portugal ou Altice est présent à travers Portugal Telecom et dans 21 Etats des Etats-Unis) qui a permis au groupe de « développer une approche unique de maîtrise des coûts et a mis en place ». Le groupe déclare par ailleurs avoir sécurisé son approvisionnement en fibre et ses capacités de déploiement à travers l’intégration, il y a quelques mois, d’Altice Technical Services. Pour autant, aucune précision sur le calendrier de couverture ou les investissements à consentir ne sont aujourd’hui avancés.

« Face à un système devenu obsolète, Altice-SFR prend l’initiative de fibrer toute la France sans aucun argent public, confirme son directeur général Michel Paulin. Cette contribution au projet du gouvernement pour le très haut débit représente une rupture majeure que permettent les compétences techniques et l’engagement d’Altice dans le financement des réseaux très haut débit en France et dans les pays où nous sommes présents. » La soudaine volonté du groupe d’accélérer sur le dossier de la fibre n’en reste pas moins étonnante. Il y a quelques semaines encore, SFR portait plainte contre Orange qui refuse de revoir un accord de répartition des déploiements dans les zones moyennement denses qui comptent 10 millions de foyers. Difficile de croire qu’une seule réunion avec les huiles du gouvernement, ou que l’arrivée d’une nouvelle réglementation susceptible de faciliter la vie à Bouygues Telecom et Free, ou encore les nouveaux accords qu’Orange vient de passer avec Canal+, aient suffi à pousser Altice-SFR de soudainement « mettre le paquet » sur la fibre. Mais n’oublions pas que, au moment de l’acquisition de SFR en 2014, Patrick Drahi avait affiché son ambition de devenir le premier opérateur en France. Il n’a visiblement pas changé de cap.


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