Solaris 10, stratégique pour Sun? et gratuit

Sun a présenté officiellement Solaris 10, son Unix pour Sparc et Intel x86. Au programme, la puissance et la sécurité, 600 nouvelles fonctionnalités, système de fichiers ZFS en 128 bits, 270 plates-formes Intel x86 certifiées, et des applications Linux qui s’exécutent directement en mode binaire natif? et la gratuité

Les objectifs de Sun Microsystems avec la dernière version de son système d’exploitation Unix ? Solaris 10 ? sont pour le moins ambitieux? Bien évidemment, le constructeur vise à faire évoluer les performances des plates-formes Sparc, mais surtout l’éditeur vise les plates-formes x86, à savoir Xeon et Opteron, et en particulier les clients Linux.

Et pour atteindre ses objectifs, Solaris 10 dispose d’un certain nombre d’atouts. Le premier, historiquement, c’est la qualité et la sécurité de son OS, un Unix largement répandu, et qui a séduit une communauté qui s’étend de la recherche scientifique aux finances. Après une pause de quelques mois, Solaris 10 revient sur les environnements Intel x86. C’est le second point fort de l’OS, qui rend Unix dans sa dernière version accessible aux serveurs aujourd’hui les plus répandus sur le marché, Intel Xeon et AMD Opteron. De plus, dans ses fonctionnalités, un Solaris 10 x86 est exactement identique à la version UltraSPARC. Pas moins de 270 plates-formes x86 ont été certifiées Solaris 10, dont 150 serveurs et destktop ordinateurs de bureau, mais aussi 120 laptop ordinateurs portables, sans oublier 350 périphériques. Les utilisations de l’environnement en modes mono et bi processeurs ont d’ailleurs été spécifiquement optimisées par Sun pour répondre aux configurations de base de ce marché x86. Pour les services informatiques qui souhaiteraient soit migrer leur Unix sur des plateformes plus accessibles, ou au contraire élargir leurs plates-formes en adoptant un Unix jugé plus sécurisé qu’un Linux et moins cher qu’un Windows, Solaris 10 pourrait s’imposer. D’autant que la nouvelle version de l’OS de Sun se dote d’une compatibilité binaire avec Linux, troisième atout, l’éditeur ayant intégré les librairies Linux directement dans le noyau de son système. Concrètement, une application Linux tourne directement en mode natif sur Solaris 10, sans qu’il soit nécessaire d’ouvrir un container et de charger un Linux, et donc sans émulation. A propos des containers, d’ailleurs, Solaris 10 permet d’ouvrir jusqu’à 8192 systèmes virtuels par instance, c’est-à-dire, à condition que la configuration matérielle suive, de créer un très large partitionnement logiciel. Une instance, jusqu’à plusieurs milliers de machines virtuelles, la distribution des applications pourra être gérée et optimisée à l’aide de N1 Grid Service, qui sera proposé en option. Pour l’analyse des performances, Solaris 10 est livré avec Dynamic Tracing, un outil puissant, langage interprété, développé en interne par Sun, et qui autorise en développement ou en production d’exécuter plus de 30.000 points de monitoring. Enfin, pour mentionner quelques avancées majeures sur Solaris 10 – l’OS dispose de plus de 600 nouvelles fonctionnalités ? ZFS est le nouveau système de fichiers, 128 bits, qui autorise une capacité de gestion et stockage des fichiers actuellement quasi illimitée: jusqu’à 16 milliards de milliards de fichiers. Avec ZFS, selon Sun, entre la capacité, l’auto-correction des données et la disponibilité, le système faciliterait plus que sensiblement l’administration des fichiers en réduisant de 80% la gestion du File System ! Mais l’un des atouts les plus importants de l’OS provient de son modèle tarifaire. Solaris 10 est gratuit, ‘right to use‘, mais attention il reste propriétaire en atendant une éventuelle et annoncée version Open Source ! Cette gratuité comprend bien entendu les ‘patchs’ de sécurité. C’est bien la première fois, que hormis certains contrats spécifiques de distribution, universitaires par exemple, un Unix pourra être déployé gratuitement en toute légalité sur tous les serveurs, sous seule réserve qu’ils soient Intel x86 ou Sparc. Ce nouveau modèle économique laisse cependant planer un doute : un éditeur se doit de gagner de l’argent, surtout lorsque sa position est particulièrement instable face à des IBM, HP, ou même Dell sur le marché des serveurs. Pour Sun, la solution est liée au support et aux services. Mais là aussi Sun consent un réel effort pour séduire les communautés et les utilisateurs. Avec une tarification multi-niveaux des prestations, le coût du support de Solaris 10 en version de base démarre à 120 dollars par an pour un CPU, 240 dollars pour 2 CPU, etc. A y regarder de près, ces prix sont inférieurs de plus de 50% à ceux pratiqués jusqu’à présent sur Solaris 9, et d’environ 40% à ceux pratiqués par Red Hat ! Autant le dire tout de suite, entre les fonctionnalités, l’accès aux applications Linux en natif, la gratuité de l’OS et le coût réduit du support, Sun met le paquet pour confirmer sa place chez ses clients Sparc, mais surtout séduire une nouvelle clientèle sur architecture x86. Les mois qui viennent, passé l’engouement du moment – Solaris 10 sera disponible dès janvier 2005 ? permettront de vérifier la pertinence des choix de Sun, et si l’afflue de nouveaux utilisateurs, séduits par la gratuité d’un OS Unix puissant, se mesurera aussi dans les recettes des supports ? Sur un marché des serveurs où seul Unix conserve une réelle rentabilité à moyen terme, Sun risque d’avoir fissuré un peu plus une boite de Pandore, confirmant l’empressement des fabricants à adopter le modèle économique du libre, officiellement au profit de leurs clients, mais aussi à leur risque et péril financier s’ils ne s’engagent pas suffisamment dans le virage du support et du service.