Suivi d’une flotte de véhicules : Orange condamné à faire marche arrière

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En appel, Orange apprend à ses dépens que la géolocalisation des véhicules utilisés par ses salariés doit être maniée avec la plus grande précaution. L’opérateur doit désinstaller les boîtiers communicants de sa flotte de 20 000 véhicules.

Orange ne pourra pas déployer en l’état son projet de suivi de sa flotte de 20 000 véhicules. Confirmant l’annulation du dispositif par le Tribunal de grande instance (TGI) de Paris ( juillet 2015), un arrêt de la Cour d’appel datant du 29 septembre considère que ce suivi « porte atteinte de manière disproportionnée aux droits des salariés ».

Le projet remonte à 2012, époque où l’opérateur présente au CNHSCT (comité national d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail) et au comité d’entreprise un projet baptisé Fleet Performance, basé sur l’implantation d’un boîtier électronique dans les véhicules du groupe. Démarré en 2012, le processus d’installation des boîtiers électroniques devait en principe durer 3 ans. Placés sous le tableau de bord, les boîtiers communiquent en 2G avec les systèmes d’information du groupe. Sont remontées dans l’application Fleet Performance des données de géolocalisation à chaque fois que le moteur est allumé ou éteint.

Des données conservées 3 à 6 ans

Pour Orange, il s’agit avant tout d’améliorer la sécurité de ses employés (suivi de l’entretien et des contrôles techniques), de promouvoir l’éco-conduite (via un calcul fiable des consommations) ou encore de maîtriser les coûts de la flotte de véhicules. L’opérateur souligne également que les données ne sont pas horodatées, « seuls les kilométrages journaliers étant transmis ». Les informations de géolocalisation en temps réel n’étant recueillies qu’en cas de vol du véhicule, et après seulement dépôt de plainte. Malgré ces assurances, la fédération syndicale SudPTT a déposé plainte, voyant dans le projet une atteinte aux droits des salariés.

En première instance puis en appel, la justice française a penché en faveur du syndicat. S’appuyant sur les recommandations de la CNIL, les juges critiquent la durée de conservation des données ainsi que « le nombre et la nature des informations recueillies par la SA Orange ». L’opérateur souhaitait en effet conserver les données transmises pendant toute la durée de location des véhicules, soit entre 3 et 6 ans. Par ailleurs, la Cour d’appel relève les problèmes potentiels que peut poser le boîtier en cas d’usage mixte du véhicule. « Les salariés ne peuvent désactiver le boîtier lorsqu’ils utilisent en dehors de leur temps de travail un véhicule de fonction ou lorsqu’ils agissent dans l’exercice d’un mandat électif ou syndical », écrivent les juges. Autre cas particulier : les voitures que se partagent plusieurs collègues. Dans ce cas, « les salariés ne disposant pas d’un droit de rectification des informations collectées pourront se voir reprocher, au vu d’une consommation importante de carburant, une conduite qui ne sera pas nécessairement la leur », observe la Cour d’appel.

Orange est donc sommé de désinstaller ses boîtiers. Passé un délai de trois mois à compter du présent jugement, l’opérateur devrait s’acquitter de 250 euros d’amende par jour de retard et par infraction constatée. Une menace des plus sérieuses sur une flotte de 20 000 véhicules (l’amende maximale atteignant 5 millions par jour). En revanche, SudPTT a été débouté de sa demande d’annulation de deux autres projets informatiques d’Orange : Boucle de qualité processus (BQP) et Boucle de qualité apprenante (PQA), visant à améliorer l’application des bonnes pratiques par les salariés.

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