Suresh Vasudevan, Nimble : « Flash nécessite de repenser le stockage »

De passage à Paris, Suresh Vasudevan, le Pdg de la start-up Nimble Storage née en 2008 et spécialiste des systèmes hybrides (Flash + disques durs), revient sur les particularités de la technologie de la start-up. Et sur ses premiers développements en France.

Présent en France depuis moins d’un an (avec un responsable des ventes, Frédéric Saldès), Nimble Storage fait petit à petit découvrir ses solutions aux entreprises de l’Hexagone. Et y a signé une poignée de contrats, selon ses affirmations. Outre Atlantique, la société s’est déjà taillé un nom au sein du landerneau du stockage. Avant tout grâce à son entrée en bourse réussie en décembre dernier : en une séance, le titre Nimble avait progressé de plus de 60 %. La société avait alors levé 168 millions de dollars. Depuis ce rallye du premier jour de cotation, le titre a encore progressé de plus de 40 %.

Un réel engouement alors que la société est encore loin de la profitabilité. Au cours de sa dernière année fiscale (close le 31 janvier dernier), Nimble Storage a enregistré un chiffre d’affaires de 125,7 M$, en progression de 134 % sur un an. Mais les pertes aussi se sont creusées. Sur l’année, celles-ci atteignent 43 M$, à comparer aux quelque 28 M$ perdus un an plus tôt.

Silicon.fr – Pouvez-vous revenir sur la naissance de Nimble ?

Suresh Vasudevan – L’entreprise a été fondée en 2008, par deux fondateurs. Le premier est l’employé n°11 de NetApp, il est aujourd’hui vice-président de l’ingénierie ; le second, notre directeur technique aujourd’hui, est l’ancien architecte en chef de Data Domain (spécialiste de la déduplication racheté par EMC en 2009, NDLR). Pour ma part, j’ai travaillé chez NetApp pendant 10 ans ; j’y étais dernièrement en charge de la R&D, des développements produits et du marketing technique. J’ai rejoint le conseil d’administration de Nimble en 2009.

La société est née sur la base de deux convictions. D’abord, nous pensons que le stockage Flash va créer une vraie rupture, nécessitant de repenser les architectures. Ensuite, nous sommes persuadés que le Cloud doit simplifier la gestion opérationnelle des équipements. Aujourd’hui, sur la plupart des équipements de nos concurrents, un logiciel suit le fonctionnement des systèmes mais, en cas de problèmes, l’utilisateur doit appeler par téléphone le support. Le Cloud doit simplifier cette façon de procéder.

Suresh VasudevanPourquoi les grands acteurs comme NetApp ont-ils tardé à s’adapter à l’offre Flash ?

Je ne pense pas que ce soit une question de prise de conscience. Dès 2007, lors de notre revue annuelle chez NetApp, nous étions d’accord sur la rupture qu’allait provoquer le Flash. Et avons lancé 3 initiatives différentes devenues aujourd’hui des produits. Mais la vraie difficulté pour ces acteurs réside dans le File System, le système de fichiers qui décrit comment les données vont être écrites sur un support. C’est la base de tout développement d’un système de stockage, base sur laquelle vous empilez des milliers de journées an de développement de logiciels complémentaires. Or, le problème du Flash est précisément qu’il nécessite de redesigner le File System. Au cours de ces années chez NetApp, j’ai rencontré 5 ou 6 start-up, dont Nimble, qui m’ont convaincu qu’il serait très difficile de lutter contre des architectures conçues d’emblée pour le Flash.

Quelles sont les caractéristiques de votre offre ?

D’abord, nous nous appuyons sur un File System optimisé pour les architectures hybrides (disques durs et mémoires Flash, NDLR). Et ce dernier repose sur des principes différents de ceux choisis par nos concurrents. Contrairement à eux, nous n’utilisons pas la mémoire Flash pour créer un nouveau tier de stockage dans lequel résident les données chaudes. Nous nous servons du Flash d’abord pour créer un volume centralisant les métadonnées ; cette approche est associée à un regroupement des opérations d’écriture sur les disques durs. Ceci afin d’augmenter les performances en écriture. D’autre part, le Flash sert de cache afin d’améliorer les performances en lecture. Associées à la compression, ces techniques nous permettent de proposer, pour des applications comme Exchange, des bases de données ou du VDI (virtualisation des postes de travail, NDLR), des systèmes nécessitant un tiers à un cinquième des ressources matérielles proposées par nos concurrents offrant eux aussi des solutions hybrides. Et notre File System est complétement configurable ; l’entreprise peut faire varier le ratio entre Flash et disque dur à la volée.

D’autre part, sur chaque système que nous déployons, un logiciel (Infosight) envoie, à intervalles de quelques minutes, toute une série de paramètres vers un système centralisé. Nous recevons ainsi plus de 100 milliards d’informations par jour. Et sommes capables de mener des analyses sur des paramètres évolués, comme le taux de perte de données sur une communication entre serveur et stockage. Au cours des 6 derniers mois, 92 % des événements de support ont été initiés par Nimble prenant contact avec un client. Et non l’inverse. Ce service, qui fait partie de notre contrat de support, est aussi très utile pour détecter de nouveaux besoins chez nos clients : au cours des 6 derniers mois, environ 250 contrats ont été signés de cette manière.

Votre entrée en bourse, en décembre dernier, a été une réussite. Mais quel est l’accueil de vos solutions dans les entreprises utilisatrices ou prestataires de service ?

Notre produit est sur le marché depuis 2010. Nous comptons aujourd’hui environ 2 700 clients. En un seul trimestre, le 4ème de notre dernière année fiscale (novembre 2013 à janvier 2014, NDLR), nous avons enregistré la signature de plus de 500 nouveaux clients. Soit plus que la base installée totale de la plupart des autres start-up qui se sont lancées en même temps que nous, sur le même créneau.

Dans 85 à 90 % des cas, nous sommes opposés à EMC, NetApp, Dell et/ou HP-3par. Et, dans environ un cas sur deux, nous emportons le contrat. Par ailleurs, nous sommes agréablement surpris par le faible taux de pilotes ou de proof-of-concept demandés par nos clients au démarrage des projets. Dans le stockage, il est courant d’observer un taux de 80 %. Nous sommes aujourd’hui proches des 10 % en la matière, grâce aux retours positifs de nos clients en place.

Quels sont les futurs développements sur lesquels vous travaillez ?

Nos axes de développement sont multiples. Mais citons deux exemples. Nous travaillons sur une fonctionnalité permettant d’attribuer ‘une personnalité’ à un workload. Parmi un parc de 35 applications, une entreprise en possède en effet typiquement 5 qui ont besoin d’un comportement 100 % Flash, tandis que 20 autres se contenteront de disques durs SATA et que les 10 dernières se situent entre ces deux extrêmes. L’idée est de parvenir à ce niveau de gestion granulaire au sein même d’un unique équipement. Concernant le Cloud, nous voulons d’autre part améliorer la sécurité des environnements dans un système multitenant.

Vous êtes présents depuis environ 8 mois sur le marché français. Comment se déroule l’adoption de la solution ?

Sur des marchés comme la France ou l’Allemagne, gagner l’acceptation des clients prend du temps. Outre Rhin, la durée des évaluations techniques est énorme. Dans l’Hexagone, il faut que la marque atteigne un certain degré de reconnaissance avant d’être intégré aux appels d’offres. Dans des pays comme l’Australie ou en Scandinavie, l’adoption est bien plus rapide. Mais nous comptons aujourd’hui entre 10 et 15 clients en France, ainsi qu’une dizaine de partenaires, dont APX, Nware ou Proservia.


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