Surveillance : la Hongrie condamnée… avant la France ?

La loi hongroise sur les opérations de surveillance antiterroriste bafoue le droit au respect de la vie privée, selon la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH).

Dans un arrêt rendu le 12 janvier 2016, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a condamné la Hongrie pour violation de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme relatif au droit au respect de la vie privée et familiale, du domicile et de la correspondance.

La Cour a été saisie en 2014 par deux plaignants hongrois d’une ONG critique à l’égard du pouvoir, Máté Szabó et Beatrix Vissy. Ils estimaient leurs droits fondamentaux bafoués par le gouvernement hongrois dans le cadre d’une loi sur les opérations de surveillance antiterroriste introduite en 2011. Cette législation renforce les pouvoirs de police en autorisant les fouilles et les écoutes secrètes au domicile de suspects, la surveillance de communications électroniques ou encore l’ouverture de lettres et colis par l’unité spéciale de lutte contre le terrorisme. Selon les plaignants et leur avocat, les critères permettant cette surveillance sont trop imprécis et peuvent être détournés à d’autres fins que la lutte antiterroriste. La CEDH leur donne – en partie – raison.

Une surveillance secrète abusive

La Cour a précisé dans un communiqué admettre « que les formes prises par le terrorisme de nos jours ont pour conséquence un recours par les gouvernements à des technologies de pointe, notamment à des techniques de surveillance massive des communications ». Pour la juridiction internationale toutefois : « la législation en question ne fournit pas les garanties nécessaires contre les abus » car « pratiquement n’importe qui en Hongrie peut être soumis à une surveillance secrète ». Les technologies permettent « d’intercepter facilement des masses de données concernant des personnes se trouvant même en dehors de la catégorie initialement visée par l’opération [de surveillance] ». Enfin, la « mesure peut être ordonnée par le pouvoir exécutif sans aucun contrôle » et sans possibilité « de recours effectif, judiciaire ou autre ».

La violation de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme est donc avérée. Ce constat constitue en soi « une satisfaction équitable suffisante pour tout dommage moral éventuellement subi par les requérants », selon la Cour. Elle leur accorde 4000 euros pour frais et dépens. En revanche, elle conclut à la non-violation de l’article 13 (protégeant le droit à un recours effectif) combiné avec l’article 8 de cette même Convention. Malgré tout, cet arrêt ne manquera pas d’intéresser les opposants à la surveillance de masse qu’autorise, selon eux, la loi française du 24 juillet 2015 relative au renseignement. Un texte validé par le Conseil constitutionnel l’été dernier. Parmi les critiques se trouvent l’Association de la presse judiciaire et le Conseil de l’ordre des avocats de Paris. Les deux organisations ont chacune saisi la CEDH en octobre 2015.

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