Thales complète ses outils de chiffrement en rachetant Vormetric

La course aux armements entre grands noms de la cybersécurité se poursuit : Thales met 400 millions de dollars pour s’offrir un éditeur américain, Vormetric. L’objectif : se positionner au mieux pour profiter de la croissance du marché.

Thales met 400 millions sur la table pour racheter Vormetric, un éditeur californien qui fournit des solutions de protection des données. Ce rachat, qui doit être bouclé au premier trimestre 2016, enrichit le portefeuille du groupe en matière de solutions de protection des données contre les cybermenaces, explique Thales. La société française possède en effet déjà des offres basées sur des modules matériels, offres aujourd’hui déployées dans 19 des 20 plus grandes banques au monde, assure le groupe dans un communiqué. Une référence aux solutions de chiffrement HSM (Hardware Security Module).

La reprise de l’éditeur américain, qui compte environ 200 employés pour un chiffre d’affaires prévisionnel de 75 millions de dollars sur l’année en cours, va renforcer la position du Français dans le chiffrement, un domaine où il dispose déjà de solides références, en France mais aussi à l’international. « Les grands acteurs français positionnés à l’origine sur le segment de la défense achètent des technologies pour s’étendre sur le marché qu’on pourrait qualifier de classique, celui des entreprises du secteur privé », commente Mathieu Poujol, consultant principal chez Pierre Audoin Consultants (PAC). Objectif : profiter de la croissance de ce marché. Selon la dernière étude du cabinet, le marché de la cybersécurité a progressé de près de 11 % en 2014 en France, pour atteindre 1,8 milliard d’euros.

Le facteur réglementation

Le rachat de Vormetric permettra aussi à Thales de renforcer ses positions à l’international, aux Etats-Unis évidemment mais aussi dans d’autres pays où le Français possède déjà un ancrage solide (au Royaume-Uni en particulier). L’offre de l’éditeur américain « amène à Thales des technologies complémentaires des siennes ; des technologies fonctionnant sur des architectures nouvelles (en particulier le Cloud, NDLR), gérant la sécurisation à l’intérieur des applications et capables de contrôler la façon dont on accède aux données », observe Matthieu Poujol. Qui note par ailleurs que Vormetric dispose de plusieurs offres adaptées aux contraintes réglementaires (PCI-DSS, critères communs, normes dans la santé). « Ce n’est probablement pas la motivation principale de l’opération, mais cela a pu jouer un rôle : en France par exemple, la législation est l’aiguillon numéro un poussant les entreprises à investir dans la cybersécurité », analyse le consultant.

Qui ajoute tout de même que ce rapprochement présente un risque, celui que fait naître le choc des cultures. Avec d’un côté, un spécialiste des contrats massifs du domaine de la défense, des négociations au long cours et du culte du secret qui les accompagne. Et, de l’autre, un éditeur américain bien plus à l’aise avec le marketing et habitué aux contrats de plus petite taille (Vormetric compte ainsi plus de 1 500 clients).

Les Français achètent… les Américains

Ce énième rachat dans le domaine de la sécurité confirme la course aux armements que se livrent les grands noms français du secteur, qu’il s’agisse de SSII, d’acteurs issus du monde la défense ou d’autres domaines comme Gemalto. Ainsi, Orange a racheté Atheos, société de conseil spécialisée. Atos s’est renforcé dans la sécurité en reprenant Bull. Capgemini a hérité des activités d’Euriware (issu du groupe Areva) dans la sécurisation des Scada. SFR s’est offert Telindus pour renforcer son activité de services. Airbus Defence & Space a intégré les deux fleurons français de la sécurité périmétrique, Netasq (repris en octobre 2012) et Arkoon (avril 2013). Avant d’annoncer la reprise de Vormetric, Thales s’était déjà renforcé en mettant la main sur les activités cybersécurité d’Alcatel-Lucent (soit une centaine de personnes).

Notons par ailleurs, que c’est un des seuls segments de marché où des acteurs français rachètent parfois leurs concurrents américains. Avant Vormetric, un autre éditeur d’outre Atlantique, SafeNet, avait déjà été absorbé par un acteur d’origine française, Gemalto (pour 890 millions de dollars). « Il existe une vraie excellence française dans le domaine de la cybersécurité », dit Matthieu Poujol.

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