Total met de l’ordre dans ses courriels

Avec 600 milliards d’e-mails échangés chaque jour dans le monde, la gestion des messages est un vrai casse tête pour les entreprises confrontées à la nécessité d’archiver ces documents, parfois anodins, parfois stratégiques, voire judiciairement périlleux. Témoignage du groupe Total.

Environ 21,3 Mo de courriels ont sont émis et reçus chaque jour par chaque employé, chez Total, en 2009. Documents obligatoires à conserver au regard de la loi, informations stratégiques pour les métiers du groupe, organisation de la soirée ciné d’un salarié… Ces courriels contiennent de tout, et leur archivage constitue un enjeu majeur. Le 3 mai, à Paris, Jérôme Thuez, responsable du département organisation et méthodes au sein du groupe Total, a témoigné de la démarche suivie par l’entreprise, lors d’une matinée consacrée à l’archivage des mails. Celle-ci était organisée par deux entreprises du secteur, Locarchives, fournisseur de solutions d’archivage et Parker Williborg, société de conseil et d’accompagnement dans les projets de dématérialisation.

Enjeu central des données

Chez Total, un comité chargé de la gouvernance de la politique de conservation des documents, qui opère à plus haut niveau, édicte des règles et processus qui s’implosent au groupe entier. Depuis le scandale Enron, la conservation des documents est devenue un enjeu stratégique. Présent aux Etats-Unis, Total devait « répondre aux obligations légales » et , notamment, la loi Sarbane Oxley en matière de conservation des documents explique Jérôme Thuez. D’autres objectifs ont été attribués à cette politique de conservation des documents : optimiser les processus de gestion documentaire dans les processus métiers et faire évoluer le comportement des collaborateurs.

Des mesures ont déjà été mises en place : pour les documents jugés « vitaux pour l’entreprise, nous avons déjà des services d’archivage électronique, à valeur probatoire, en interne » explique le responsable de Total. Coté courriels, en revanche, tout – ou presque – reste à faire. L’entreprise est en train de conclure un appel d’offre sur ce sujet. Objectifs affichés : « la sureté du patrimoine informationnel », la capacité de parer aux procédures de ‘discovery’, à savoir être capable de fournir à la partie adverse les éléments demandés dans le cadre d’un contentieux. Au niveau informatique, « avec le dédoublonnage, au lieu de conserver 20 fois les mails et ses pièces jointes, en mettant en place un système performant, on le garde une seule fois», explique notre interlocuteur. Des bénéfices métiers sont également attendus, permettant aux salariés d’effectuer des recherches avancées.

Un veto aux solutions cloud

Pour l’instant, en effet, pour l’essentiel, chaque salarié bricole avec ses mails : « Des collaborateurs qui gèrent volumes considérables d’e-mails, sont incapables de faire des recherches dans leurs archives », note Jérôme Thuez. Les courriels « sont stockés sur le poste de travail, sur le disque dur. Avec une partie de la population qui est nomade, des pertes et des vols de micro, on perd des archives au passage », ajoute-t-il. Seule mesure qui a été prise : les courriels non classés sont automatiquement supprimés au bout de 90 jours.

A l’avenir, le schéma d’archivage de courriers prévu par Total prévoit trois espaces. Tout d’abord, la zone transitoire, dans la boite aux lettres. Puis, à la « forte demande des métiers », une zone de stockage temporaire, pourra être utilisée pour déposer des mails durant trois ans. Passé ce délai, la destruction est automatique. Dernier stade, la ‘zone de conservation’ à valeur probatoire, conserve les documents qualifiés de légaux, vitaux, utiles. La destruction est automatique, à échéance légale de la durée de conservation. Techniquement, l’entreprise demandera à l’éditeur sélectionné d’implanter sa solution dans l’architecture technique du groupe. « la direction de la sureté de l’information a mis un veto sur les solutions cloud », complète Jérôme Thuez.

Un défi comportemental

Mais pour l’expert, la difficulté du projet n’est pas technologique. Pour que ce schéma fonctionne, il faut « modifier le comportement des collaborateurs, reconnait-il. La conduite du changement pour faire adhérer les collaborateurs est essentiel, car on sait qu’il est très facile de prendre une-mail, et de le sortir des règles édictées ». Ce sont 75 000 salariés qu’il va falloir convaincre de l’intérêt de prendre du temps de trier et classer ses courriels, et de les renseigner en y associant des metatags (mots clés). Car, pour l’essentiel, l’entreprise a choisi « le principe de la responsabilité de l’utilisateur ». A l’exception de certains domaines comme le trading, où pour répondre à des obligations règlementaires, la procédure sera automatique.

Un livre blanc sur l’archivage des mails

Le livre blanc sur l’archivage numérique des e-mails fait le point sur les enjeux et la démarche à suivre. Il a été élaboré par le club des responsables des politiques et projets d’archivage (CR2PA), dont fait partie Total.