TRIBUNE: ce à quoi ITIL ne sera jamais utile?

Depuis deux ans, la mode est à l’ITIL et à ses dérivés. La production informatique y retrouve-t-elle son crédit?

Après avoir patienté une dizaine d’années dans l’antichambre de l’exploitation informatique sans y être admis, cet ensemble de bonnes pratiques est désormais paré de tous les bienfaits.

Tout le monde parle de gestion des changements, de CMDB (common management database) ou de SLA (service level agreement, ou qualité de service)…

Est-ce enfin un retour en grâce de la production informatique et de ses métiers ? Certains aspects font hélas penser que non !

D’abord il est surprenant de voir des laudateurs de l’Itil souvent assez éloignés de la production de service informatique. Or l’origine et la définition même de l’anagramme Itil sont l’infrastructure informatique.

Il est vrai que la limite est floue et que l’acception du terme  » infrastructure » est variable. Tout de même ! Telle DSI qui a externalisé son infrastructure à un sous-traitant voudra avoir chez elle sa gestion de changements Itil, alors qu’il lui faudrait, en fait, un cycle de vie de développement logiciel ! Le changement au sens Itil, c’est son prestataire qui en a ! Cette DSI serait d’ailleurs très avisée d’aller y jeter un œil afin de voir comment ses demandes (de changements) sont traitées…

Appliquons l’Itil à ceux que cela concerne !

Cette anecdote illustre d’ailleurs très bien le deuxième point : un bon nombre de processus décrits dans l’Itil sont transverses; ils font travailler des départements différents entre lesquels ils font des allers et retours.

Il faut bien intégrer cet aspect ! lL’Itil ne propose pas une organisation qui calquerait ses process mais des process à implémenter sur une organisation existante ! Vouloir s’organiser totalement en fonction de l’Itil n’a pas de sens !

Troisième remarque : tout ce que fait une production informatique n’est pas décrit dans l’Itil. Une production qui voudrait décrire ses process en suivant l’Itil le constatera très vite. Une bonne partie de ses activités (50% ?) n’entre nulle part dans les petits livres.

Est-ce à dire que l’Itil n’est pas pertinent ? Non, mais revenons aux sources : l’Itil décrit des process importants tournés vers l’utilisateur à qui on fournit un service ! Dit de manière imagée, c’est une interface entre l’informatique de service et l’usager. L’Itil ne couvre pas tout, dans la production.

Par ailleurs, ce n’est pas parce qu’on « met en place l’Itil » par quelques documents bien écrits que les process définis sont utilisés. Les pratiques doivent effectivement se modifier pour devenir conformes !

Il faut apprendre à demander un changement (déjà savoir ce que c’est…). Il est conseillé de mettre en place un ‘monitoring‘ : combien de changements passent à côté ? Combien d’incidents détectés après coup par l’utilisateur et pas vus par la production ? Les premiers comités changement sont importants et la Direction de la production IT doit s’y impliquer. On peut, d’ailleurs, en dire autant de tous les process majeurs de l’Itil.

Enfin dernière remarque importante : rien ne remplace le bon sens technique pour avoir une prise sur le réel. Le meilleur process incident ne peut rien si les matériels ne sont pas correctement identifiés, isolés et sous contrôle.

Mettre en place l’Itil ne dédouane pas d’une surveillance sérieuse, ni de consignes bien tenues ! Un certain nombre de points de ce genre qui ne sont pas dans l’Itil sont absolument à vérifier ! Sinon le  » passage à l’Itil », risque de n’être qu’un emplâtre de plus sur une jambe de bois calamiteuse de la production !

(*) Consultant en production