TRIBUNE: fraude au clic, la langue de bois des moteurs de recherche ?

Google est prêt à verser 90 millions de dollars pour se faire oublier, mais la fraude au clic sur les publicités en ligne est une réalité qui continue de pourrir la vie des annonceurs? et de rapporter gros aux moteurs de recherche !

Face immergée de l’iceberg et dérive cachée des liens sponsorisés, la fraude au clic ? le site Web sur lequel s’affiche la pub multiplie artificiellement les clics afin de générer des revenus artificiels au détriment des annonceurs ? est une réalité que les moteurs de recherche peinent à reconnaître.

Ainsi, selon une étude ‘State of Search Engine Marketing 2005‘ menée par IntelliSurvey et Radar Research dans le monde, près d’un annonceur sur deux serait victime d’une fraude au clic. Les chiffres précis font état de 42 % des annonceurs et 51 % des agences de pub. Mais concernant les annonceurs, 36 % d’entre eux ont indiqué qu’ils ignorent s’ils sont victime ou non de ces pratiques. L’affaire Google est significative de cette réalité peu glorieuse. Google est poursuivi en ‘class action‘ par des annonceurs victimes de la fraude, qui mettent en cause la volonté réelle du moteur de recherche de lutter contre le fléau, et sa volonté de négocier un accord à l’amiable à hauteur de 90 millions de dollars – plutôt que d’aller au procès et de porter sur la place publique ces dérives (lire notre article). Cela signifie que la fraude touche probablement une part non négligeable des sommes payées aux moteurs de recherche par les annonceurs pour que ces derniers leur accordent une visibilité publicitaire. Une dérive dont portails et moteurs ne se vantent pas ! En revanche, la même étude menée en 2005 a révélé que 78 % des annonceurs et 72 % des agences ont reçu des compensations financières, à la fraude au clic constatée, lorsqu’ils l’ont demandé auprès des moteurs de recherche. Ces derniers préfèrent donc payer pour indemniser plutôt que d’aller au procès. Pourtant, la fraude consiste à automatiser la procédure de clic en employant des robots logiciels qui viennent cliquer à la place de l’internaute. Et pour gagner ainsi de l’argent, il faut multiplier les clics, une pratique détectable par des professionnels du ‘crawler’, le robot d’indexation des bases des moteurs. Mais en la matière, plus il y a de clics et plus le moteur ouvre largement sa bourse pour encaisser des revenus, même frauduleux. Car la fraude alimente d’abord les caisses des moteurs, et le laxisme dont ils font parfois preuve se révèle nettement profitable. Et pourtant, comme l’affirme Nicole Wong, conseillère juridique de Google, « Nous avons dit depuis quelques temps que nous pensons que nous gérons très bien le problème des clics invalides. Nous disposons d’une large équipe d’experts, d’ingénieurs et d’analystes dédiés à cela. D’ailleurs, la plupart des clics frauduleux sont détectés par nos filtres automatiques. » « Quant aux clics frauduleux qui ne sont pas détectés à l’avance, les annonceurs peuvent notifier Google et demander un remboursement. Nous investiguons sur ces clics et si nous déterminons qu’ils ne sont pas valides, nous remboursons les annonceurs. Nous allons continuer ces pratiques, et nous pensons que notre approche a démontré notre bonne volonté de travailler ensemble avec les annonceurs pour rembourser les clics invalides. » Google, tout comme ses confrères, continue d’employer la technique du ‘opt out‘. La fraude est réelle, plus ou moins reconnue par tous, et pourrait représenter des sommes suffisamment importantes à leur profit pour que les moteurs de recherche continuent de réagir a posteriori. Comme le cheval à qui on impose des oeillères et qui ne réagit que lorsqu’un obstacle se présente exactement face à lui, les moteurs de recherche continuent d’encaisser des revenus dont le caractère frauduleux n’est plus à démontrer, mais ne réagissent que lorsque l’annonceur agite un drapeau rouge devant eux ! On comprend la frustration de certains annonceurs qui n’hésitent plus à attaquer les moteurs de recherche. Ni la volonté de ces derniers de ne pas jouer la transparence sur un phénomène dont, certes, ils ne mesurent probablement pas la profondeur réelle, mais qui en revanche représente une véritable dérive dont ils pourraient bien souffrir. C’est toute l’ambiguïté du net, à l’exemple du téléchargement illégal qui s’exerce au travers d’outils sur lesquels des annonceurs prestigieux n’hésitent pas à s’afficher, mais qu’ils demandent de condamner pour faire bonne figure. Encore une fois, la morale des géants de l’industrie de l’Internet s’accommode de pratiques douteuses, tant qu’elles leur rapportent.