75% des Français seraient favorables à la riposte graduée. Vraiment ?

Peut-être. Mais jusqu’à quel point ?

Etonnants résultats. Un sondage réalisé par Ipsos montre que 74% des Français sont favorables à l’instauration de la riposte graduée pour lutter contre le téléchargement illégal de musique. Traduction, trois quarts de nos concitoyens sont disposés à recevoir un ou plusieurs courriels d’avertissement en cas de téléchargement illégal et à voir leur abonnement ADSL coupé en cas de récidive.

L’étude, commandée par la société civile des producteurs phonographiques (SCCP), à savoir les majors du disque et les producteurs indépendants, tombe à pic, juste avant la présentation de la loi Hadopi en Conseil des ministres au mois de juin. Pour les Majors, elle vient conforter les choix du gouvernement et discrédite les critiques qui qualifient la loi de liberticide. Rien que ça.

Le sondage révèle également que 80 % des personnes interrogées sont favorables à la rémunération des artistes et auteurs dont les oeuvres sont téléchargés illégalement. 54 % des sondés estiment même que le peer-to-peer gratuit est l’une des causes de la baisse des ventes de disques en France et 36 % la principale cause…

De son côté, Christine Albanel, la ministre de la Culture, s’est empressée de vanter « l’esprit de responsabilité des Français« . En effet, 88% des sondés assurent couper court à toute pratiques illégales s’ils recevaient des courriels d’avertissement. Ce score stalinien est pourtant difficile à croire…

A la vue de tels chiffres, différentes questions peuvent être posées. Un sondage commandé par un groupe impliqué comme peut l’être celui de l’industrie du disque, laisse forcément soucieux quant à l’orientation des questions soumises au public.

En outre, le sondage ne renseigne pas non plus sur l’ensemble de la mesure prévue par le projet de loi. Rappelons que l’une des mesures phares du futur projet, issus des délibérations de la mission Olivennes, ne vise rien moins qu’à couper l’accès internet de l’usager indélicat. Sur une telle mesure, il n’est pas sûr que la réponse des interrogés ait été aussi positives.

En effet, la formulation de la question laissait le choix entre une condamnation pénale, pouvant aller jusqu’ à 3 ans de prison et 300.000 euros d’amende, et la riposte graduée.

Rappelons tout de même que selon un sondage établi par NPA Conseil et le CSA au mois de décembre dernier, la suspension de l’abonnement prônée par la mission Olivennes remportait un succès plus que mitigé parmi les internautes (40% d’avis positifs) et surtout, suscitait une réprobation claire de la part des 15-24 ans (60% d’avis négatifs), concernés au premier chef par la thématique du téléchargement.

La publication de tels chiffres, bien plus qu’un tour de chauffe avant les débats, relève peut-être davantage de la méthode Coué. Face au rejet des eurodéputés, des fournisseurs d’accès et des associations de consommateurs, les partisans du texte, la ministre en tête, se tournent en dernier recours vers les sondages.