Audit de licences SAP : des redressements en dizaines de M?
Le club des utilisateurs SAP francophones dénonce le durcissement des audits menés par l'éditeur. « Nous sommes contactés depuis plusieurs mois par des utilisateurs SAP échaudés par des audits de licences particulièrement agressifs, ayant pour conséquence des redressements qui se sont chiffrés, pour certains, en dizaines de millions d'euros », indique Claude Molly-Mitton, président de l'USF. Ce n'est certes pas la première fois que l'association des utilisateurs SAP francophones dénonce les pratiques agressives de l'éditeur, mais l'USF note une recrudescence des audits de licences de la part de l'éditeur.
C'est par contre la première fois que le club évoque des montants de redressement aussi élevés. Jusqu'à aujourd'hui, les redressements supérieurs à 10 millions d'euros paraissaient réservés à l'écosystème Oracle, le grand rival de SAP connu pour utiliser l'arme de l'audit de licences comme technique commerciale. Aujourd'hui, c'est précisément ce reproche que l'USF adresse au premier éditeur européen : « Nous dénonçons fermement ces pratiques, qui s'apparentent très fréquemment à une stratégie d'obtention de compléments de revenus commerciaux », dit Claude Molly-Mitton. Dit plus simplement, SAP France se servirait de l'arme de l'audit pour gonfler son chiffre d'affaires.
Se préparer à l'audit
Face à cette recrudescence des audits - l'USF parle de 2 à 3 appels par mois de membres concernés par la problématique -, le club publie quelques bonnes pratiques pour aider les entreprises utilisatrices à tenir tête à SAP. Primo, l'association conseille de définir contractuellement les clauses d'audit, avec le plus de clarté possible (fréquence, déroulement, métriques mesurables, mode d'application des remises contractuelles en cas d'achat complémentaire de licences). « Notre principal enseignement à ce jour est qu'en matière d'audit, l'essentiel se joue sur la phase amont, en fonction des dispositions que les clients prennent avant même le démarrage du processus par l'éditeur », précise Patrick Geai, vice-président de l'USF.
Secundo, au cours de l'audit, l'association déconseille de fournir à SAP des informations ou documents non indispensables ou au contenu incertain (des cartographies applicatives, des cartographies des flux de données, le fichier créé à partir de la fonction audit du logiciel). Bref, ne pas tendre la verge pour se faire battre, semble indiquer l'USF. Tertio, le club recommande de demander « formellement » à SAP un document de clôture de l'audit et de refuser tout nouvel audit sans avoir clôturé le précédent.
SAP S/4 Hana : la question du licensing.
Des conseils de bon sens, mais qui dénotent de la tension grandissante entre l'éditeur et les utilisateurs français. « La situation de tension que créent les pratiques commerciales de l'éditeur avec les utilisateurs nous paraît peu constructive, alors même que SAP tente de convaincre ses clients d'adopter sa nouvelle solution S/4 Hana », ajoute Patrick Geai. L'USF vient précisément de sortir une étude sur la nouvelle génération de progiciels de l'Allemand, montrant à la fois un intérêt des utilisateurs pour la technologie, mais des doutes quant aux bénéfices métiers de la solution et des interrogations sur les conséquences de la migration. en matière de licensing (voir graphique ci-contre). Au total, 28 % des membres de l'USF interrogés au cours de cette étude affichent leur intention de migrer vers S/4 Hana d'ici à 2018.
Rappelons que les tensions entre utilisateurs et le premier éditeur européen se cristallisent sur la question des accès indirects, autrement dit la sollicitation des systèmes SAP par des logiciels tiers. En octobre dernier, l'USF expliquait que le sujet est à l'origine de deux tiers des demandes de régularisation à la suite d'audits. Avec en toile de fond, une question centrale : à qui appartiennent les données des systèmes SAP ?
L'USF récuse les accès indirects
« Dès qu'on extrait ou qu'on pousse des données dans SAP, l'éditeur considère qu'il s'agit d'un accès indirect », expliquait en octobre dernier Patrick Cardinaël, un membre de la DSI de JCDecaux qui a travaillé sur le sujet à l'occasion d'une note de synthèse publiée par l'USF. Dans ce document, l'USF écrit : « Si SAP reconnaît la propriété des données de ses clients, il évoque le fait que pour utiliser ces données, même pour une simple extraction, il faut traverser du 'contenant/software' qui est le réceptacle des données du client. Ce contenant reste la propriété de SAP. » Autrement dit, « le client ne dispose donc pas d'un libre accès et usage de ses données », poursuit le club. Une pratique qui pose évidemment question avec l'arrivée des objets connectés, qui généreront autant d'accès indirects si les données sont consolidées dans des systèmes SAP. En octobre dernier, Claude Molly-Mitton récusait « toute légitimité » aux accès indirects et estimait que SAP « n'aura pas d'autre choix que de revenir sur son modèle de licence ».
Mise à jour le 7 juillet à 14h : Sollicité par la rédaction, Marc Genevois, le directeur général de SAP France, nous fait parvenir la réponse suivante, dans laquelle il ne dément pas les affirmations de l'USF, selon lesquelles plusieurs clients français ont reçu des redressements de plus de 10 M?, suite à des audits menés par SAP :
« Tout d'abord, nous souhaitons rappeler que chez SAP, nous respectons les clauses de confidentialité des contrats signés par nos clients et nous-mêmes. Nos clients sont tenus aux mêmes engagements. Sur le principe, dans notre process de licence management, lorsqu'une utilisation non conforme aux contrats est observée, nous informons bien entendu le client de la non-conformité constatée et de la régularisation qui en découle. »
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