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Chips Act : la Cour des comptes européenne redoute un échec

La Cour des comptes européenne craint que le Chips Act connaisse le même échec que la stratégie dont il a pris le relais, en raison de faiblesses dans son élaboration, son application et son suivi.

Publié par Clément Bohic le | Mis à jour le
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Chips Act : la Cour des comptes européenne redoute un échec
© © oskay / CC BY 2.0

Trop ambitieux, l'objectif du Chips Act ne sera sans doute pas atteint. Telle est, dans les grandes lignes, l'opinion de la Cour des comptes européenne.

L'objectif en question : qu'à l'horizon 2030, l'UE représente, en valeur, 20 % de la production mondiale de microprocesseurs "durables et de pointe".
Selon les prévisions actuelles, il faut plutôt tabler sur une part de 11,7 % à cette échéance.

Autant le Chips Act ("Action européenne sur les semi-conducteurs") progresse dans sa mise en oeuvre, autant il souffre de "faiblesses dans son élaboration, son application et son suivi".
Son introduction, en février 2022, s'est faite dans l'urgence, après la pénurie mondiale de semi-conducteurs due à la pandémie de Covid-19. Avec une évaluation très partielle des stratégies antérieures. Ce qui, selon la Cour des comptes européenne, risque de "lui valoir les mêmes déboires" que celle dont il a pris le relais. Établie en 2013 pour "renforcer le secteur de la micro-nanoélectronique", elle n'a effectivement pas permis d'enrayer l'érosion de la part de l'UE dans l'approvisionnement mondial.

Valeurs présentées en équivalent de taille de galettes de 200 mm. Sont exclues les capacités inférieures à 5000 lancements de galettes par mois ou les galettes de moins de 200 mm.

Sur le secteur des semi-conducteurs, la part de l'Europe dans les dépenses en capital mondiales est passée d'environ 10 % en 2000 à 4 % en 2010. Elle ne s'est pas améliorée au cours de la décennie qui a suivi.


Un suivi financier très parcellaire

Le Chips Act prévoit des investissements publics d'au moins 43 Md€ (complétés par un montant équivalent d'investissements privés). La Commission européenne n'en apporte qu'une petite partie (10 %) ; sans avoir, en outre, de mandat pour coordonner les investissements nationaux. Elle ne dispose par ailleurs que d'informations partielles sur le financement total que l'industrie reçoit et utilise. Ce qui réduit sa capacité de suivi.


Des KPI imprécis, voire absents

Les dispositifs destinés à mesurer l'effet des projets cofinancés directement par Bruxelles ou par l'intermédiaire des coentreprises qui se sont succédé ("Composants et systèmes électroniques pour un leadership européen", "Technologies numériques clés" et désormais "Semi-conducteurs") se sont avérés incomplets. Les infos dont la Commission dispose à propos de la contribution des investissements sous forme d'aides d'État ne sont "pas non plus exhaustives".

Plus globalement, le calendrier de mise en oeuvre du Chips Act est peu précis. En particulier pour le pilier III, qui met l'accent sur les mesures à prendre en cas de crise sur le plan de la réaction et du suivi.
Pour ce qui est du pilier II (stimulation des investissements publics et privés pour accroître la capacité de production de l'UE), il ne fait l'objet d'aucun KPI mesurable. Quant au pilier I (combler les déficits de recherche, de développement et d'infrastructure), il en prévoit bien, mais sans valeurs cibles.


La mise en oeuvre du pilier I a débuté après l'adoption du règlement sur les semi-conducteurs en septembre 2023. Les KPI n'ont fait l'objet ni d'un suivi ni d'un rapport.

La contribution incertaine des "installations pionnières"

Dans le cadre du pilier II, la concrétisation des investissements dans les "installations pionnières" est lente. À tel point que ces dernières n'apporteront probablement pas une contribution majeure ou en temps utile. Sur les 29 investissements existants ou potentiels que la Commission européenne avait recensés, moins de la moitié (13) pouvaient, au moment de l'audit de la Cour des comptes, être considérés comme installations pionnières. Et seulement 2 concernaient des projets "de pointe" (production à moins de 5 nm). Ils n'étaient en outre que 4 à avoir obtenu l'approbation de Bruxelles pour l'aide d'État.

Les mécanismes du pilier III "n'en sont toujours qu'aux balbutiements", nous annonce-t-on. Par exemple le dispositif de commandes prioritaires afin d'assurer l'approvisionnement de secteurs critiques : il ne sera pas opérationnel avant 2028.

La Cour des comptes note qu'aucun des États membres dont elle a examiné la feuille de route ne détaille ses plans pour accroître la production de microprocesseurs. Elle souligne aussi la concentration des financements, l'industrie se caractérisant par un "nombre modeste de grandes entreprises se lançant dans des projets de valeur élevée". De ce fait, l'abandon, le retard ou l'échec d'un seul projet peut avoir une incidence globale non négligeable.

À cela s'ajoute la concurrence mondiale. Or, le Chips Act ne fait pas l'objet d'une réévaluation régulière à cet égard.

Illustration principale © oskay / CC BY 2.0

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