DMA : Apple joue le jeu... en imposant de nombreuses conditions
Sous la pression de l'UE, Apple continue d'adapter son écosystème aux exigences du DMA. Il y assortit toutefois quantité d'exigences.

Entre Apple et la Commission européenne, on ne s'est pas encore entendu sur le sujet DMA (Digital Markets Act).
Le groupe américain (ré)affirme son intention de faire appel des demandes que lui a adressées Bruxelles. Il a jusqu'au 7 juillet 2025 pour cela. En attendant, il lâche tout de même du lest, petit à petit. L'une de ses dernières initiatives a porté sur l'obligation de permettre aux développeurs d'intégrer, au sein de leurs apps, des liens vers des offres externes. Auparavant, ces derniers ne pouvaient ajouter qu'une seule URL, statique, avec des restrictions sur des éléments tels que les redirections et le tracking. Ces limites sont désormais levées. Tout comme celles qui contraignaient la conception des interfaces pour ces liens et pour les offres associées.
De la "notarisation" aux lettres de crédit, des exigences pour distribuer en dehors de l'App Store
Le DMA a eu, entre autres effets, celui d'ouvrir des canaux alternatifs de distribution des applications. Les développeurs ont, en l'occurrence, deux nouvelles possibilités : leur propre site web ou des marketplaces alternatives.
Le téléchargement depuis un site est possible dans l'UE à partir d'iOS 17.5 et iPadOS 18. Pour le proposer, il faut en faire la demande à Apple... à condition de remplir des critères spécifiques. Notamment, être membre du programme développeurs depuis au moins deux ans et avoir au moins une app ayant atteint le million de "premières installations" (first installs) sur l'année calendaire écoulée. Est considérée comme telle tout installation initiale sur une période d'un an, réinstallations et mises à jour comprises.
La distribution depuis toute marketplace alternative exige de prendre contact avec son développeur pour recevoir un token. Les exploitants de telles marketplaces doivent eux-mêmes être membres du programme développeurs depuis au moins deux ans... ou fournir une lettre de crédit stand-by (forme de garantie bancaire) d'un montant d'un million de $ de la part d'une institution financière notée au moins A- par S&P, Fitch ou Moody's.
Peu importe le canal de distribution, les applications iOS et iPadOS doivent passer par le processus de "notarisation". Dans ce cadre, Apple mène des tests axés sur la sécurité, la privacy et l'intégrité des terminaux.
Navigateurs et moteurs de rendu tiers : des tests à réussir et pas que
Le DMA a aussi poussé Apple à intégrer des mécanismes de choix du navigateur par défaut.
À partir d'iOS 17.4 et d'iPadOS 18.2, l'utilisateur doit faire de choix la première fois qu'il ouvre Safari. La liste des navigateurs dépend du pays. Apple en affiche 11. Pour en faire partie sur iPhone, une application doit avoir été téléchargée par au moins 5000 utilisateurs dans l'UE sur l'année calendaire écoulée. Sur iPad, le seuil est à 4000. Si un développeur propose plusieurs navigateurs, seul le plus téléchargé peut être affiché. La liste actuelle en France :
- Aloha
- Brave
- Browser (Maple Media Apps)
- Chrome
- DuckDuckGo
- Ecosia
- Edge
- Firefox
- Onion Browser
- Opera
- Qwant
- Safari
Pré-DMA, les navigateurs devaient utiliser le moteur de rendu WebKit. Ils peuvent dorénavant en exploiter d'autres. Cela nécessite toutefois l'autorisation d'Apple. Et la réussite de certains tests (au moins 90 % sur la suite Web Platform Tests, 80 % sur Test262, etc.). Il y a aussi des exigences en matière privacy. Dont :
- Blocage par défaut des cookies tiers
- Pas de partage d'identifiants d'appareils avec des sites sans consentement éclairé
- Pas de synchronisation d'état - cookies compris - avec toute autre app sans consentement explicite
L'utilisation de moteurs alternatifs à l'intérieur des applications nécessite une autorisation spécifique.
Requêtes d'interopérabilité : jusqu'à 2 ans de délai
Le DMA a également ouvert la voie à des "demandes d'interopérabilité". C'est-à-dire la possibilité de solliciter l'accès à des fonctionnalités matérielles ou logicielles de l'écosystème Apple.
Les demandes sont traitées en trois phases.
Apple estime d'abord s'il doit y répondre (n'existe-t-il pas déjà une solution ? Est-ce faisable ou approprié sous le régime du DMA ?...). Promesse : répondre sous 20 jours dans la majorité des cas.
Si la demande est recevable, Apple communique une feuille de route. Il s'engage à le faire sous 40 jours.
Une fois arrivé aux développements, les délais s'allongent considérablement : 6 mois si la mise en place suppose un effort "mineur" ; 12 mois en cas d'effort "moyen" ; 18 mois pour un effort "important". En tout cas, pas plus de 2 ans, assure Apple...
Entre offres externes et achat in-app, un choix à faire
Sous l'ère DMA, Apple donne la possibilité aux développeurs de communiquer, au sein de leurs apps, sur des offres externes de biens et services numériques. Et de gérer les transactions hors de l'App Store.
Au nom de l'expérience utilisateur, Apple ne permet pas aux applications de combiner ces communications et l'usage de son système d'achat in-app. Il faut choisir l'un ou l'autre. Une démarche possible pays par pays.
Les applications qui communiquent des offres restent soumises aux frais de service de l'App Store. Leurs développeurs peuvent toutefois opter pour un package de fonctionnalités réduit - qui élimine notamment les mises à jour automatiques, les tableaux de bord de performances et les chances d'apparaître dans les recommandations App Store.
Ce package, dit "niveau 1", est facturé sur deux plans :
- 2 % de commission sur chaque vente réalisée dans les 6 mois suivant la première installation via un lien intégré dans l'application
- 5 % sur toute vente intervenant dans les 12 mois après la dernière installation (updates et réinstallations compris)
Ces taux de commissionnement s'entendent hors remises, par exemple celles pour les membres du programme Small Business d'Apple. Au "niveau 2" (ensemble des fonctionnalités de l'App Store), ils sont respectivement de 2 % et 13 %.
Apple y ajoute des frais de service de "10 ou 17 %", et 3 % de plus en cas d'utilisation de son système de paiement.
Illustration © Tada Images - Adobe Stock
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