Modernisation mainframe : IBM l'emporte en justice contre LzLabs
Au Royaume-Uni,, IBM gagne en première instance contre LzLabs, qu'il accuse d'avoir accaparé des secrets commerciaux par rétroingénierie de mainframe.

IBM a remporté une manche face à LzLabs.
Cette entreprise basée en Suisse est active depuis une quinzaine d'années. Elle fournit des services de modernisation de mainframes, regroupés sous la marque SDM (Software Defined Mainframe). Sa promesse : grâce à cette plate-forme, exécutez vos applications cobol et PL/I en environnement Linux x86, sans recompilation ni conversion des données.
IBM affirme que SDM n'aurait pas pu exister sans violation de propriété intellectuelle. En l'occurrence, l'appropriation de secrets commerciaux par rétroingénierie. Ce à plusieurs niveaux de sa pile mainframe : OS, middlewares et compilateurs.
En mars 2022, Big Blue avait ouvert un front judiciaire aux États-Unis, avec une plainte axée sur la violation de brevets. Entre autres sur la gestion des branchements directs et des codes de condition, ainsi que l'association d'appels à des routines. Le dossier est en cours. LzLabs a notamment échoué à faire remettre en cause, par l'US Patent and Trademark Office, les brevets en question.
John Moores perd encore face à IBM
Une action en justice avait été intentée au préalable au Royaume-Uni (septembre 2021). Sur place se trouvent plusieurs filiales de LzLabs, dont une dénommée Wintopia. IBM la considère comme une "coquille" constituée pour acquérir auprès de lui une licence mainframe... et procéder au reverse engineering.
La Haute Cour de Londres - une juridiction de première instance - a largement tranché en faveur du groupe américain, conforté sur l'essentiel de ses griefs. Elle a relevé plusieurs aspects caractéristiques du reverse engineering allégué :
- Désassemblage, compilation et traduction
- Création et analyse systématiques de listes de compilation
- Usage systématique de traces, dumps, inspection de paquets et autres techniques de débogage
- Copie de code source, de macros et de copybooks
IBM connaît bien John Jay Moores, fondateur de BMC Software et principal actionnaire de LzLabs, pour avoir déjà eu maille à partir avec lui à la fin des années 2000. En cause, sa société Neon. Elle proposait, sous la marque zPrime, un produit qui déportait, sur environnement tiers, une partie des traitements traditionnellement réalisés sur mainframe. Le litige s'était soldé sur un accord à l'amiable après, entre autres, qu'un employé de Neon eut admis avoir procédé au retroengineering de z/OS et à la destruction des preuves. L'entreprise n'avait pas pu continuer son activité.
Quelques semaines plus tard, John Moores avait lancé, avec une partie de l'effectif de Neon, le projet qui allait aboutir à LzLabs. Sur le papier, la filiale Wintopia fut créée pour acquérir un mainframe et disposer ainsi d'un environnement de test, en soutien des activités de développement de la maison mère.
LzLabs a fait valoir le droit à l'étude des programmes informatiques
Des restrictions avaient été mis en place pour s'assurer que les équipes de LzLabs n'aient pas d'accès direct au mainframe, tout en encadrant leurs communications avec les équipes de Wintopia. Avec l'aval de Moores, elles se sont progressivement assouplies, jusqu'à l'octroi d'un accès direct en juin 2015. Quelques mois plus tard, SDM fut lancé au CeBIT. Dans la foulée, IBM avait lancé une enquête. Fin 2020, il avait fini par faire une demande d'audit, que Wintopia avait refusée.
Devant la justice, LzLabs a, en particulier, fait valoir la Software Directive de 2009. Celle-ci garantit, au Royaume-Uni, des droits à l'observation, à l'étude et au test de programmes informatiques.
La Haute Cour de Londres n'a pas retenu cet argument. Ni celui selon lequel les interfaces s'apparenteraient à des "idées" et à des "principes" qui ne peuvent, pas nature, être protégés. Elle a par ailleurs jugé que la demande d'audit était valide, comme la décision d'IBM de rompre son contrat avec LzLabs.
Une audience aura lieu cette année pour déterminer les compensations auxquelles IBM aura droit.
Illustration © IBM
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