Washington durcit ses mesures anti-monopole contre Google
Le gouvernement américain a mis à jour ses propositions à la justice pour rééquilibrer la concurrence sur la recherche en ligne et la publicité search.

Pour rétablir la concurrence sur le marché de la recherche en ligne, vaut-il mieux que Google vende Chrome ou Android ?
Washington avait listé les deux options dans ses propositions de mesures anti-monopole communiquées l'an dernier à la justice américaine. Il vient de les actualiser pour ne conserver que la première.
Ces recommandations font suite à la condamnation de Google en première instance à l'été 2024. Dans les grandes lignes, il a été jugé qu'aux États-Unis, le groupe entretient illégalement un monopole sur les marchés de la recherche en ligne et de la publicité search. Un dossier ouvert en 2020 après une plainte du département de la Justice (DoJ) et de plusieurs États américains.
L'option de vente d'Android était facultative. Elle aurait, pour reprendre les termes employés, évité à Google de devoir se conformer à une série d'exigences. Liées, en l'occurrence, à l'interdiction d'exclure des concurrents sur les deux marchés en question via des produits connexes. Par exemple en jouant sur l'UX ou sur l'interopérabilité.
Pour ce qui est de Chrome, Washington envisageait d'en forcer la vente... et c'est toujours le cas. Il souhaite par ailleurs se réserver le droit de valider l'acheteur et interdire à Google de publier d'autres navigateurs pendant toute la durée d'application du jugement.
Prière de notifier vos projets d'acquisitions
Le DoJ et al. en appellent aussi à des obligations de notification. Google aurait à signaler toute volonté d'acquérir des actifs d'un concurrent sur la recherche en ligne ou la publicité search. Ainsi que de toute société qui contrôle un "point d'accès à la recherche" (SAP, Search Access Point) ou un "produit GenAI".
Par "point d'accès à la recherche", il faut ici entendre tout logiciel, application, interface, produit numérique ou service qui permet d'entrer une requête ou un prompt et de recevoir une réponse incluant des informations issues d'un moteur de recherche. Une description retravaillée dans les recommandations actualisées. La notion de "produit GenAI" se substitue quant à elle à celle de "produit IA" et s'assortit désormais d'une définition de l'IA locale (on-device).
Vers des écrans de choix, comme dans l'Union européenne
Sur ses propres appareils, Google aurait à présenter un écran de choix du SAP (en première ligne, les navigateurs web). Avec, aux côtés du sien, trois ou quatre concurrents, sur la base de leur part de marché aux États-Unis. Les distributeurs des appareils tiers (hors Apple) se verraient octroyer cette même possibilité, mais la liste des SAP alternatifs serait à leur discrétion.
L'écran est censé apparaître à la première utilisation de l'appareil, y compris après réinitialisation d'usine. Il s'affichera également une fois par an à une date fixe sauf si l'utilisateur l'a visualisé il y a moins de 90 jours. En parallèle, Google aurait à présenter, sur toute instance existante de ses navigateurs web aux USA, un écran de choix du moteur de recherche, si l'utilisateur n'a pas déjà manifesté son choix.
Des modèles statistiques au graphe de connaissances, ouvrir grand les données
Autre piste envisagée pour aider à retrouver un équilibre concurrentiel : obliger Google à ouvrir ses données. D'une part, les index, les flux et les modèles sous-jacents à son moteur, y compris dans les fonctionnalités de recherche assistées par IA. De l'autre, les résultats de recherche et les publicités.
Initialement, il était question de demander à Google de se débarrasser des données qu'il ne pourrait partager pour des questions de vie privée ou de sécurité. Cette obligation a disparu.
Dans le même temps, Washington a apporté des précisions sur ce que Google est censé mettre à disposition. Entre autres :
- Pour chaque document de son index, un identifiant unique et de quoi déterminer tous les documents que Google considère comme des doublons
- Une correspondance entre ces identifiants et des URL
- Pour chaque identifiant, un ensemble de signaux, attributs ou métadonnées (mesures qualitatives de type autorité, horodatage du dernier crawl, score de spam...)
- Bases de données suffisantes pour recréer le graphe de connaissances (Knowledge Graph)
Ces éléments ne seraient finalement pas à fournir en continu (c'était envisagé à l'origine), mais sur une base périodique. Il s'agirait aussi de communiquer des données obtenues auprès des utilisateurs, parmi lesquelles celles utilisées pour :
- Construire, créer ou exploiter le(s) modèle(s) statistique(s) GLUE
- Entraîner, construire ou exploiter le(s) modèle(s) RankEmbed
- Entraîner des modèles d'IA générative utilisés dans la recherche ou tout produit GenAI utilisable pour accéder à la recherche
L'ensemble de ces informations devront faire l'objet d'un traitement destiné à supprimer les données à caractère personnel. Google devra en outre fournir suffisamment de détails pour que chaque dataset soit "raisonnablement interprétable".
Syndiquer les résultats de recherche... et éventuellement les flux publicitaires
Face aux effets d'échelle dont Google bénéficie, le gouvernement américain propose une syndication des résultats de recherche. Une licence de 10 ans à un "coût marginal" donnerait aux concurrents un accès API en temps réel :
- À des données suffisantes pour comprendre la disposition, l'affichage et le classement de tous les éléments ou modules sur les pages de résultats
- Aux fonctionnalités permettant de modifier des requêtes (vérification orthographique, saisie semi-automatique, suggestions de recherches liées...)
- Au contenu Google Maps et Google Images ainsi qu'aux résultats FastSearch
Google n'aurait pas le droit d'imposer des conditions d'utilisation de ces informations. Ni d'exploiter pour son propre bénéfice les requêtes de syndication des concurrents.
Une syndication du flux publicitaire avait aussi été envisagée. Ce n'est plus d'actualité. Tout du moins dans l'immédiat. Washington n'exclut effectivement pas une mise en oeuvre à terme s'il est démontré que la concurrence ne s'est pas développée sur un des deux marchés visés.
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