« Gérer mes biens immobiliers » : ce gros projet IT de Bercy qui a explosé son budget
Au delà d'être un fiasco pour les finances publiques d'un montant de 1,3 milliard €, le service « Gérer mes biens immobiliers » (GMBI) lancé par Bercy en 2023, pour recueillir des informations sur les occupants effectifs des locaux d'habitation, révèle un nouvel échec dans la gouvernance des services de l'Etat dans un projet IT d'envergure.

Et une nouvelle rélévation de la Cour des comptes dans l'échec répêté des grands projets IT menés par les services de l'Etat et les entreprises publiques. Après le récit du déploiement raté du SIRH de Radio France, l'institution de la rue Cambon révèle dans un nouveau rapport le fiasco du service « Gérer mes biens immobiliers » (GMBI) lancé par Bercy en 2023, pour " moderniser à la fois la déclaration des biens immobiliers des propriétaires en France et la gestion des déclarations foncières et des taxes d'urbanisme ".
Autant le dire tout de suite, le résulat est un bide retentissant qui a coûté 1,3 milliard € pour diverses raisons que l'on ne détaillera pas ici. Sauf une : la gouvernance calamiteuse du projet IT dévéloppé pour piloter le service GMBI.
Classé comme un "grand projet numérique de l'État", celui-ci a été victime d'une gouvernance complexe et dispersée doublée d'un pilotage défaillant.
GMBI : un coût final multiplié par cinq
Selon la Cour des comptes, plusieurs facteurs expliquent ce dérapage. La Direction interministérielle du numérique (Dinum), responsable de l'élaboration et de la mise en oeuvre du projet, n'a été associée qu'en juin 2020, soit plus d'un an après les premières études d'urbanisation du système d'information. Une saisine tardive qui ne l'a pas empêché d'émettre un avis favorable basé sur des informations incomplètes ou déjà partiellement obsolètes.
Autre facteur : la mauvaise coordination des services de l'Etat impliqués dans le projet. Ainsi la Direction générale des finances publiques (DGFiP) n'a pas transmis les documents nécessaires pour éclairer les cinq points d'attention de la Dinum, notamment sur les chiffrages du projet.
Côté gouvernance, c'est la foire d'empoigne. La direction de projet est assumée par le chef du bureau chargé du pilotage de la taxe foncière, tandis que la conduite opérationnelle des travaux l'est par un autre bureau...Une coordination fragile qui va se payer cher.
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Le rôle de Mareva, l'outil de suivi des coûts
L'outil de suivi des coûts, appelé Mareva, a joué un rôle crucial dans l'évaluation des dépenses du projet GMBI. En mai 2024, Mareva a révélé un coût complet de 37,2 millions €, soit 1,5 million € de plus que le chiffrage initial de 35,7 millions €. Cette hausse résulte principalement d'une augmentation des dépenses de personnel, qui ont été sous-estimées au démarrage du projet. Alors qu'en 2019, on prévoyait la mobilisation de 44,7 équivalents temps plein (ETP) jusqu'en 2022, le rélévé transmis à la Cour des comptes, daté de mai 2024, montre un quasi-triplement de ce chiffre (120,2 ETP). Ces fluctuations illustrent la difficulté de la DGFiP à évaluer les moyens nécessaires pour mener à bien son projet informatique.
C'est l'externalisation massive du développement de GMBI qui a joué un rôle crucial dans le dépassement budgétaire. Contrairement à la majorité de ses autres systèmes d'information, la DGFiP a quasi-intégralement externalisé le développement de GMBI, représentant plus des deux tiers du coût total de l'outil. En juin 2024, les crédits engagés pour les prestations externes représentaient un montant total de 25 millions €, soit plus des deux tiers du coût de l'outil (37,2 millions € ). La DGFiP a fait principalement appel à cinq prestataires* pour l'assistance à maîtrise d'ouvrage et à maîtrise d'oeuvre, pour un total de 24,4 millions €. Deux de ces prestataires représentent trois-quarts du coût total de l'externalisation.
Le bilan de cette histoire est souvent le même quand on parle de la défaillance d'un projet IT. Ici, c'est le manque de gouvernance du projet combinée à la mauvaise collaboration entre la DGFiP et la Dinum qui a eu raison de la qualité du livrable et de l'explosion des coûts. Selon la Cour des comptes, la désignation d'une direction de projet de plein exercice auraient permis de mener le projet à son terme tout en évaluant mieux les coûts dès le démarrage. A bon entendeur
* Les noms des prestataires ne sont pas communiqués par la Cour des comptes
Image d'illustration : @DR
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