Sommet de l'IA : public et privé convergent en l'initiative Current AI
Une dizaine de pays, dont la France, se joignent à Current AI, initiative portée sur l'intelligence artificielle "au service de l'intérêt public".

Dans le domaine de l'IA, quelle forme pourraient prendre des "biens publics" ? Par exemple, celle de "jeux de données à haute valeur réutilisables de façon sûre et respectueuse de la vie privée".
C'est en ces termes qu'une dizaine d'entrepreneurs et d'investisseurs de la tech se sont exprimés, en amont du Sommet de l'IA, dans une lettre ouverte. Parallèlement à cette incitation à la création de datasets ouverts, ils avaient appelé à encourager le développement de SLM ("petits" modèles de langage), autant pour favoriser la spécialisation que pour limiter l'empreinte écologique.
Parmi les signataires, Clément Delangue, Brent Hoberman, Reid Hoffman et Arthur Mensch, respectivement cofondateurs de Hugging Face, Founders Factory, LinkedIn et Mistral AI. Ren Ito et Fidji Simo*, entre autres, sont aussi dans la boucle. Le premier est directeur des opérations de Sakana AI, une start-up japonaise fondée par des anciens de Google et qui cherche à appliquer aux modèles de fondation des concepts inspirés de la nature. La seconde, née en France, dirige Instacart.
Current AI : le groupe Omidyar en toile de fond
Tous parrainent une initiative qui devrait faire l'objet d'une officialisation le 11 février : Current AI. Elle démarre avec un financement de 400 millions de dollars et espère lever 2,5 milliards sur cinq ans. Google et Salesforce en sont "partenaires majeurs". Plusieurs structures philanthropiques s'impliquent, comme les fondations Ford, MacArthur et McGovern. La France s'y joint, à l'instar de l'Allemagne, du Chili, de la Finlande, du Kenya, du Maroc, du Nigeria, de la Slovénie et de la Suisse.
Beaucoup des projets de Current AI toucheront aux datasets publics et aux SLM. Il est, plus globalement, prévu de soutenir "l'écosystème de l'IA open source" tout en accordant des subventions à des projets visant à accroître la transparence des modèles et des données. Des promesses dans la droite ligne de celles d'AI Collective, qui apparaît comme son point d'ancrage.
L'AI Collective est une initiative du groupe Omidyar (du nom du fondateur d'eBay). Née en 2023, elle s'est donné pour objectif d'aider à réguler l'IA conformément à des valeurs et principes démocratiques, tout en garantissant que le public ait voix au chapitre. Son directeur Martin Tisné fait partie des "envoyés thématiques" du Sommet de l'IA. Il est connu pour avoir contribué à la fondation du Partenariat pour un gouvernement ouvert. Il a aussi siégé au conseil d'administration du Partenariat pour l'IA. Et fait partie du comité de l'intelligence artificielle générative institué par le gouvernement français.
Un parrainage très French Tech
Le programme de Current AI est exhaustif. Parmi ses engagements :
- Fournir des outils open source, des bonnes pratiques et des méthodologies pour l'utilisation fiable et responsable des systèmes d'IA
- Développer des plates-formes ouvertes et des standards globaux pour la fiabilité, la transparence et l'accessibilité des données
- Assurer la diversité des médias en facilitant les négociations collectives et équitables pour les contenus sous licence
- Développer des ensembles de données, des modèles et des applications pour les langues sous-représentées
- Protéger les enfants sur tout le cycle de vie des systèmes d'IA
Outre les patrons susmentionnés, Jonas Andrulis fait partie des parrains de Current AI. Cet ingénieur issu de l'Institut technologique de Karlsruhe (Allemagne) a fondé Aleph Alpha après avoir travaillé chez Apple, qui avait acquis sa start-up spécialisée dans la vision par ordinateur.
Current AI compte aussi parmi ses soutiens :
- Patrick Pérez.
L'intéressé, ancien d'Inria, de Microsoft Research, de Technicolor et de Valeo (il était directeur scientifique du labo valeo.ai), dirige aujourd'hui Kyutai. Diplômé de Centrale Paris en mathématiques appliquées, il a soutenu sa thèse à l'université de Rennes. Le sujet : "Champs markoviens et analyse multirésolution de l'image : application à l'analyse du mouvement". Il y est question de l'association des stratégies multigrilles à la modélisation statistique markovienne. - Éléonore Crespo
Cofondatrice et codirectrice de Pigment (plate-forme de planification d'entreprise). Une société créée avec Romain Niccoli, cofondateur de Criteo, dans lequel avait investi Index Ventures, société de capital-risque où l'intéressée a travaillé. Ancienne analyste de données chez Google auprès du DAF à Londres, Éléonore Crespo est normalienne et diplômée de Mines Paris - PSL. - Anastasia Stasenko
D'origine russe, elle a fait sa scolarité secondaire à Saint-Pétersbourg avant d'embrayer sur des études de philosophie (thèse sur la pensée théologie de Montaigne). Elle passa plusieurs années dans le monde de l'édition (Dunod, Flammarion...) avant de devenir chef de projet digital learning chez Audika. Sur son CV figure aussi la Fondation Espoir Monde, où elle géra un projet à "plus d'un million d'euros" pour combattre les mutilations génitales féminines en Éthiopie. Plus récemment directrice de recherche chez opsci.ai (qui a contribué au développement d'Albert, "l'IA du service public"), elle a fini par fonder Pleias, start-up qui développe des LLM pour les industries régulées.
* Diplômée de HEC, Fidji Simo était arrivée chez Facebook en 2011, dans les équipes marketing. Elle gravit les échelons jusqu'à devenir directrice de l'application. Franco-américaine depuis 2017, elle a fondé Metrodora, un centre de recherche sur les maladies auto-immunes. Une initiative inspirée de son expérience : on lui a diagnostiqué un syndrome de tachycardie orthostatique posturale (dysfonctionnement du système nerveux autonome traduit par une augmentation anormale du pouls lorsqu'on passe de la position couchée à la position debout.
Image : © Current AI
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