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Firefox soumis à des conditions d'utilisation : pourquoi Mozilla inquiète

Pour la première fois, Mozilla soumet Firefox à des conditions d'utilisation. Une clause relative à l'exploitation des données cristallise les inquiétudes.

Publié par Clément Bohic le - mis à jour à
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Firefox soumis à des conditions d'utilisation : pourquoi Mozilla inquiète

Mozilla risque-t-il de s'aliéner ses plus grands défenseurs ? La remarque lui a été faite après une initiative sans précédent : l'introduction de conditions d'utilisation pour Firefox.

La fondation rappelle s'être historiquement appuyée sur sa licence open source et sur des engagements publics. "Aujourd'hui, nous évoluons dans un paysage technologique très différent", poursuit-elle. En toile de fond, sa situation délicate*, notamment sur le plan financier. Assez pour qu'elle ne cache plus son intention d'investir, en particulier, dans la publicité pour augmenter ses revenus à court terme.

Dans ces nouvelles conditions d'utilisation, une clause fait grand bruit :

Vous accordez à Mozilla tous les droits nécessaires au fonctionnement de Firefox. [...] Lorsque vous chargez ou entrez des informations par le biais de Firefox, vous nous accordez une licence mondiale non exclusive et excluant toute redevance pour l'utilisation de ces informations pour vous aider à naviguer, utiliser et interagir avec du contenu en ligne [...]"

Elle inquiète d'autant plus qu'en parallèle, la mention "nous ne revendons pas vos données personnelles" a disparu de la FAQ de Firefox.

Face à la levée de boucliers dans sa communauté et au-delà, Mozilla a jugé bon de clarifier sa démarche. À l'en croire, il lui faut une licence pour fournir une partie des fonctionnalités de base de Firefox. "Sans cela, nous ne pourrions pas utiliser les informations entrées dans le navigateur pour effectuer vos recherches, par exemple." Et d'assurer que cette licence ne lui donne pas de droit de propriété sur les données concernées. Ni le droit des les exploiter à d'autres fins que celles décties dans sa politique de confidentialité.

Ce document a fait l'objet d'une mise à jour parallèlement à l'introduction des conditions d'utilisation. Mozilla y expose désormais d'abord chaque finalité poursuivie et ses implications globales, avant de donner, pour chacune, la liste des données traitées et des bases juridiques.

Parmi ces finalités, il y a "fournir Firefox". Dans ce cadre, Mozilla collecte, entre autres, des données techniques et de paramétrage, y compris pour livrer des fonctionnalités par défaut comme l'édition de PDF, le gestionnaire de mots de passe et la "protection totale des cookies".
Bases juridiques invoquées : le contrat et l'intérêt légitime à fournir des fonctionnalités supplémentaires, des services d'accessibilité et une expérience plus personnalisée.

Autre finalité : "adapter Firefox à vos besoins". Cela peut impliquer la transmission de données aux serveurs de Mozilla, même si les traitements se font essentiellement en local (historique de navigation, fichiers Internet temporaires, cookies...).
Base juridique invoquée : l'intérêt légitime à faire fonctionner les données sur un appareil pour les utilisateurs, et le consentement pour les fonctionnalités liées à la localisation.

"Fournir et améliorer la fonctionnalité de recherche" implique aussi le traitement de données. Par défaut, Firefox affiche ses propres suggestions, qui peuvent inclure des contenus sponsorisés de partenaires. Donnant lieu à la collecte de données techniques et d'interaction, cette fonctionnalité est désactivable.
Autre traitement dont on peut se désengager : l'utilisation des mots-clés par Mozilla pour déduire la catégorie de recherche (voyage, shopping...) en fonction de la localisation. La fondation peut aussi partager ces mots-clés à des partenaires afin de fournir du contenu recommandé.
Bases juridiques invoquées : l'intérêt légitime à fournir et à améliorer la fonctionnalité de recherche, et le consentement lorsqu'on choisit de participer à une expérience de recherche améliorée.

Mozilla utilise par ailleurs des données techniques et des préférences linguistiques et de localisation pour "proposer un contenu et une publicité pertinents sur la page Nouvel onglet". Objectif, explique-t-il : servir le contenu dans le bon format et la bonne langue. Des données d'interaction sont recueillies (position, taille, vues et clics) et peuvent être partagées avec des partenaires publicitaire.
Base juridique invoquée : l'intérêt légitime à fournir à l'utilisateur un contenu qui l'intéresse.

Le consentement est la base juridique pour plusieurs fonctionnalités que l'utilisateur a le choix d'activer. Parmi elles, le vérificateur d'avis, les chatbots IA tiers et les extensions. Pour le premier de ces éléments, Mozilla traite les informations relatives aux sites web et aux identifiants des produits consultés, à l'aide d'une technologie associant chiffrement et serveur intermédiaire (OHTTP). Pour le deuxième, il recueille des données techniques et d'interaction (fréquence à laquelle on sélectionne les fournisseurs et les invites suggérées, longueur du texte sélectionné...). Pour le troisième, il collecte également des données techniques et d'interaction.

Entre autres finalités figurent aussi :

  • Maintenir et améliorer les fonctionnalités, la performance et la stabilité
    Cela implique la collecte de données techniques, de localisation et de paramétrage, ainsi que les données d'interaction ou de performance du système (nombre d'onglets ouverts, utilisation de la mémoire, résultat de processus automatisés comme les mises à jour...). "Dans de rares cas", cela peut comprendre des données de navigation (par exemple des annotations de domaine de premier niveau pour le suivi des performances de chargement des pages), elles aussi transmises en OHTTP.
    Trois bases juridiques invoquées. D'un, le contrat pour s'assurer que Firefox reste opérationnel. De deux, l'intérêt légitime à effectuer des recherches et prendre des mesures pour améliorer fonctionnalités, performances et stabilité. De trois, le consentement lorsqu'on choisit d'envoyer des rapports de plantage.

  • Améliorer la sécurité
    Au-delà de l'intérêt légitime à protéger les utilisateurs et à améliorer la sécurité générale sur Internet, Mozilla invoque le respect de la loi.

  • Comprendre l'utilisation de Firefox
    Parmi les données collectées à ces fins, la fréquence d'utilisation du navigateur, des statistiques d'interaction avec les suggestions de recherche ou encore le nombre de pubs vues.
    Bases juridiques invoquées : d'une part, l'intérêt légitime, pour permettre des améliorations et "exécuter des fonctions commerciales comme les rapports d'utilisation et les prévisions". De l'autre, le consentement lorsqu'il est requis par la loi, par exemple en cas d'utilisation de cookies non essentiels.

Les données concernées ne sont "en général" pas conservées plus de 25 mois.

* Mitchelle Baker, cofondatrice de Mozilla, vient d'en quitter la présidence. Et la gouvernance a été renouvelée dans plusieurs organisations. Nicole Wong, ancienne de Google et de Twitter, est désormais à la tête de la fondation. La présidence de Mozilla Corporation revient à Kerry Cooper, passé notamment par Walmart. Quant au nouveau patron de Mozilla.ai, il s'agit de Raffi Krikorian (ex-Twitter et Uber).

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