Intel investit dans ASML pour maintenir son avance
Intel entend accélérer le développement des technologies nécessaires pour passer au wafer en 450 mm et maintenir son avance sur ses concurrents. Pour cela, une seule solution : renforcer le capital et accompagner la R&D de son principal équipementier, le hollandais ASML.
Les semiconducteurs sont fabriqués par un système photolithographique qui projette le design d'un processeur avec ses transistors sur une surface de silicium, appelée wafer. C'est le disque doré et brillant que présentent régulièrement les fondeurs (fabricants de processeurs et composants électroniques) lorsqu'ils affichent leur production. Le wafer est ensuite découpé au laser, les processeurs sont testés, triés, emballés et expédiés aux assembleurs, fabricants de PC et d'objets électroniques afin d'être intégrés dans leurs produits.
Le processus est long, délicat et fort coûteux en investissements comme en production. À titre d'exemple, Fab 42, le dernier projet en date de construction d'une « fab » (une usine de fabrication de composants en salle blanche) par Intel en Arizona, nécessite un investissement de 5 milliards de dollars. Le fondeur a peu de concurrents, il est un des rares à posséder ses propres usines. AMD ayant abandonné récemment, TSMC ou GlobalFoundries peinent à suivre, mais se tiennent en embuscade, les Japonais sont dans les choux, et il n'y a guère que Samsung qui continue de jouer dans la cour des très grands !
Maintenir son avance
Pour réduire ce coût et maintenir la loi de Moore - qui veut aujourd'hui que le nombre de transistors dans un processeur soit multiplié par 2 tous les 18 mois - tout en répondant aux appels du marché pour réduire les coûts en permanence, Intel n'a pas le choix : d'abord il doit maintenir son avance technologique (donc son potentiel de marge) sur ses concurrents, estimée actuellement à 2 ans ; ensuite il doit continuer en permanence de jouer la carte de la performance, en abaissant la taille des composants (estimée en nanomètre ou milliardième de mètre, se rapprochant de la taille des atomes !) afin de placer toujours plus de transistors sur une même surface ; enfin il doit automatiser la fabrication et augmenter la taille des supports afin d'y placer plus de transistors avec plus de composants.
Pour réaliser cela, une seule solution, que les équipementiers, qui fabriquent les machines qui fabriquent les semiconducteurs, suivent. Face aux Japonais Canon et Nikon, qui alimentent principalement les fondeurs asiatiques ou les fabricants de puces pour la mobilité, Intel (comme Samsung.) travaille depuis longtemps avec le hollandais ASML. Or, une machine qui fabrique les processeurs coûte cher, et la R&D pour les créer et suivre le rythme de la loi de Moore coûte toujours plus cher.
Lorsque Intel annonce qu'il va investir 4 milliards de dollars dans ASML, la nouvelle prend immédiatement une dimension pour le moins stratégique. L'accord prévoit tout d'abord une prise de participation de 1,7 milliard d'euros dans l'équipementier, contre 10 % des actions, et une participation préliminaire à la R&D de 553 millions d'euros. Soumise à l'accord des actionnaires d'ASML , une seconde prise de capital de 5 % est également engagée, ainsi qu'une seconde vague de R&D.
Au total Intel devrait investir 3,1 milliards de dollars au capital de l'équipementier. Le taux de change du dollar face à l'euro, qui grimpe, devrait apporter un léger coup de pouce à Intel. L'accord prévoit également des avances sur commande sur la prochaine génération des équipements conçus par ASML, de quoi rassurer l'équipementier qui, en contrepartie, peut plus sereinement investir dans le développement de ses technologies.
450 nm et 15 nm
Quelles sont-elles, d'ailleurs, ces technologies ? En priorité, le passage à la technologie du wafer 450 mm. La technologie courante de fabrication des processeurs exploite actuellement des galettes de 300 mm. Avec la réduction de la taille des composants, la capacité de placer des processeurs sur une galette de 450 mm devrait doubler. On imagine les économies réalisables pour la fabrication des semiconducteurs. En passant aux 300 mm, Intel aurait ainsi réalisé une économie de l'ordre de 30 % à 40 %. Le passage aux 450 mm devrait maintenir cette échelle de réduction.
L'autre technologie de pointe avancée est liée à l'usage de la lithographie EUV, pour « extreme-ultraviolet ». Ce procédé de photolithographie utilise un rayonnement UV d'une longueur d'onde de l'ordre de 10 à 15 nanomètres grâce à l'usage de miroirs de précision en réflexion (par opposition aux masques ou objectifs dits en transmission précédemment utilisés). C'est cette technologie qui permet de passer sous la barre de la résolution des 45 nm. Intel compte certainement pousser cette technologie afin de passer à une production de processeurs en 15 nm avant la fin de la décennie.
Quant à la question de l'exclusivité technologique qu'aurait pu exiger Intel contre son investissement chez ASML, imaginez la réaction des fondeurs, des autorités européennes, voire du gouvernement américain si le fondeur en avait bénéficié. Intel se contera donc d'accompagner l'équipementier afin de maintenir son avance technologique. Quant à ses concurrents, combien disposent de moyens suffisants pour suivre le rythme technologique imprimé par le premier fondeur mondial ? On ne passe pas de 300 mm à 450 mm en se contentant de changer de matrice pour caler un wafer, c'est tout l'outil industriel qui est à adapter, voire changer... Soit quelques milliards de dollars supplémentaires à aligner sur la table ! Intel conservera longtemps encore son avance technologique.
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