Accès indirects à SAP : le Cigref s’insurge à son tour

La condamnation en Grande-Bretagne de la société Diageo, pour des accès indirects à SAP, continue à créer des remous en France. Le Cigref dénonce le flou dans lequel sont plongées les DSI.

L’affaire Diageo, du nom de ce groupe britannique spécialisé dans les boissons alcoolisées et poursuivi en justice par SAP, n’en finit pas de créer des remous. Après l’USF, le club des utilisateurs SAP francophones, c’est le Cigref qui s’empare de l’affaire. Le club, qui réunit les DSI des grandes entreprises et administrations françaises, rappelle à son tour son opposition à la façon dont le premier éditeur européen exploite la notion d’accès indirects. Et voit dans le récent arrêt de la justice britannique, qui a « suivi l’interprétation de SAP » sur ce terrain, un signal « particulièrement négatif et inquiétant » envoyé aux entreprises clientes de l’éditeur de Walldorf.

Rappelons que la notion très floue d’accès indirects, soit les frais de licences que l’Allemand réclame pour accéder aux données de ses systèmes au travers d’applications tierces (dans le cas de Diageo, deux applications bâties sur Salesforce), devient fréquemment un terrain d’affrontement entre les DSI et SAP, quand ce dernier mène des audits de licences. D’autant qu’il n’existe pas de définition contractuelle de ces accès indirects, SAP rechignant même à employer le terme.

Les données appartiennent aux entreprises

henry d'agrain
Henry d’Agrain

Dans son communiqué, le Cigref réclame justement une définition de la notion, « de façon claire et univoque, dans un cadre partenarial avec les utilisateurs ». Et de rappeler sa position de principe sur le fond du sujet : « Les données confiées aux systèmes SAP n’appartiennent pas à SAP mais aux entreprises, et ce qu’elles en font une fois que ces données en ont été extraites ne regarde qu’elles. » Une position alignée avec celle de l’USF et d’EuroCIO, l’association des DSI européens. Henry d’Agrain, le délégué général du Cigref, rappelle d’ailleurs que, dans le cas de Diageo, les données de SAP exploitées dans Salesforce sont extraites par une passerelle, fournie par l’Allemand et dûment déclarée. « A partir de là, l’entreprise devrait pouvoir faire ce qu’elle veut des données, faute de quoi on entre dans un modèle qui n’est pas soutenable pour les entreprises ».

Écarter la concurrence

Pour le club français, cette affaire Diageo, qui résulte, rappelons-le, bel et bien d’une plainte de l’éditeur contre son client, est à replacer dans le contexte de la « concurrence exacerbée » entre SAP et Salesforce. La notion d’accès indirects, parfois simplement brandie comme une épée de Damoclès, peut en effet permettre au premier éditeur européen de pousser ses solutions gravitant autour du cœur ERP aux dépens de celles de ses concurrents. « Lorsqu’un client SAP évalue un produit pour un besoin nouveau, il arrive que SAP indique au client qu’il se trouvera dans un cas d’usage indirect s’il ne choisit pas une solution SAP », indiquait ainsi l’USF dans une note de synthèse sur le sujet en octobre 2015.

Les tensions entre les grands éditeurs, tous cotés en bourse, et les entreprises sur les questions du licensing ne sont pas nouvelles. Mais la situation portant sur le cas spécifique de SAP s’est nettement dégradée depuis deux ans. Il y a 18 mois déjà, l’USF pointait les pratiques de l’éditeur en matière d’audit et les conséquences des accès indirects. Le club expliquait aussi que des clients de l’éditeur avaient choisi de se détourner de SAP pour leurs projets en matière d’objets connectés, en raison du risque pesant sur les accès indirects. Aujourd’hui, le Cigref avertit sans ambiguïté l’éditeur, en relevant « le développement de solutions en Open Source qui offrent, dès aujourd’hui, des alternatives permettant de s’affranchir du modèle de licensing imposé par SAP, ou de le cantonner à quelques fonctions critiques pour lesquelles SAP serait encore jugé plus pertinent ». Et ajoute que plusieurs de ses adhérents ont déjà entamé des réflexions en ce sens.

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