L’Afdel s’oppose à la remise en cause du statut d’hébergeur

Les éditeurs de logiciels et solutions Internet réunis au sein de l’Afdel demandent aux pouvoirs publics de préserver le statut d’hébergeur. La ministre de la Culture, de son côté, veut une évolution pour mieux protéger le droit d’auteur à l’ère numérique.

L’hébergeur est, en droit français, un prestataire technique qui assure le stockage de données et bénéficie d’un régime de responsabilité atténué dans la loi pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN de 2004). L’Association française des éditeurs de logiciels et solutions Internet (Afdel), qui s’était déjà inquiétée d’une remise en cause du statut d’hébergeur lors de la publication du Rapport Lescure en 2013, appelle à nouveau les pouvoirs publics à le préserver. Les éditeurs réagissent après que Fleur Pellerin a réaffirmé, dans un entretien aux Échos, souhaiter une évolution de ce statut dans le cadre du projet de réforme de l’audiovisuel public.

Pour la ministre de la Culture et de la Communication, « il faut que chacun ait conscience de sa responsabilité, revoir nos modes de coopération, notamment en matière de protection du droit d’auteur, en allant peut-être vers un statut hybride, par exemple pour les grandes plateformes, qui ne sont ni simplement des hébergeurs ni totalement des éditeurs ». L’Afdel s’inquiète d’une remise en cause qui repose, à ses yeux, « sur une compréhension biaisée de la responsabilité et de l’engagement actuel de ces acteurs en faveur de l’accès à la création ».

Le financement ex-ante de la culture

Pour l’Afdel, les propositions du ministère de la Culture et de représentants des ayants droit visent surtout à « renforcer le système de financement ex-ante de la culture ». L’organisation, qui critique l’efficacité de ce système, rappelle que « les plateformes numériques contribuent déjà fortement au financement de la création » et que des dispositifs contre le piratage et la contrefaçon en ligne ont été mis en place par ces services. De plus, une évolution réglementaire impacterait à la fois les plateformes de contenus générés par l’utilisateur (Youtube…) ciblées par la ministre, et, ajoute l’Afdel, « tous les acteurs qui stockent des données à la demande du destinataire du service » (ndlr : que le destinataire soit une entreprise ou un particulier ). Les éditeurs de logiciels en mode SaaS seraient donc inclus.

« Les pouvoirs publics poursuivent plusieurs objectifs. Celui de créer un nouveau mécanisme de financement ex ante de la culture en est clairement un ! Et il pèsera en premier lieu sur les acteurs français. Plutôt que d’activer ce vieux réflexe français – créer de nouvelles taxes ou mécanismes de financement -, ayons l’ambition prioritaire de soutenir l’innovation, pour faire émerger des champions numériques français de la culture, à l’image d’un Dailymotion ou d’un Deezer », explique à la rédaction Loïc Rivière, délégué général de l’Afdel.

L’équilibre entre droit d’auteur et libre expression

L’Afdel rappelle sont attachement au respect des droits d’auteur et son engagement en faveur de l’État de droit. Tout en soulignant que l’évolution du statut d’hébergeur risque de porter atteinte à l’équilibre entre différents droits, notamment la liberté d’expression. Pour l’organisation, qui représente plus de 350 éditeurs, il faut veiller à ne pas transformer les acteurs qui assurent l’infrastructure d’Internet et proposent des services communautaires en « auxiliaires de police » du Net hors intervention du juge. « Les schémas de régulation doivent être réinventés, assure l’organisation présidée par Jamal Labed. Faute de quoi le développement de l’économie numérique en France et l’émergence de champions français numériques de la création se trouveraient affectés ».

« Nos schémas de régulation issus du système de l’exception culturelle (quotas, chronologie des médias, etc.) ont, hélas, plutôt eu pour effet de maintenir notre système sous perfusion que d’atteindre les objectifs recherchés. N’oublions pas que la régulation n’est pas une fin mais un moyen. Si notre objectif est de faire progresser le pluralisme, la liberté d’expression, le respect des droits d’auteurs, la dignité humaine ou encore la protection de l’enfance, il n’est ni nécessaire ni souhaitable du point de vue de l’équilibre des droits de changer le statut juridique de l’hébergeur pour y arriver », commente Loïc Rivière. « Les acteurs numériques sont disposés à y contribuer en s’engageant davantage de manière volontaire (comme le montrent les systèmes d’empreinte sur la protection du droit d’auteur déjà mis en place, ou les chartes en cours de conception). Il faut les encourager en ce sens, en lien avec les autorités publiques indépendantes pertinentes », assure-t-il.

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