Affaire HP Itanium: Oracle a-t-il franchi le Rubicon?

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HP rappelle à Oracle ses engagements en matière de support de l’Itanium et l’attaque en justice. Oracle se défend en prétendant qu’Intel a programmé la mort du processeur RISC.

En mars 2011, Oracle annonçait sa volonté de cesser le soutien à l’Itanium mettant ainsi un terme aux développements futurs de ses logiciels de bases de données (SGDB) pour les serveurs sous l’environnement d’Intel et donc indirectement aux machines Integrity sous OS HP-UX de Hewlett-Packard. Motif invoqué : Intel cesserait le développement futur de ses processeurs à architecture RISC, sous la marque Itanium du moins.

Une querelle qui trouve en fait sa source en septembre 2010 quand Mark Hurd, l’ancien p-dg de HP, a quitté celle-ci pour Oracle où il officie désormais comme co-président au côté du fondateur Larry Ellison, rappelle ITespresso.fr. Par ailleurs, Léo Apotheker, ancien dirigeant de SAP qui a pris la succession de Mark Hurd chez HP, est stigmatisé par Oracle suite à l’affaire TomorrowNow relative à un vol de propriété intellectuelle.

C’est là un jeu de chaises musicales propre à conduire les deux sociétés à passer du statut de « partenaires » à celui de « pires ennemis« . Si la pomme de discorde porte sur les microprocesseurs Intel Itanium, ce sont les engagements pris par Oracle que HP compte rappeler devant la justice. Une plainte de HP visant Oracle a été déposée devant un tribunal de Santa Clara (Californie), explique . HP ne digère pas qu’Oracle ait cessé ex abrupto tout développement pour Itanium.

La bataille judiciaire sera féroce. Oracle prétend s’être fait abuser par HP lorsqu’elle a pris ces engagements. «Nous croyons que HP a précisément demandé à Oracle de garantir le support à long terme de la plate-forme Itanium avec l’accord de septembre 2010. Car HP savait déjà pertinemment qu’Intel prévoyait de stopper le développement d’Itanium. Et que HP savait alors ce qui se passerait quand Oracle prendrait connaissance de cette information », a ainsi déclaré un porte-parole d’Oracle.

Ce sera donc la ligne de défense d’Oracle. Elle risque d’être difficile à tenir à la barre. Tout d’abord, parce que rien n’indique qu’Intel ait déclaré vouloir stopper le développement de la plate-forme Itanium. Le fondeur avait réitéré sa volonté de maintenir sa plate-forme lors de l’IDF de Pékin en avril 2011 où il a présenté une feuille de route avec le Poulson pour 2012 qui sera théoriquement suivi du Kittson dans un avenir non daté. De manière non officielle, Intel assure avoir dressé sa roadmap Itanium jusqu’en 2015.

Le contexte des ventes de serveurs au niveau mondial ne plaide pas non plus en faveur d’Oracle et montre une société aux abois sur ce front. Ainsi, selon Gartner, si HP caracole en tête du nombre de serveurs vendus en 2010 avec 31,7 % de part de marché devant Dell (21,3 %) et IBM (13,1 % avec une croissance de 12,8 % sur un an), Oracle n’est pas à la fête avec seulement 1,5 % et une cinquième place derrière Fujitsu (chute de 40,8 % de sa part de marché) après le rachat de Sun Microsystems. Et pourtant, le contexte est favorable puisque le nombre de serveurs vendus au quatrième trimestre 2010 est 6,5 % plus élevé qu’au quatrième trimestre 2009. Le marché se porte donc bien.

D’aucuns pensent que la manœuvre d’Oracle visent simplement à ce que les clients des serveurs HP Integrity effectuent un changement de matériel au profit des serveurs Sun. C’est en fait la double casquette d’Oracle, suite au rachat de Sun Microsystems en avril 2009, qui crée une forme de conflit d’intérêts au sein même de la société. D’un côté, elle vend des solutions logicielles (métier de base) pour les serveurs et, depuis 2009, elle vend ses propres serveurs.

Oracle a peut-être franchi le Rubicon en instrumentalisant son offre logicielle pour attirer le chaland vers ses machines Sun et risquer ainsi de perdre plus en voulant courir deux lièvres à la fois.

(Article modifié à 18h05)