Airbus; les leçons du contrat d’externalisation avec HP

Des conseils utiles pour toute entreprise en quête de services managés. Rencontre avec le responsable ‘IT Operations’ du groupe Airbus

Manfred Koth, directeur des opérations ‘IT’ (Information technologies) chez Airbus, a accepté de répondre à nos questions sur les enjeux et le mode opératoire du contrat de gestion d’infrastructure sur cinq ans géré par HP Managed Services. Ce contrat avait été signé en juin 2003.

Vous avez signé un contrat d’externalisation pour 150 millions d’euros avec Hewlett Packard. Quels en étaient les contours ? Au départ, notre besoin concernait trois lignes de services. Tout d’abord, il nous fallait migrer la messagerie électronique tournant sous Exchange 5.5 et Outlook pour 72.000 boîtes aux lettres en France, en Grande Bretagne, en Allemagne, aux États Unis et en Espagne. HP a géré la migration de tous les serveurs vers Microsoft Exchange 2000, et maintient cette infrastructure depuis cette date. Le second volet du dossier touchait à l’infogérance de serveurs SAP en France, Allemagne et Angleterre pour les utilisateurs d’Airbus. Enfin, le troisième appelé SAD (pour Serveur-Application-Database) concerne l’exploitation des centaines d’applications spécifiques Airbus ainsi que celles des milliers de serveurs et centaines de bases de données les supportant. Pourquoi avez-vous retenu HP Managed Services ? Plusieurs entreprises ont répondu à l’appel d’offres. HP s’est révélé le plus compétitif par rapport au volume. Bien que nous ayons imposé une réduction de nos coûts de 10 % par an sur la partie de l’informatique confiée, HP restait la meilleure offre. Quels étaient exactement les engagements pour HP ? Le contrat ne portait pas sur des fonctions applicatives, mais bien sur des obligations de niveau de qualité de service (Service Level Agreement) de 99,5 % à 99,99 % selon la criticité des applications ou des utilisateurs. Le projet est mené avec une approche ITSM (Information Technology Service Management), basée sur les meilleures pratiques de gestion et de collaboration des équipes informatiques. [NDLR : HP a racheté l’américain IT Management LLC et le britannique CEC Europe Management en avril 2004]. Néanmoins, je tiens à préciser qu’aucun transfert de personnel n’a été effectué dans le cadre de ce contrat. HP prend en charge le bon fonctionnement des services applicatifs et bases de données fournies sous forme d’objets dans le cadre de SAD (Servers, Applications, Databases). À travers des obligations de niveau de qualité de service, HP n’est responsable que des moyens et non du développement dont nous conservons la maîtrise. En effet, notre activité est réellement très spécifique, et aucun partenaire ne peut nous apporter une expertise métier, que nous sommes les seuls à détenir. D’où la nécessité de conserver un lien important entre Airbus et HP pour maintenir une synergie forte entre les besoins d’ingénierie internes et les possibilités offertes en termes d’architecture. À terme, l’objectif est-il forcément de tout confier à un seul prestataire ? En 2004, une réflexion avancée s’est tenue sur les interventions afin de déterminer les meilleurs modes opératoires. Autre aspect du problème, différents modèles de services managés coexistent selon les pays, et souvent pour d’excellentes raisons. À la fin de chaque contrat, nous étudions la pertinence d’homogénéiser la prestation concernée. Mais cette marche en avant a déjà été largement initiée. Ainsi, en Grande-Bretagne, une large partie de l’externalisation opérée par CSC a fait l’objet d’une migration progressive menée par HP. Au passage, HP a dû intégrer nos nouveaux besoins nécessitant plus de performances, et de nouvelles lignes de service. Cette opération s’est déroulée en deux « big-bangs » successifs, entre le 18 novembre 2005 et le 3 janvier 2006. Le premier a démarré le 18 novembre 2005, et s’est achevé avec succès le 25 décembre 2005, pour les serveurs situés en Grande Bretagne. La seconde vague, concernant une partie des SAD, portait sur les serveurs, dont quelques centaines ont été déménagées physiquement. L’ensemble a été finalisé le 3 janvier 2006. Les contrats doivent faire l’objet d’une extrême attention, et d’une vigilance juridique draconienne. Point critique ? Le contrat n’est qu’une partie de la relation. Cette fondation ne suffit pas pour que tout fonctionne. En effet, sur le terrain, la réalité quotidienne évolue. C’est pourquoi nous devons adapter régulièrement les termes du contrat en bonne intelligence. Seule une relation claire et gagnant/gagnant permet d’y parvenir. Plus large est la portée du contrat, plus les risques de divergences d’interprétation des clauses augmentent. Pour rester en phase, une relation de confiance est indispensable. Afin de limiter les conflits potentiels, il convient de formaliser assez finement les modalités. Après un audit ? de type « due diligence » ? auprès des utilisateurs, HP a interprété différemment certaines clauses. Dans ce cas, des discussions s’engagent pour déterminer quelles différences de prix cela peut entraîner. Le dialogue clair, honnête et constructif, sert tout le monde dans le temps. D’autant plus que ces contrats sont pluriannuels. Par ailleurs, un audit ne donne qu’une vision figée à un moment donné. Par conséquent, on obtient des tendances fortes qu’il faudra certainement ajuster. Une raison supplémentaire de bien cadrer le contrat et les modalités de révision, en mandatant explicitement un tiers pour arbitrer les éventuels conflits. En arrivant sur ce type de contrat, le prestataire hérite de multiples situations, avec des modes de fonctionnement différents. Il s’agit alors de trouver le meilleur moyen d’implémenter le nouveau modèle souhaité qui amène du changement dans les modes de travail. En parallèle, il faut maintenir le niveau de service exigé par les utilisateurs. Qui préside aux choix technologiques de ce projet ? HP choisit les machines, pour exécuter les applications SAP et Exchange, et nous utilisons les logiciels que nous sélectionnons ou créons pour le développement. Toutefois, nous conservons un droit de regard, bien qu’il ne soit pas contractuel. Nous émettons ensuite un avis. Sur SAD, les choix technologiques sont réalisés par Airbus. Quelles réductions de dépenses informatiques a enregistrées Airbus sur les trois dernières années ? Sur l’informatique globale du groupe, Airbus a réduit ses dépenses de -20% entre 2003 et 2006. Une part très conséquente de ce résultat a été générée par la consolidation des fournisseurs et la définition des modes d’intervention, avec une homogénéisation des pratiques.