Alberto Bozzo : « AMD is back »

Retour à la profitabilité, cessions des unités de production, conflit avec Intel en cours d’achèvement… AMD négocie un nouveau virage économique et technologique comme l’explique à Silicon.fr Alberto Bozzo de passage à Paris.

De passage à Paris, jeudi 4 mars, Alberto Bozzo, vice-président et directeur pour la région EMEA (Europe, Moyen-Orient, Afrique) revient sur la nouvelle stratégie d’AMD. Celle-ci prévoit un assainissement de la situation financière (depuis janvier le titre est passé de 2 à 10 dollars pour se stabiliser autour de 8 dollars aujourd’hui), le renforcement de l’offre de plates-formes et l’innovation technologique avec l’arrivée des premiers processeurs pour netbooks et l’annonce de la première puce CPU/GPU intégrée dès l’année prochaine. Après une carrière chez HP, vous avez intégré la direction d’AMD pour la région EMEA il y a 13 mois. Quelle était votre mission en arrivant et quelle est la situation de l’entreprise aujourd’hui?

Globalement, ma mission vise à accompagner la transformation de l’entreprise qui évolue de producteur de composants à fournisseur de plates-formes systèmes, même si on ne néglige pas le marché du « do it yourself » des bidouilleurs. C’est notamment la stratégie mise en œuvre avec Vision qui nous permet de proposer un ensemble de composants CPU/GPU/chipset pour proposer la meilleure expérience utilisateur possible [voire notre actualité Leslie Sobon (AMD) : «Les consommateurs ne veulent pas entendre parler de fréquence d’horloge» ].

Cette évolution passe par une nouvelle étape financière et structurelle qui s’est notamment concrétisée par l’outsourcing des usines de production cédées à ATIC [Advanced Technology Investment Company, un fond d’investissement créé par le gouvernement d’Abu Dhabi, NDLR] à travers la nouvelle entité GlobalFoundries [cf AMD repasse au vert et se sépare de ses unités de fabrication ]. ATIC détient 66 % de GlobalFoundries ainsi que 19 % d’AMD. A terme, AMD se dégagera totalement du capital de GlobalFoundries.

L’autre objectif était d’arrêter de perdre du cash. Après 8 trimestres déficitaires de suite, AMD bénéficie d’un cash positif depuis deux trimestres.

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Le fait de ne plus détenir d’unité de production en propre ne risque-t-il pas de ralentir les évolutions de design technologiques, notamment le passage au 32 nanomètres, et de nuire à la capacité de productions?

Nous restons le partenaire privilégié de GlobalFoundries à travers nos technologies de pointe, nous n’aurons donc aucune difficulté à évoluer vers les nouvelles technologies de gravure. Nous disposons déjà d’échantillons de puces gravées en 32 nm et devrions mettre notre premier processeur 32 nm sur le marché début 2011. Quant à nos capacités de production, elles sont largement dimensionnées car nous avons une double source de production : GlobalFoundries pour les processeurs et TSMC (Taiwan Semiconductor Manufacturing Company) pour les processeurs graphiques. Il faut savoir aussi savoir que l’usine de Dresde (Fab 38) n’est pas utilisée à pleine capacité. D’autre part, GlobalFoundries est en train de construire sa troisième unité à New York qui devrait être opérationnelle en 2011, et prévoit d’en lancer une autre à Abu Dhabi pour une ouverture vers 2014. Votre conflit avec Intel est-il terminé?

Nous avons signé un accord pour mettre fin aux poursuites dans lequel, outre un dédommagement d’Intel de 1,25 milliard de dollars, des accords croisés de licences technologique fait que nous ne pouvons pas fonctionner l’un sans l’autre. De plus, la Commission européenne a jugé Intel coupable de pratiques illégales sur le marché des processeurs et va poursuivre le contrôle des méthodes commerciales d’Intel qui a cependant fait appel de la décision. Mais cette pression sur Intel semble porter ses fruits auprès des constructeurs. Après Dell [qui s’est historiquement longtemps fourni exclusivement chez Intel, NDLR] nous travaillons désormais avec Lenovo. D’autres grands industriels sont attendus prochainement.

Les résultats sont en hausse même si ce n’est pas immédiat. Mais ils commencent à se voir. Sur le marché de notebook, où nous sommes relativement absents, notre part de marché a augmenté de 2,5% en fin d’année selon GfK. En Angleterre, les produits AMD constituent désormais 30 % du marché des notebooks. A nous maintenant de prouver que l’on a une bonne proposition de valeur. En mai ou juin prochain, nous présenterons notre première puce à faible consommation pour netbook aux noms de code Danube (marché mainstream) et Nil (ultra basse consommation) qui supportera la gestion de la vidéo haute définition avec une autonomie améliorée de 7 heures et demi à 8 heures. Notre ambition est de proposer plus de performances et de capacités graphiques à un marché ouvert et en pleine croissance (les netbooks représentent 20 à 22% du marché des portables). Quel est le moteur économique d’AMD aujourd’hui?

Ce sont clairement les marchés des produits grand public et PME avant celui des serveurs. Car même si la marge sur ces derniers est plus importante, le mainstream est plus rentable. De plus, ne négligeons pas qu’un utilisateur individuel peut être un prescripteur de technologie pour l’entreprise dans laquelle il travaille. J’en profite pour signaler que Magny-Cours, l’Opteron 12 coeurs, sera officiellement disponible à la fin du mois même si quelques exemplaires se sont retrouvés en vente sur Ebay.

Nous cherchons avant tout à augmenter notre part de marché financière (share wallet) que nous souhaitons doubler d’ici deux à trois ans. En vendant du processeur évidemment mais surtout de la plate-forme. Dans ce cadre, la stratégie Vision est une stratégie à long terme. Et nous annoncerons Llona, notre premier composant qui réunit CPU et GPU sur une même pièce de silicium début 2011. Il s’agira d’un APU, Accelerator Processor Unit. Et nous sommes d’autant plus confiants que AMD est la seule entreprise qui maîtrise les deux technologies, CPU et GPU (lesquels sont exploités pour les traitements graphiques mais aussi pour les calculs à instructions massivement parallèles), ce qui nous différencie d’Intel et de Nvidia. La stratégie Fusion, issu du rachat d’ATI en 2006, commence à porter ses fruits aujourd’hui. La stratégie Fusion et l’innovation matérielle qui l’accompagne ne sera profitable aux utilisateurs que si les développeurs s’adaptent aux nouvelles architectures… C’est pourquoi nous mettons en place un écosystème de développement logiciel. Depuis 12 mois, nous avons fortement investi dans des sociétés spécialisées dans ce domaine, dont je ne peux pas vous donner les noms, notamment sur la partie pilotes et applications middleware. Cela passe aussi par le développement du standard OpenCL dont nous fournissons un SDK pour développer des applications pour plates-formes x86 et GPU x11 L’objectif est de créer un écosystème simple et ouvert pour exploiter les APU.