Alcatel-Lucent prêt à s'attaquer à de nouveaux marchés

Dans une interview donnée aux Echos, le président du Conseil d’administration Philippe Camus revient sur les grandes lignes stratégiques dessinées pour redresser l’équipementier.

« Nous sommes concentrés sur le redressement financier du groupe. » Philippe Camus, le président (non exécutif) du conseil d’administration a rappelé l’objectif ambitieux d’Alcatel-Lucent depuis la nomination de la nouvelle direction en septembre dernier. « L’objectif numéro un, c’est d’atteindre l’équilibre en résultat d’exploitation ajusté fin 2009, dans un marché des télécoms que nous prévoyons en recul de 8 à 12 % cette année. En outre, il faut que nous générions du cash-flow positif », a répondu Philippe Camus dans une interview au quotidien Les Echos (28/05/2009).

Le redressement financier passera par cinq « chantiers de transformation » engagés dès septembre : changement de gouvernance, nouveau management, nouvelle stratégie, nouvelle organisation, cessions de certains actifs. Selon Philippe Camus, la réorganisation de la direction, notamment, était indispensable. « La décision de fusionner était bonne et indispensable mais l’opération a entraîné des problèmes de gouvernance. » Lesquels cachaient « quelque chose de plus profond ». Notamment une différence de culture entre un Alcatel « largement décentralisé » et un Lucent « très centralisé » remise à plat par une nouvelle direction unie. « Nous partageons la même vision et nous nous appuyons sur un Conseil d’administration resserré passé de 14 à 10 membres. »

La direction réorganisée, l’équipementier est désormais équipé pour s’attaquer à de nouveaux marchés. Notamment celui des services. « Nous devons accompagner les opérateurs qui cherchent à profiter du tout numérique et du haut débit fixe et mobile pour développer des services à valeur ajoutée« , soutient Philippe Camus. Services qui se traduisent par des solutions de publicités géolocalisées sur mobile ou le trie des paquets IP sur les réseaux, notamment mutualisés, afin de permettre aux opérateurs de proposer des services premium. Ce dont nous informait d’ailleurs Philippe Keryer, patron de la division produits opérateurs en France.

Une chose est sûre, constate Philippe Camus, « aujourd’hui, dans les télécoms, on ne peut plus dissocier les réseaux fixes et mobiles« . Une démarche qui a permis à Alcatel-Lucent de décrocher le contrat LTE (réseaux mobiles 4G) de Verizon après lui avoir fournit l’infrastructure du réseau fixe de l’opérateur américain.

Financièrement, si Alcatel-Lucent est encore dans le rouge, le groupe ne compte pas céder de nouveaux actifs après la cession de sa participation dans Thales qui lui a rapporté plus de 1,5 milliard d’euros. « Ce deal a renforcé notre solidité financière. Et nous avons une ligne de crédit disponible de 1,4 milliard d’euros. Donc, dans l’immédiat, Alcatel-Lucent n’a pas besoin d’argent frais« , soutient le président du conseil. Lequel envisage cependant de procéder à de nouvelles émissions d’actions ou d’obligations « pour plus de souplesse financière » malgré une ligne de crédit disponible de 1,4 milliard d’euros.

D’autre part, après les 16.000 suppressions d’emplois opérés depuis la fusion, l’équipementier ne prévoit pas de « grands » programmes de réduction de postes. Les salariés peuvent dormir tranquilles même s’il « ne faut jamais dire jamais ». D’autant que « là où nous avons un problème, c’est plutôt au niveau des frais généraux, qui sont trop élevés. Il s’agit là d’une conséquence de la fusion. Trop de couches différentes de managers se superposent ». Philippe Camus évoque les départements R&D dans lequel 15 % du chiffre d’affaires est investi chaque année. Pour l’équipementier, il s’agirait donc réorganiser en permanence les moyens de R&D vers les nouveaux marchés en développement.

Lourde tâche mais qui permet aujourd’hui à Alcatel-Lucent de battre les chinois sur leur propre territoire. « Nous avons battu nos concurrents chinois Huawei et ZTE lors de ces appels d’offres en utilisant nos armes qui sont les mêmes que les leurs, à savoir des ingénieurs basés en Chine », affirme l’administrateur convaincu que l’expérience et les positions de son entreprise au cœur des réseaux constitue un avantage face à ses nouveaux concurrents asiatiques dont ils sont dépourvus. Mais pour combien de temps encore?