Drooms met Internet au service de la data room sécurisée

Cofondateur de Drooms, Alexandre Grellier raconte comment il a tiré parti du numérique pour développer sa data room virtuelle.

A sa création, en 2001 en Allemagne, Drooms s’inscrivait comme une société de services physiques de vérification préalable de documents (« due diligence »). Autrement dit, l’activité tournait autour d’un lieu sécurisé et surveillé pour consulter des documents confidentiels notamment utilisés dans le cadre des opérations de fusion/acquisition d’entreprises. « On perdait énormément de temps, ce n’était pas toujours disponible et pas très pratique, raconte Alexandre Grellier, président et co-fondateur de Drooms, juriste de formation et qui gérait cette activité en marge de sa carrière dans les banques d’investissement. Jusqu’au jour où l’on s’est dit qu’il y avait beaucoup de potentiel mais à condition de changer le concept. » Et c’est le numérique qui va le pousser à innover. « Tout ce qui est physique, comme les classeurs de documents à voir dans un environnement sécurisé, peut être mis sur Internet », se dit-il.

Alexandre Grellier, cofondateur et président de Drooms.
Alexandre Grellier, cofondateur et président de Drooms.

Aussitôt pensé, presque aussitôt fait. Après une petite recherche sur Google, Alexandre Grellier constate qu’il n’existe pas de plate-forme en ligne pour partager des documents en toute confidentialité en Europe à l’époque. « Puisque ça n’existe pas, on va le faire nous même. » Avec son associé Jan Hoffmeister, issu de Siemens et spécialisé dans les domaines de la finance et des fusions et acquisitions, les deux hommes quittent leurs emplois respectifs pour se lancer dans le développement de leur plate-forme. Sans connaissances techniques particulières. « C’est peut-être ce qui a fait notre succès, se souvient le dirigeant, en tant que juriste allemand bien structuré, je savais exactement ce que je voulais. » Une idée précise des besoins propres à la solution qui lui permet de recruter les bons profils techniques.

Les deux entrepreneurs montent leur plan d’affaire sur la base de cinq piliers : la vitesse, la sécurité, la simplicité, la scalability et le service. « Les cinq S », souligne Alexandre Grellier. Un business plan « qu’on n’a pas eu besoin de réajuster en 15 ans », assure-t-il. Une vision qui, dès le départ, passe par le développement d’une application propriétaire qui s’apparente à un navigateur fermé. « C’est le seul moyen d’assurer la sécurité sans dépendre des corrections des vulnérabilités par les éditeurs de navigateurs », selon notre interlocuteur. Qui, dès le départ, fait le choix du Cloud (qui ne s’appelait pas encore ainsi à l’époque) principalement pour des raisons financières, avec un modèle mutualisé (shared Cloud) hébergé chez Colt. « Mais aujourd’hui, nous avons nos propres infrastructures auxquelles seules quelques personnes ont accès, assure notre interlocuteur. Et de justifier que pour être parfaitement sécurisé, il faut tout contrôler. » Les données sont stockées et dupliquées dans deux sites de Francfort et un autre à Düsseldorf. « En cas de souci, elles sont rétablies en moins de trois heures. » Enfin, des tests de pénétration sont effectués tous les ans pour combler les trous de sécurité éventuels en plus des tests que les clients effectuent eux-mêmes, des banques principalement.

Un outil rapide

Facile à installer et relativement simple à utiliser, l’application se distingue aussi par sa capacité à passer la plupart des firewall. « Seuls deux ports sont utilisés et on ne touche pas au registre de l’OS. » Côté utilisation, Alexandre Grellier insiste sur l’efficacité de sa solution. « Notre outil est le plus rapide du marché, dès que les documents sont uploadés sur nos serveurs, ils sont convertis dans un format allégé qui permet leur affichage quasi instantané en consultation. » D’autres fonctions comme le déploiement de l’ensemble de l’index d’un document en un clic ou la recherche textuelle faciliteront le travail des personnes chargées d’en consulter le contenu. Par ailleurs, il est possible de mettre des annotations sur le document en ligne. « L’original est conservé sur nos serveurs (et chez le client), on peut donc travailler sur la copie. » La plate-forme comporte également des outils de gestion des droits qui permet d’accorder des accès de manière granulaire par personne, groupe de personnes ou document. Enfin, « tout est tracé, et consigné dans des rapports, explique le responsable, ce qui permet de suivre les consultations du document et de mieux préparer son argumentaire en fonction de ce qui a été consulté. » Une valeur ajoutée que les vendeurs qui l’utilisent apprécieront.

La sécurité passe également par le blocage de la touche de capture d’écran du clavier. En revanche, nous avons constaté que l’application ne pouvait pas interdire les captures issues d’utilitaires ou d’éditeurs d’images dotés de l’option (comme le montre notre illustration ci-dessous). Et encore moins d’une prise de vue d’un appareil photo. Mais qu’à cela ne tienne. Chaque document s’affiche avec un filigrane dynamique référençant l’entreprise utilisatrice et daté à la seconde près. « Et comme l’activité est tracée, il est toujours possible de remonter à la source en cas de fuite », assure Alexandre Grellier. Qui voulait pousser l’idée à un filigrane forensic (informatique légale) « mais les clients ne le demandent pas ».

DroomsCapture

Déployé dans neuf pays en Europe, Alexandre Grellier a implanté des bureaux en France fin 2014. « Un marché très intéressant », assure-t-il, notamment en regard des besoins du secteur immobilier. Il vient d’étoffer l’équipe française aujourd’hui composée de 4 personnes avec l’arrivée, le 1er mai dernier, de Bruno Bouvard à la tête de la filiale locale. Au total, Drooms compte une centaine de salariés dont 40 comme développeurs et une quinzaine au centre d’appel. « Ils sont tous trilingue au minimum », exige le dirigeant. L’entreprise compte 20 000 clients et plus de 150 000 utilisateurs.

Une nouvelle version en septembre

La concurrence s’est, depuis, développée autour de six ou sept acteurs spécialisés identifiés par l’entrepreneur. Les plus gros exerçant aux États-Unis. En revanche, Alexandre Grellier ne voit pas les services de partage en ligne comme des concurrents. « Seul Box essaie d’entrer dans le domaine mais les services en ligne ont tous un problème de performance, un critère impératif dans notre secteur. Essayez donc d’uploader plus de 40 fichiers depuis un navigateur. Bonne chance ! » Qui plus est, Drooms assure, encore, des services physiques. Particulièrement celui de la numérisation des documents. « Nos équipes se déplacent dans les locaux du client avec des scanners pour numériser les fichiers localement, avec un service d’OCR (reconnaissance optique des caractères afin de pouvoir les éditer, NDLR) et assurer l’envoi sur nos serveurs. »

Au fil du temps, le marché de Drooms s’est élargi au-delà des besoins d’études de documents dans le cadre de transaction d’entreprises. Notamment vers l’immobilier ou l’industrie pharmaceutique que la réglementation oblige désormais à conserver leurs documents à vie. De plus, la nouvelle législation sociale et économique qui va imposer la mise à disposition de la base de données salariale aux syndicats s’inscrit comme une manne à venir pour Drooms. « Notre outil est parfaitement adapté. Cela génère des revenus récurrents », se réjouit Alexandre Grellier, même si le client peut quitter la plate-forme à tout moment. Des revenus qui font progresser de 20% à 40% le chiffre d’affaires de l’entreprise annuellement. Avec des services qui, pour l’offre de base, démarrent à 89 euros par mois et peuvent aller jusqu’à 80 000 euros. Le dirigeant restera néanmoins discret sur ses résultats laissant juste entendre qu’il s’agit « d’un nombre à deux chiffres en millions ». De fait, les revenus liés au transactionnel ne représentent « plus que » 50% à 60% du chiffre d’affaires.

Et Alexandre Grellier entend bien élargir l’usage de sa solution. Notamment grâce à une nouvelle version en préparation de l’application. Attendue pour le 30 septembre prochain, le dirigeant refuse d’en présenter les innovations. « C’est confidentiel mais je peux vous dire que cela fera appel à la business intelligence », concède-t-il. En ajoutant que trois spécialistes du machine learning en liaison avec des universités ont été dédiées au développement. La nouvelle application devrait également s’accompagner de sa version mobile pour Android. Seule l’iPhone était jusqu’à présent servi. Pour des raisons de sécurité, encore et toujours.


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