Rapprochement Altice-Bouygues : que va récupérer Free ?

Le rachat de Bouygues Telecom par Altice/Numericable-SFR permettrait à Free de récupérer une licence 800 MHz. Mais à quel prix ?

Les intéressés ont donc confirmé, en début de matinée, l’offre de rachat de Bouygues Telecom par Altice via sa filiale Numericable-SFR en France, suite aux informations du JDD ce week-end. A l’exception d’Orange qui dit n’être entré dans aucune négociation tout en restant ouvert aux discussions. L’hebdomadaire du dimanche évoquait une reprise de « centaines de salariés » de Bouygues Telecom et un possible rachat de la base abonnés de Virgin Mobile, le MVNO également racheté par Altice en 2014. Il est vrai que, confronté aux départs aujourd’hui non remplacés en retraite de ses agents fonctionnaires, Orange pourrait trouver dans les salariés de Bouygues Telecom quelques forces vives pour renforcer son développement. Mais l’opérateur historique, joint par téléphone, « n’acceptera rien si l’opération n’apporte aucune valeur ni un bénéfice clair pour le groupe ».

Free a également confirmé discuter avec les équipes de Patrick Drahi, le dirigeant d’Altice. « Iliad annonce être entré en négociations exclusives avec Numericable-SFR pour l’achat d’un portefeuille d’actifs dans le cadre de l’offre remise par Altice en vue de l’acquisition de Bouygues Telecom par Numericable-SFR », a indiqué l’entreprise de Xavier Niel, par voie de communiqué. Sans pour autant préciser le périmètre des actifs en question. Toujours est-il que c’est bien au futur propriétaire qu’Iliad les rachèterait puisque « cette opération reste subordonnée à la négociation des accords définitifs et à l’acceptation par Bouygues de l’offre d’acquisition ». Donc, si SFR-Mericable met la main sur Bouygues Telecom, Free récupérera des miettes…

Une licence 800 MHz pour Free ?

Reste à savoir quel est le périmètre des actifs en question. Selon le JDD, Free pourrait reprendre des infrastructures de réseau (notamment des points hauts pour déployer les antennes), des boutiques mais aussi des fréquences. On pense évidemment aux 800 MHz, bande de fréquences où Free ne dispose d’aucune licence d’exploitation. Serait-il pertinent que SFR en conserve deux, soit 20 MHz de largeur de bande, afin de prendre l’avantage sur Orange et ses 10 MHz ? Il est vrai que SFR s’était montré comme l’un des acteurs les plus offensifs sur le déploiement du 800 MHz… avant sa reprise par Altice.

Autre question : quel prix Iliad sera-t-il prêt à mettre pour empocher ces actifs ? Entre une infrastructure de réseau qui permettrait à Free d’accélérer sa couverture mobile, un réseau de distribution qui lui offrirait une plus grande visibilité commerciale, et l’accès aux fréquences basses 800 MHz, qui lui éviterait probablement d’avoir à surenchérir sur les futures licences 700 MHz (dont l’ouverture à candidature est programmée fin juillet), le montant de l’ensemble se chiffre probablement en milliards d’euros. Rappelons que, lors de la bataille rangée entre Bouygues Telecom et Numericable pour acquérir SFR, le quatrième opérateur mobile (historiquement parlant) avait proposé 1,8 milliard à Bouygues pour acquérir certains actifs de son réseau. N’oublions pas qu’Iliad paie une rente annuelle de plusieurs centaines de millions d’euros à Orange pour exploiter son réseau 3G dans le cadre d’un accord d’itinérance qui court jusqu’en 2018 ; un accord qui n’est par ailleurs pas appelé à être renouvelé. Quitter le réseau de son hôte permettrait à Free de grossir sa marge.

Enfin, Bouygues Telecom avait signé un chèque de près de 700 millions d’euros en 2011 pour acquérir 10 MHz de bande 800 MHz. On peut donc spéculer sur un total de plus de 2 milliards d’euros si l’ensemble des actifs évoqués ci-dessus est bien sur la table. Une hypothèse qu’aucun des acteurs concernés n’a souhaité commenter.

Risque d’image pour Martin Bouygues

Avant de répondre à ces questions, il restera à vérifier que Bouygues accepte l’offre de son concurrent. Rien n’est assuré. Le géant du BTP précise d’ailleurs, dans son communiqué : « aucune négociation n’est en cours ». Et de préciser que « le conseil d’administration de Bouygues se réunira mardi 23 juin 2015 pour examiner la lettre d’Altice » pour cette « offre non sollicitée ». Un examen qui, face aux enjeux annoncés, pourrait se prolonger tard dans la soirée de demain.

Accepter l’offre d’Altice permettrait certes à Bouygues de revendre à bon prix une entreprise qui, sous le poids de la concurrence, a affiché des résultats négatifs ces derniers trimestres et peine à bousculer le marché. Mais ce serait entacher l’image d’entrepreneur de Martin Bouygues qui, depuis un an, répète à l’envie sa volonté de repartir seul à la conquête du marché des télécoms en France avec de nouvelles offres offensives dans le fixe et une restructuration, qui s’est finalement limitée à un millier de départs volontaires. Le dirigeant du groupe mondial de BTP prendra-t-il ce risque ?


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