Amende contre Intel : l’avocat général de la CJUE sème le doute

Huawei et ZTE dans le collimateur de l'Union européenne

Suite à l’appel d’Intel contre la confirmation de son amende de 1,06 milliard de dollars, l’avocat général de la CJUE émet des réserves sur l’analyse du Tribunal européen.

L’affaire date un peu, mais elle prend un tournant nouveau. Pour rappel, Intel a fait l’objet d’une condamnation pour pratiques anticoncurrentielles en 2009 par la Commission européenne. L’exécutif bruxellois avait alors sanctionné Intel d’une amende de 1,06 milliard de dollars, soit l’équivalent de 4,15 % de son chiffre d’affaires. Le fondeur de Santa Clara avait contesté cette amende auprès du Tribunal de l’Union européenne, mais celui-ci a confirmé la sanction pécuniaire dans un jugement de juin 2014.

Dans la foulée, Intel a formé un pourvoi contre cet arrêt auprès de la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE). Et dans le cadre de cette procédure, l’avocat général, Nils Wahl vient de rendre un avis qui pourrait remettre en cause l’amende. En effet, le juriste n’est pas tendre avec le travail réalisé par la Commission et plus encore par celui du tribunal. Sur les 5 griefs émis par Intel dans son pourvoi, il en valide 4 en soulignant la faiblesse de l’analyse.

Une charge contre les erreurs du Tribunal

Il explique ainsi que « le Tribunal a commis une erreur de droit en estimant que les « rabais d’exclusivité» constituent une catégorie de rabais autonome et unique qui ne nécessite pas d’apprécier l’ensemble des circonstances afin d’établir l’existence d’un abus de position dominante ». Pour mémoire, Intel a été accusé d’abus de position dominante sur le marché des processeurs x86 entre 2002 et 2007 en proposant des rabais aux fabricants de PC acquérant ses processeurs. Une pratique qui avait pour effet d’évincer la concurrence notamment AMD.

De même, le fait que le Tribunal n’a pas apprécié la situation entre 2006 et 2007 où le verrouillage de la part de marché était inférieur, signifie qu’il « a méconnu le critère de «la couverture de marché suffisante» et a omis de vérifier si le comportement d’Intel était susceptible de restreindre la concurrence en 2006 et 2007 ». Le Tribunal se fait aussi taper sur les doigts concernant la définition des rabais d’exclusivité. « Ils dépendent du fait que le client acquiert la « totalité ou une partie importante » de ses besoins auprès de l’entreprise dominante, ce qui n’est pas le cas en l’espèce. En effet, HP et Lenovo étaient encore en mesure d’obtenir des quantités significatives de processeurs x86 auprès d’AMD », explique Nils Whals. Enfin dernier tacle sur une erreur de procédure de la Commission européenne qui n’a pas organisé et enregistré les entretiens lors de son enquête. Le Tribunal avait alors accepté une note interne.

Annulation, nouveau procès ou amende reconfirmée ?

Pour l’ensemble de ces griefs, l’avocat général réclame l’annulation de l’arrêt du Tribunal et demande à ce que l’affaire soit renvoyée au Tribunal qui aura à cœur d’« examiner l’ensemble des circonstances de l’affaire ». Les spécialistes du droit européen de la concurrence vont maintenant attendre avec impatience la décision finale de la CJUE. Cette dernière suit en général les avis de l’avocat général, mais il arrive aussi que les juges décident de suivre leur propre voie. Dans le premier cas, Intel verrait s’ouvrir un nouveau procès avec des arguments à faire valoir pour réduire l’amende. Dans le second cas, la CJUE valide définitivement la sanction de 1,06 milliard de dollars.

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