André Méchaly (Alcatel-Lucent) : « La 4G a besoin des ‘small cell’ »

André Méchaly, vice-président marketing et stratégie chez Alcatel-Lucent France

Selon André Méchaly d’Alcatel-Lucent, les ‘petites antennes relais’ constituent le seul moyen d’absorber efficacement l’explosion du trafic mobile.

Femto cell, metro cell… raccordées aux réseaux fixes les “small cell” permettent de palier les imperfections du réseau mobile. Avec des usages différents selon qu’ils s’adressent aux particuliers, aux entreprises ou aux opérateurs. Le point avec André Mechaly, vice-président marketing et stratégie chez Alcatel-Lucent France.

Quels marchés recouvrent les femtocell aujourd’hui ?

Il existe trois familles d’équipement de “small cell” pour trois segments de marché : les femto pour le résidentiel telles que proposées en France [par tous les opérateurs mobiles sauf Free pour le moment, NDLR] et dans beaucoup d’autres pays ; le segment des entreprises, également disponible en France ; et la metro cell qui a vocation à couvrir des lieux publics à fort trafic ou forte affluence. Ces trois solutions font appel aux mêmes types de technologies, mais avec plus ou moins de puissance selon les usages.

À 20 mW, la femto résidentielle offre une couverture de 50 à 100 mètres de rayon comparable au Wifi. À 250 mW, la femto indoor pour entreprise accueille jusqu’à 32 utilisateurs simultanément. À 1 W, la metro couvrira jusqu’à 500 mètres de rayon, mais beaucoup moins selon la présence des obstacles (bâtiments).

Quels usages regroupent les small cell ?

Leur vocation première est d’amener du signal là où il y a une mauvaise couverture du réseau mobile. C’est la stratégie initiale des femto résidentielles afin d’apporter un service voix de qualité (les fameuses 5 barres de couverture). Mais leur usage répond aussi aujourd’hui aux besoins de transport des données et aux problèmes de capacité dans les endroits à forte affluence (aéroports, stades, quartier d’affaires…).

Les metro commencent à être massivement déployées dans certains pays, notamment ceux qui ont déjà lancé la 4G depuis plusieurs années. AT&T aux USA a par exemple annoncé son intention de déployer 40.000 metro cell à l’horizon 2015.

Les déploiements de metro cell se justifient-t-ils face à l’arrivée de la 4G ?

Les metro se justifient plus que jamais pour accompagner le déploiement de la 4G. D’abord par ce que les réseaux 4G sont en cours de construction et donc pas encore suffisamment étendus pour répondre aux besoins de trafic partout.

Ensuite, si la 4G amène de l’oxygène avec un meilleur multiplexage et une plus grande efficacité spectrale et l’utilisation de nouvelles bandes de spectre, la demande des utilisateurs est exponentielle. Il y a de plus en plus de smartphones, la taille des écrans (et avec elle, la densité de pixels) s’agrandit, la consommation de vidéo s’intensifie, l’arrivée des tablettes tout le temps connectables et l’échange de données dans le cloud font que les utilisateurs sont de plus en plus nomades et dépendent de leur connexion Internet.

Ce qui se reflète par une explosion de trafic avec un niveau de croissance qui nous oblige à repenser l’architecture réseau en réutilisant mieux le spectre hertzien et en densifiant le nombre d’équipements. Il s’agit donc de complémenter les équipements sur les toits par des petits équipements chez le particulier, dans l’entreprise, et les lieux publics.

Les particuliers peuvent-ils s’équiper de femto 4G ?

La Femto 4G n’est pas aujourd’hui la priorité car le réseau DSL auquel elle est connectée ne fournit pas assez de bande passante pour transporter le signal. Les femto 3G servent les besoins en voix et non la capacité, laquelle est plutôt couverte par l’usage du Wifi en résidentiel.

Un opérateur peut-il espérer étoffer son réseau mobile national avec ses offres femto ?

Une couverture outdoor avec des solutions indoor n’est pas très efficace. On ne peut pas couvrir Paris avec des femto, c’est un peu le même problème avec le Wifi communautaire.

Ensuite, l’opérateur dispose de deux stratégies de déploiement : des équipements fermés où l’utilisateur contrôle les connexions de sa femto d’appartement ; des équipements ouverts comme pour le Wifi aujourd’hui. Mais ça ne suffit pas à construire un réseau 3G ou 4G en tant que tel.

Si les metro cell viennent en support du réseau cellulaire des opérateurs, quels services apportent les femto pour les entreprises et les particuliers au-delà de la voix ?

En entreprises, on est clairement sur de la voix avec également pour certaines d’entre elles, la convergence fixe-mobile qui se substitue pour tout faire en cellulaire avec des fonctions de PBX virtuel et transformer un smartphone en téléphone d’entreprise. À la maison, les femto peuvent éventuellement pallier les problèmes de qualité du Wifi, voire donner du contenu qui n’est accessible qu’en cellulaire et pas en Wifi comme la TV mobile par exemple.

Mais il y a aussi une stratégie propre au modèle économique : la femto est un moyen de rétention de l’abonné pour l’opérateur qui apporte d’excellentes conditions d’appels mobiles à l’ensemble de la famille. On a d’ailleurs observé dans certains pays que les abonnements augmentaient à travers les membres de la famille non clients de l’opérateur mobile et qui rejoignent ce dernier pour bénéficier de la qualité de service voix mobile.

Chez Alcatel-Lucent, on travaille aussi sur de nouveaux services en partenariat avec certains clients à travers la localisation. Par exemple, recevoir un SMS uniquement quand on rentre à la maison par détection de présence locale. Imaginez ce que la détection de proximité représente pour les centres commerciaux qui pourraient alors accentuer leurs politiques de couponing, etc. L’idée est d’amener des nœuds de localisation avec un potentiel de navigation indoor.

Quel est l’état du marché de la small cell ?

Il y avait à la fin de l’année dernière autant de small cell déployées que de macro (les antennes des stations de base, NDLR). Nous ne sommes donc pas sur des petits volumes. Mais la question est de savoir quel est le modèle économique derrière.

Si l’équipement est fourni gratuitement, il nécessite des investissements de la part de l’opérateur, mais se traduit au final par un client plus satisfait. Si l’équipement est vendu, il faut que l’abonné y trouve son compte. Chaque opérateur affine sa stratégie qui est également différente pour le marché entreprise.

Les small cell représentent-elles un marché important pour Alcatel-Lucent ?

À fin 2012, Alcatel-Lucent a le plus grand nombre de contrats small cell dans le monde (sujet sensible, l’équipementier n’a cependant pas souhaité communiquer sur le volume de ses contrats en cours, NDLR).

À mon sens les small cell sont la seule solution à terme pour absorber l’explosion des trafics. La récente acquisition d’Ubiquisys, un spécialiste des technologies small cell, par Cisco montre aussi qu’il y a un marché intéressant.


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