Anti-terrorisme: les cybercafés seront surveillés

Ils devront conserver les données de connexion (à l’exclusion des contenus), à l’instar des fournisseurs d’accès, pendant une durée d’un an

Surfer sur Internet dans les cybercafés possède un gros avantage: celui de l’anonymat. Mais cet avantage constitue une menace pour le gouvernement qui depuis quelques mois se la joue Big Brother. Le programme de lutte contre le terrorisme concocté par Nicolas Sarkozy, ministre de l’Intérieur et adopté ce mercredi en Conseil des ministres n’a rien à envier à George Orwell.

« Les terroristes se servent d’Internet d’une façon extraordinaire », a-t-il déclaré. « On va s’occuper notamment des cybercafés parce qu’on s’aperçoit qu’un certain nombre de terroristes passent par les cybercafés parce que l’anonymat y est garanti ». « Nous voulons obliger les cybercafés à conserver un certain nombre de données informatiques pour nous (permettre de) pouvoir aller les saisir et de savoir ce qu’il s’y passe », a-t-il expliqué. Et en effet, le projet de loi prévoit que les cybercafés devront conserver les données de connexion (à l’exclusion des contenus), à l’instar des fournisseurs d’accès, pendant une durée d’un an. Il permet également à des enquêteurs habilités d’obtenir ces données. Jusqu’à aujourd’hui, les exploitants de ces lieux n’étaient tenus à aucune obligation. Quelles données précisément ? On ne sait pas. Qui collectera ces données ? Aucune idée. Qui contrôlera le processus ? Un organisme indépendant, répond-on. Bref, tout cela reste vaguement inquiétant. D’autant plus que la mesure a ses limites. Il faudra fournir à tous les cybercafés des outils pour collecter ces données. Par ailleurs, pour Sébastien Charpiot, responsable et animateur du cybercafé Ultima à Strasbourg, interrogé par l’AFP, il sera très difficile de tracer les échanges entre des présumés terroristes. « Contrairement au téléchargement de films et de musique où on traque Monsieur Tout-le-monde, lutter contre les terroristes sera une tâche bien plus difficile car sur internet, tout est modifiable, tout est falsifiable, sans laisser de trace. Il n’y a aucune méthode de traçage qui tienne la route. Les terroristes qui utilisent internet comme moyen de communication et d’échange de données savent s’adapter. Si on met les emails sur écoute, ils migreront vers le « chat » (messagerie instantanée). Si ensuite on met les « chats » sur écoute, ils communiqueront par serveur FTP (logiciel de transfert de données) avant de le faire avec leurs propres logiciels, comme le font les hackers. Les gros pontes, les plus intelligents, sauront toujours où se cacher et comment passer entre les mailles du filet ». Même tonalité de la part de Frédéric Brachet, animateur du cybercafé « Da Vinci » dans le centre de Paris, également cité par l’AFP. « Quelqu’un d’un petit peu fûté en informatique fera gaffe de ne pas laisser ses empreintes partout. C’est très facile de rester anonyme sur internet. Nous, on peut toujours stocker, mais ça ne servira pas à grand-chose « . Cependant, même si seules les adresses de sites visités -et non le contenu des correspondance ou des échanges- devront être archivées, cela va constituer un outil précieux pour les enquêtes, estiment les enquêteurs. La Cnil sceptique

Le président de la commission nationale informatique et libertés (CNIL), Alex Türk a jugé que le projet de loi antiterroriste n’était

« pas assez précis pour garantir les libertés individuelles ». « Le texte affaiblit les libertés individuelles au profit d’une meilleur sécurité des citoyens », a estimé Alex Türk tout en précisant qu’il ne remettait pas en cause « la légitimité » du projet de loi. « A menaces exceptionnelles, mesures exceptionnelles mais aussi garanties exceptionnelles » a réclamé le vice-président de la CNIL, François Giquel. La CNIL demande que toutes les mesures soient « limitées dans le temps pour une durée de trois ans », alors que le projet de loi de Nicolas Sarkozy fixe cette période d’expérimentation à trois ou cinq ans et sur certains points uniquement.