Apple refuse l’augmentation de la musique en ligne

Réclamée par les Majors, une hausse serait fatale au modèle des plate-formes payantes, avertit Steve Jobs

Depuis plusieurs semaines, les relations entre Apple et les Majors du disque se tendent. Et risquent de casser. Les industriels de la musique pèsent de tout leur poids pour une augmentation des prix de la musique en ligne. Et la cible numéro un de ces pressions est bien évidemment iTunes d’Apple, la plate-forme star de musique en ligne aux 500 millions de téléchargements. Sony BMG et Warner Music (75% de la musique dans le monde) ne veulent pas entendre parler d’un tarif unique pour les morceaux (0,99 euro). Ces maisons de disque aimeraient qu’Apple mette en place une grille tarifaire dépendante de critères. Une nouveauté ou un morceau accompagné de bonus pourrait ainsi être vendu plus cher. Mais la firme à la pomme ne veut rien savoir: elle estime qu’une augmentation brutale des tarifs aura un effet néfaste sur les ventes de la plate-forme qui avec l’iPod (le baladeur numérique) sont des sources de revenus majeures pour l’entreprise. Une position répétée avec force par Steve Jobs lors de l’Apple Expo à Paris.

« S’ils veulent augmenter les prix, cela signifie qu’ils sont devenus gourmands ». Et de prévenir: « Si les prix grimpent, les clients vont se tourner de nouveau vers les sites pirates et tout le monde y perdra ». Les Majors sont gourmandes. Le modèle économique de la musique en ligne légale repose bel et bien sur des tarifs bas. Si les prix venaient à flamber, les internautes se tourneraient vers le peer-to-peer gratuit, un cauchemar pour les Majors alors que le trafic de ces sites décolle enfin. Surtout que le P2P continue à attirer des millions d’utilisateurs. D’un autre côté, les autres distributeurs, moins populaires qu’iTunes, sont eux aussi partisans d’une hausse. En mars dernier, Virgin Mega se plaignait de la non rentabilité de son site de musique en ligne. Pour Jean-Noël Reinhardt, le président du directoire de Virgin Megastore, le modèle économique « n’est pas viable ». « Nous payons 0,16 euro de TVA, 0,70 euro aux producteurs, 0,07 euro à la Sacem et 0,05 euro de frais de transaction. » Pour un prix de 99 centimes d’euro par titre vendu, il ne reste qu’un centime d’euro de marge brute au détaillant, soit un peu plus de 1 %. Paradoxalement, dans le monde physique Virgin touche une marge de 30%. De son côté, la Fnac admet aussi, à mots couverts, que le modèle n’est pas rentable, mais comme les autres préfèrent pour l’instant insister sur ce marché émergent, estimant qu’il est important de se placer en bonne position dans ce secteur. Télécharger à partir d’un mobile: bof !

La déception a été grande lors de la présentation du RockR, le mobile de Motorola compatible avec le service iTunes d’Apple. Le combiné permet seulement de transférer des fichiers achetés sur son ordinateur vers le mobile. Impossible pour l’instant de télécharger directement des morceaux depuis ce combiné. Et cela ne devrait pas arriver de sitôt !

« Il n’est pas certain qu’acheter de la musique via le réseau GSM ait du sens économiquement parlant », a déclaré Steve Jobs, ajoutant qu’il était sceptique en raison des coûts, sans toutefois fermer la porte à cette solution. Selon le directeur général d’Apple, il est moins cher pour les consommateurs de télécharger la musique depuis leur ordinateur que via leur téléphone portable. Certes. Pourtant, les opérateurs misent beaucoup sur le téléchargement en ligne de musique. Il n’y a qu’à observer les initiatives et les accords des grands opérateurs de mobiles avec les Majors (voir nos articles).