Arm – NVIDIA : les zones grises du rapprochement
Emploi, neutralité, souveraineté… Des voix s’élèvent pour dénoncer les potentiels effets indésirables de l’acquisition d’Arm par NVIDIA.
Arm risque-t-il d’accorder un traitement préférentiel à NVIDIA ? La question se pose dans la perspective du rapprochement entre les deux sociétés.
Hermann Hauser fait partie de ceux qui manifestent leur inquiétude à ce sujet. Le cofondateur d’Arm a adressé, ce 14 septembre, une lettre ouverte à Boris Johnson. Il invite le Premier ministre britannique à obtenir des engagements légaux de la part de NVIDIA :
- Des garanties de maintien de poste pour les employés d’Arm au Royaume-Uni
- L’assurance de ne pas s’octroyer ledit « traitement préférentiel »
- Une non-soumission aux restrictions commerciales qu’a imposées l’OFAC américain
Ces restrictions s’appliquent notamment aux échanges avec la Chine. Elles risquent, selon Hermann Hauser, de toucher « des centaines » de clients britanniques d’Arm.
« Ce ne sera plus Downing Street, mais la Maison Blanche qui décrétera à qui Arm a le droit de vendre », déplore l’intéressé.
Un autre cofondateur d’Arm lui fait écho : Tudor Brown. L’entreprise ne sera qu’une division de NVIDIA et son activité sera pilotée depuis les États-Unis, affirmait-il dernièrement à la BBC.
Arm : stop ou encore ?
Sur le front de l’emploi, SoftBank, cessionnaire d’Arm, avait pris des engagements jusqu’en 2021 pour le siège basé à Cambridge. Le Parti travailliste n’a pas manqué d’alerter à ce sujet. Notamment sous l’impulsion d’Edward Miliband, secrétaire d’État aux Entreprises, à l’Énergie et à la Stratégie industrielle du cabinet fantôme.
If the government truly believes in an industrial strategy, they cannot ignore the threatened takeover of British tech success story ARM. Ministers must show leadership & seek binding assurances to keep the company HQ in the UK, protecting British jobs. https://t.co/W6qvgIDzxd
— Ed Miliband (@Ed_Miliband) September 11, 2020
Du côté de NVIDIA, on promet non seulement de ne pas délocaliser le siège, mais aussi d’y investir « significativement ». En l’occurrence, à travers le développement d’un centre d’IA doté d’un supercalculateur. On ne prend, en revanche, pas d’engagement chiffré sur les emplois : les discussions avec Londres « n’ont pas encore démarré ».
Autre point de vigilance : la neutralité commerciale.
NVIDIA affirme qu’il conservera le modèle ouvert d’Arm, qu’Hermann Hauser qualifie de « Suisse des semi-conducteurs ».
Les analystes ne sont pas tous confiants quant à la capacité à maintenir le cap sur le long terme. Au-delà de ses pratiques commerciales, NVIDIA pourrait tout du moins être tenté d’orienter la R&D d’Arm en sa faveur. Et ses clients, d’engager des poursuites pour conflit d’intérêts. Dans ce contexte, la transition vers l’architecture de jeu d’instructions libre RISC-V pourrait s’accélérer.
Very difficult to see how Nvidia can balance its own requirements with that of the Arm ecosystem. This will face big opposition not least from Arm licensees. https://t.co/G0vBY1duA2
— Geoff Blaber (@geoffblaber) September 13, 2020
Mobile : NVIDIA de retour ?
Le gros des ambitions que porte cette acquisition tient en deux mots : datacenter et edge. Avec les GPU NVIDIA, les CPU Arm et les technologies réseau de Mellanox, le tout autour de la plate-forme de calcul parallèle CUDA.
“#Nvidia’s acquisition puts a spotlight on #Arm technology and its potential to change #datacenter architecture that we think is worthy of attention.” Phil Straw, @SoftIronCEO shares his view on the Nvidia/Arm deal. https://t.co/MtPxoHK5KM via @hpcwire #SoftIron
— SoftIron (@SoftIron) September 15, 2020
On surveillera également la stratégie dans l’univers des terminaux mobiles. NVIDIA entend ouvrir une partie de sa propriété intellectuelle par le biais du réseau de partenaires d’Arm. Ce qui pourrait déboucher sur des SoC concurrents des Adreno (Qualcomm) et des Mali (qu’utilisent notamment Samsung et MediaTek).
Pour l’analyste Jack Gold, le mariage ne sera pas si évident. Il en veut particulièrement pour preuve l’échec de Qualcomm à s’imposer dans le datacenter avec sa plate-forme Centriq.
My POV: Nvidia/Arm will not make an easy marriage https://t.co/W9s5Xdyhb4 via @VentureBeat @jckgld @nvidia @Arm #chips #DataCenter #GPU #AI #mobile @Qualcomm @intel @SamsungMobile @HuaweiMobile #Cloud
— Jack Gold (@jckgld) September 14, 2020
NVIDIA se donne 18 mois pour finaliser la transaction. Il intègre, dans ce délai, les probables interventions des autorités de Chine, de l’Union européenne, du Royaume-Uni et des États-Unis.
Photo d’illustration © Arm Holdings