Atos : le petit frenchy lancé dans la course à l’ordinateur quantique

Les millions de Google, IBM, Microsoft et Intel. Et la petite musique du Français Atos qui, s’appuyant sur les expertises de Bull, veut se positionner sur le développement d’algorithmes pour l’informatique quantique.

Seul industriel français engagé avec ses supercalculateurs Sequana dans la course à l’exaflops– soit 1 000 pétaflops, ou un milliard de milliards d’opérations par seconde -, Atos se lance dans l’aventure de l’informatique quantique, via un programme appelé Atos Quantum. Ce dernier vise tant à développer et commercialiser des « solutions pour le calcul quantique » qu’à mettre au point des solutions de sécurité résistant à ces systèmes.

Le programme est parrainé par plusieurs scientifiques de premier plan (réunis sur la photo ci-dessus), comme Alain Aspect (Professeur à l’Ecole Polytechnique), David DiVincenzo (directeur de l’institut d’informatique quantique de Rhénanie-Westphalie à Aix-la- Chapelle), Artur Ekert (professeur de physique quantique à Oxford et directeur du centre de technologies quantiques de l’Université nationale de Singapour), Daniel Estève (directeur de recherche au CEA Saclay, il pilote les travaux du Commissariat sur l’informatique quantique), Serge Haroche (prix Nobel de physique 2012 pour ses travaux sur la mesure et la manipulation des systèmes quantiques) ou encore Cédric Villani (mathématicien, lauréat de la médaille Fields 2010).

Retard à l’allumage ?

Concrètement, Atos Quantum se décompose en quatre axes : la conception d’une plate-forme de simulation quantique (afin de tester dès aujourd’hui, sur des supercalculateurs maison, les futurs algorithmes destinés aux ordinateurs quantiques) ; la création d’un pôle de développement d’applications quantiques en particulier pour l’IA, le Big Data, le calcul intensif et la sécurité ; le développement d’architectures de calcul innovantes et enfin la mise au point d’algorithmes de chiffrement résistants à des attaques quantiques. Selon un récent rapport de l’Institut de l’informatique quantique au sein de l’université de Waterloo, il y a une chance sur sept pour que certaines technologies de chiffrement à clefs publiques aujourd’hui largement déployées soient cassées dès 2026, en raison de l’apparition des machines quantiques.

S’il s’appuie sur les expertises de Bull en matière de cybersécurité et de HPC, Atos n’envisage pas de développer en propre la partie matérielle d’un ordinateur quantique. La SSII ambitionnant avant tout de se positionner sur le développement d’algorithmes dédiés. Pour ce faire, Atos a créé en région parisienne « un laboratoire de R&D dédié au quantique », doté d’une équipe dédiée, et entend mettre en place « plusieurs partenariats avec des centres de recherche et universités dans le monde » pour accélérer ses avancées sur le sujet. Le groupe ne précise pas le budget alloué au programme.

La suprématie quantique dès 2017

De facto, Atos s’engage assez tard dans la course au calcul quantique. Un domaine où, en dehors de la start-up canadienne D-Wave dont les premiers ordinateurs quantiques restent controversés, IBM et Google semblent faire la course en tête. Une équipe de recherche financée par Google assure ainsi qu’elle sera en mesure de montrer, dès 2017, qu’un ordinateur quantique peut surpasser les supercalculateurs actuels pour un type de calcul en particulier. Une gageure car faire travailler de concert des qubits – les composants élémentaires de l’ordinateur quantique – et en maîtriser l’instabilité ont longtemps fait figure d’obstacles quasi-infranchissables pour les chercheurs. De son côté, IBM donne déjà accès, via le Web, à son système quantique expérimental, renfermant 5 qubits. Cette plate-forme, nommée IBM Quantum Experience, est réservée avant tout aux chercheurs qui souhaitent tester cette informatique nouvelle génération. Signalons que Microsoft et Intel disposent aussi d’équipes de recherche qui se consacrent au sujet.

Si les industriels s’intéressent tant à l’informatique quantique, c’est que l’avantage concurrentiel que possédera la société qui commercialisera le premier ordinateur de ce type risque de s’avérer décisif. La machine aura de bonnes chances de ringardiser, pour de nombreux usages (Big Data, sécurité, bio-sciences, intelligence artificielle) les supercalculateurs actuels. Pour Google, cette nouvelle informatique est même la clef de l’intelligence artificielle, un domaine où nos ordinateurs à base de silicium peinent aujourd’hui à approcher les capacités du cerveau humain en termes d’apprentissage.  Cité récemment par la MIT Technology Review, Harmut Neven, qui dirige le laboratoire d’intelligence artificielle quantique de Google, expliquait : « Le Machine Learning va se transformer en apprentissage quantique. On parle beaucoup de créer des machines plus créatives, mais les systèmes les plus créatifs que nous pourrons créer seront des intelligences artificielles quantiques ».

Le défi de Richard Feynman

L’histoire de l’informatique quantique a démarré il y a 35 ans, par ce qui ressemble presque à une boutade. En 1981, lors d’une conférence au MIT (le Massachusetts Institute of Technology de Boston), Richard Feynman, le prix Nobel de physique 1965, pointe les limites de l’informatique d’alors pour simuler la physique quantique, qui régit le comportement des éléments à l’échelle atomique et subatomique. Et de lancer à l’audience cette proposition : si nous ne pouvons pas simuler la physique quantique sur un ordinateur classique, peut-être pourrions-nous construire un ordinateur quantique capable de dépasser les capacités de l’informatique traditionnelle ? Appuyée par l’aura de Feynman, l’idée d’encoder de l’information dans les états quantiques de la matière était née. Elle est aujourd’hui en passe de trouver ses premières concrétisations.

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