Avis d’expert : quand la mobilité intelligente devient réalité

Rahul Gupta - Spirent Communications

D’ici quelques années, un nombre croissant d’innovations fera de la “Mobilité Intelligente” une réalité, ouvrant alors la voie à des voitures réellement connectées. Rahul Gupta de Spirent Communications présente quatre changements majeurs attendus dans ce secteur.

Jusqu’à très récemment, la relation unissant les véhicules et les signaux GPS (Global Positioning Satellite) était relativement simple. Les systèmes de navigation embarqués utilisant des satellites GPS du gouvernement américain étaient intelligents, utiles et comparativement fiables.

Mais, même dans ce cas, les positions ne pouvaient être calculées qu’avec une exactitude de plus ou moins 10 mètres, et ce niveau de précision ne pouvait pas être maintenu dans un environnement urbain encaissé, où le phénomène de « multipath » (ou « multi trajets ») causé par les signaux rebondissant sur les bâtiments peut entrainer une erreur de positionnement de plusieurs dizaines de mètres.

Cependant, cet état de fait est amené à évoluer très rapidement. De nouvelles constellations satellites (comme le système GLONASS russe, totalement opérationnel, le système chinois BeiDou-2 ou encore le système Galileo bientôt mis en place en Europe) promettent des niveaux de disponibilité des satellites sans précédent et entièrement destinés à la localisation satellite embarquée.

Plusieurs avancées simultanées dans les technologies des capteurs et dans la connectivité embarquée au sein des véhicules signifient que les fabricants d’équipements d’origines (les « OEM ») et les fournisseurs de systèmes de navigation de Tiers 1 ont à leur disposition une foule de nouvelles capacités de positionnement avec lesquelles développer de nouveaux services basés sur la géo localisation.

Dans le même temps, les avancées législatives (comme l’initiative eCall de la Commission Européenne, l’ERA-GLONASS en Russie ou encore la possible introduction de systèmes télématiques obligatoires au Brésil) peuvent rapidement faire basculer les services de localisation embarqués du statut de technologie simplement « sympa et pratique à avoir » au statut de technologie qui « doit absolument faire partie des équipements ».

Cela entrainera la création d’opportunités pour les OEM évoluant rapidement, les créateurs d’infodivertissement embarqué (IVI) et les fournisseurs de systèmes télématiques.

En nous basant sur nos expériences passées, nous sommes certains que les quatre domaines suivants vont s’avérer cruciaux dans les quelques années à venir :

1. Du GPS au multi-GNSS

Tout système de positionnement qui ne s’appuie que sur le GPS est de plus en plus désavantagé. Le système Russe GLONASS a désormais une couverture mondiale totale, et avec le BeiDou-2 déjà disponible dans la région et le programme Européen Galileo qui se développe très rapidement, il y aura quatre fois plus de satellites de positionnement dans le ciel d’ici dix ans.

Les systèmes qui supportent ces nouvelles constellations en plus du GPS fourniront des améliorations immenses dans deux domaines en particulier :

  • La disponibilité du signal : davantage de satellites signifie une bien meilleure couverture de la surface du globe.
  • La fiabilité : avec un plus grand nombre de satellites fournissant des données de positionnement, les usagers de la route pourront avoir une plus grande confiance dans la position générée par leurs systèmes IVI ou leurs systèmes de navigation.

Les fabricants de récepteurs sortent d’ores et déjà des chipsets multi-GNSS pour l’industrie automobile, permettant aux développeurs d’offrir aux clients de bien meilleurs niveaux de précision, de disponibilité et de fiabilité.

D’ici cinq à dix ans, ces chipsets auront encore évolué pour offrir des solutions de positionnement à multi fréquences capables d’utiliser les différentes fréquences radios sur lesquelles les différents systèmes satellites émettent.

Aujourd’hui, les chipsets à multi fréquences sont déjà utilisés pour des applications comme l’agriculture de précision, afin de localiser les véhicules avec une précision inférieure à 10 centimètres, mais leur coût important les rend prohibitifs pour une utilisation plus générale.

Ce coût est cependant amené à diminuer ce qui placera alors les solutions de positionnement à multi fréquences de grande précision à portée des fabricants automobiles.

2. La connectivité des véhicules – un rythme d’innovation de plus en plus rapide

Une voiture n’est plus uniquement qu’une élégante pièce d’ingénierie mécanique conçue pour voyager d’un point A vers un point B. Le volume d’électronique embarquée, de données et de connectivité augmente à une vitesse fulgurante, faisant passer nos véhicules du statut d’entités indépendantes à celui de nœuds faisant partie intégrante d’un réseau.

Dans un avenir proche, ce réseau pourra inclure les smartphones et les tablettes du conducteur et des passagers, l’infrastructure routière elle-même, les services d’info divertissements, les services de sécurité comme l’eCall ou l’ERA-GLONASS, ainsi que des systèmes de diagnostics à distance.

La prédominance de l’électronique au sein des véhicules signifie que les OEM doivent désormais penser comme des vendeurs d’électronique de grande consommation et donc adopter un cycle d’innovations et de développement des produits beaucoup plus rapide.

Cette réalité met d’ores et déjà énormément de pression sur la durée totale des développements et sur les tests des nouveaux systèmes, à un moment où l’électronique embarquée devient de plus en plus critique en matière de sécurité, de performances et de confort.

3. Les avancées dans les techniques de positionnement

Alors que les nouvelles constellations satellites fourniront une couverture et une fiabilité grandement améliorées, les avancées réelles dans les capacités de positionnement viendront cependant de l’intégration des données de positionnement satellites à celles fournies par les capteurs embarqués et les autres systèmes de connectivité à radio fréquences.

Les dernières années ont été les témoins d’immenses avancées tant dans le nombre que dans la sophistication des capteurs intégrés, capables de mesurer tout, de la vitesse des roues à la température extérieure, des conditions météorologiques à la direction, en passant par l’orientation et l’évaluation de la proximité des obstacles par rapport au véhicule.

Lorsqu’elles sont combinées au dernier point de positionnement satellite connu, les données fournies par les capteurs peuvent par exemple continuer à générer une position et donc fournir une navigation fiable pendant un long moment, même lorsque le signal satellite n’est plus disponible.

En parallèle, l’avènement du WiFi et du Bluetooth à l’intérieur des véhicules peut aider à générer une position précise dans des zones où les signaux satellites sont faibles ou impossibles à capter (comme les tunnels ou les parkings souterrains). Le positionnement via les technologies sans fil ou le Bluetooth n’en est qu’à ses débuts, mais devrait rapidement prendre de l’essor dans les années à venir, alors que le WiFi et le Bluetooth deviennent des caractéristiques standards dans la plupart des véhicules.

capteurs voitures
Les données en provenance des capteurs embarqués, du WiFi, du Bluetooth et des satellites de navigations mondiaux peuvent être combinées pour générer une position à la fois continue et précise.

4. Ouvrir la voie vers une conduite autonome

Si la Google Car a fait les gros titres, l’idée d’un véhicule totalement autonome reste difficile à accepter pour beaucoup de gens. Mais, comme avec toutes les nouvelles technologies perçues comme étant en rupture totale, la réalité est autre : elle se mettra en place petit à petit, résultat d’avancées dans les technologies d’assistante à la conduite réalisées étape par étape.

Aujourd’hui, l’assistance à la conduite prend des formes très variées. Elle peut tirer profit des radars et des capteurs embarqués pour prévenir les conducteurs de la présence d’obstacles à proximité, d’une collision imminente ou d’une éventuelle sortie de route.

Les systèmes de navigation peuvent également prendre en compte des flux de données obtenus en temps réel (souvent via un smartphone connecté) depuis les services météorologiques et les services de gestion du trafic pour mettre en garde les conducteurs en cas de congestion ou de mauvaises conditions météorologiques plus loin sur leur trajet.

À l’avenir, les OEMs et les fournisseurs de systèmes de navigation utiliseront de plus en plus les technologies coopératives V2X (positionnement par capteurs et par satellites) pour pouvoir fournir des services d’assistance à la conduite toujours plus sophistiqués.

Qu’est-ce que tout cela signifie pour les ingénieurs ?

Notre époque est particulièrement excitante pour les ingénieurs en charge du développement des nouvelles générations de services basés sur la localisation : les opportunités d’innover et de prendre l’avantage sur les concurrents sont immenses.

Le principal défi consiste à être capable de tester les nouveaux concepts et les nouveaux prototypes de manière à la fois rapide, efficace et économique.

En effet, les systèmes de positionnement développés dans les années à venir devront être capables de recevoir et de traiter des données en provenance de plusieurs systèmes satellites, de fusionner les données reçues depuis les satellites et les capteurs, d’atténuer les interférences, et d’intégrer les données de positionnement en provenance des systèmes WiFi et Bluetooth afin de générer une position à la fois précise, continue et fiable.

De nouvelles techniques de tests seront nécessaires.

Le niveau de test requis pour ces nouveaux systèmes rend l’utilisation de la conduite réelle en tant que méthode de test primaire bien trop onéreuse.

Le développement des systèmes de nouvelle génération exigera la mise en place d’un bien plus grand nombre de tests en laboratoires utilisant des simulateurs et des flux de signaux satellites préenregistrés pour générer des cas de tests et des scénarios complexes.

Pour les ingénieurs automobiles électroniciens, cela signifie qu’ils devront maitriser de nouvelles techniques et de nouvelles technologies, mais aussi qu’ils auront la chance de se trouver au tout premier plan lors du développement de technologies menant l’industrie automobile vers une toute nouvelle ère.