Prime à l’UCaaS : ça passe ou ça casse !

Communication UnifiéeMobilité

Actualité oblige, et même si les lignes qui suivent nécessiteront des ajustements post-C19, on ne peut que constater à quel point la crise sanitaire que la planète traverse en ce moment impacte les usages des professionnels en matière de communication.

Le #newsjacking est outrageusement présent sur les réseaux sociaux, souvent tourné de manière positive, parfois de façon un peu plus opportuniste. Il porte avec efficacité la croissance du nombre d’utilisateurs des applications #UCaaS  (Unified Communications as a Service).
Avec la gratuité temporaire de certaines applications, les utilisateurs adoptent massivement les nouveaux outils de communication et de collaboration d’équipe.

Mais au-delà des offres tarifaires spécifiques à la période, c’est aussi le côté entièrement dématérialisé de ces offres qui leur donne un avantage décisif face aux offres historiques sur-site ou hybrides pour lesquelles les maillons physiques (livraison, installation, paramétrages et recette sur site) sont autant de points faibles au déploiement.

Le nouveau client UCaaS est juste à portée de clics.

Des offres plus facilement accessibles

Ainsi, Microsoft annonçait début mars la gratuité d’une partie des fonctionnalités normalement réservées aux membres payants de son application Teams, et ce dans le cadre d’un pack d’essai de 6 mois de son offre Office 365 Entreprise (“Office 365 E1 trial”).
Parmi ces fonctionnalités : réunions, collaboration et gestion de flux. A ce jour, on notera que certains services pros pourtant bien utiles tels que la programmation ou l’enregistrement des réunions Teams, ou encore les conférences audio et vidéo restent payants.

Sur son applicatif Rainbow Enterprise, Alcatel-Lucent offre jusqu’au 30 juin des licences gratuites pour 3 mois, pour permettre aux entreprises de tester sa plateforme de communication basée dans le cloud. Sans équipement ou logiciel particuliers additionnels, le service est opérationnel immédiatement et en quelques clics. Par ailleurs, les fonctionnalités associées à l’offre Enterprise ont été boostées et incluent désormais, entre autres, la messagerie instantanée illimitée, la collaboration d’équipe jusqu’à 300 participants, ou encore les appels voix et vidéo HD avec partage d’écran et d’application.

Du coté de l’éditeur Mitel, c’est le nouvel applicatif de vidéo-réunion MiTeam Meetings qui est mis en avant dans le cadre d’une offre d’essai sans frais de 6 mois pour tous les clients déjà utilisateurs de la dernière version de son offre MiCollab. L’offre est valable jusqu’au 30 juin 2020. Un tarif préférentiel est également prévu jusqu’en fin d’année pour les clients qui décideront d’acheter ces applicatifs.

Par sa part, Google propose à ses utilisateurs G suite un accès libre aux fonctionnalités avancées de la version Entreprise de son service de vidéoconférence Hangouts Meets : jusqu’à 250 participants par réunion, live streaming jusqu’à 100.000 auditeurs, enregistrement et sauvegarde des réunions sur Google Drive. A ce stade, l’offre est valide jusqu’au 1er juillet 2020.

Pour RingCentral, ce sont vidéoconférences, messagerie d’équipe, téléphones et même SMS et fax qui sont proposés aux entreprises travaillant dans les secteurs de l’éducation (y compris les étudiants), de la santé et des organisations caritatives.

Dans la même logique sélective, l’éditeur de vidéoconférence dans le cloud BlueJeans offre un accès gratuit à son service aux organismes de premiers secours et aux organisations non-gouvernementales intervenant dans la gestion de la crise. L’accès au service est donné pour une période initiale de 90 jours, extensible par l’éditeur si besoin.

De son côté, Zoom propose une licence Zoom Meetings gratuite, sans limite de durée (normalement limite de 40 minutes pour la version gratuite) permettant aux utilisateurs d’accéder aux fonctionnalités de conférence audio et vidéo, ainsi qu’à la collaboration de groupe. Réunions vidéo jusqu’à 100 participants illimitées, salons privés, messagerie de groupe et privée.

Cisco s’est lancé dans une démarche analogue dans 52 pays, en proposant un abonnement gratuit et un accès illimité à son applicatif de vidéoconférence Webex.

Mi-mars, Lifesize annonçait la mise à disposition gratuite et illimitée de sa solution de visioconférence. Dans le cadre de cette offre, toutes les entreprises se voient octroyer un accès illimité à la solution de visioconférence pour un nombre d’hôtes, de réunions et une durée d’appel illimités, le tout pendant 6 mois.

3CX fait de la surenchère en proposant sa solution gratuitement pendant 3 ans et pour un nombre illimité d’utilisateurs !

Pour l’éditeur 8×8, c’est le périmètre fonctionnel de son offre gratuite 8×8 Video Meetings qui a été élargi, avec notamment : nombre de réunions et durée illimités, numéros d’appels locaux pour 55 pays, plugin Google et Outlook, enregistrement et sauvegarde des réunions, transcription, détection de bruit ambiant

De nombreux autres acteurs, peut-être moins connus, participent à l’effort de solidarité : ainsi Livestorm, qui propose une utilisation gratuite et illimitée de ses solutions Livestorm Meet (vidéoconférence) et Livestorm Webinar (réunion en ligne) pendant la durée de l’épidémie ; Jamespot qui prolonge les essais gratuits de 30 à 60 jours ; Tixéo, qui propose un essai gratuit de 30 jours de sa solution de visioconférence ; ou encore Klaxon, qui fait bénéficier les entreprises de 3 mois d’essai et d’un programme d’accompagnement dédié au travail à distance en équipe.

Face à l’opportunité, une course aux nouvelles fonctions se met en place

Tous les projecteurs étant désormais braqués sur le télétravail et les solutions le rendant possible, les vendeurs ont compris que tout élément de différenciation était l’occasion de ne pas laisser partir à la concurrence les potentiels nouveaux clients.

Hasard de calendrier ou non, Slack présentait à la mi-mars une nouvelle version de son applicatif, plus simple et plus organisée. Les améliorations annoncées visent essentiellement à faciliter l’utilisation de Slack, son adaptation à la méthode de travail de chacun et l’accès à des outils essentiels.
Ces améliorations résultent des feedbacks fait par les utilisateurs ces dernières années et viennent mettre fin à une trop longue période d’absence de mise à jour. Nouvelle barre de navigation, recherche simplifiée des fonctionnalités, accès aux applications favorites par raccourcis… entre autres.
Dans les semaines à venir, les applications préférées pour Slack seront plus nombreuses à être accessibles via des raccourcis : Simple Poll (décisions collaboratives), Cisco WebEx Meetings (lancement de réunions), Freshdesk (ticket support client).

A quelques jours près, Microsoft annonçait de son coté de nouvelles fonctionnalités pour Teams, telles que la suppression de bruit ambiant, la fonction ‘lever la main’ pour les réunions de groupe, l’ouverture des discussions dans une fenêtre séparée, et même un mode off-line.
Ce dernier permet aux utilisateurs de consulter leurs chats ou d’y répondre même s’ils n’ont pas de connexion internet.
Plus récemment, Microsoft a introduit aux Etats-Unis « 365 Business Voice’ » une nouvelle offre à destination des petites et moyennes entreprises qui transforme Teams en un système téléphone complet.

Zoom aussi est en train de développer de nouvelles fonctionnalités demandées par le nombre croissant d’utilisateurs travaillant depuis leur domicile. Comme par exemple un filtre qui recadrerait le visage de l’utilisateur pour lui faire bénéficier d’un meilleur éclairage, afin de mieux maîtriser son apparence lors des vidéoconférences, le tout d’un seul clic.
Autre attente en provenance du secteur de l’éducation : pouvoir orienter selon le même angle les visages des étudiants participant à un cours en ligne, pour que l’enseignant se rende mieux compte de leurs réactions et de leur niveau d’attention.

Toujours dans la logique d’optimisation de la vidéo c’est la start-up Around, éditrice de l’application de chat vidéo éponyme, qui annonce avoir revisité l’ergonomie des applications de vidéo chat grâce au redimensionnement automatique et intelligent (il y un de l’IA dans tout ça) des têtes des participants sous forme de vignettes flottantes, lesquelles étant visuellement moins invasives et laissant plus de place aux contenus partagés.

Dans cette course à l’innovation contrainte par le C19, même les éditeurs tels que Twitter et Instagram dévoilent leurs nouveautés : celui-là en proposant une option qui permet d’ajouter des invités avant de commencer à faire un live vidéo et en réactivant au passage sa certification de compte pour les organisations référentes du moment en matière de santé et d’information ; celui-ci en annonçant une série de fonctionnalités visant à sécuriser la recherche d’information et diffuser les bonnes pratiques.

L’adoption des solutions UCaaS en chiffres :

Le 18 mars, Teams revendiquait 44 millions d’utilisateurs quotidiens de son application, contre 32 millions la semaine précédente, et 20 millions en novembre 2019.
La société annonce avoir désormais dans son portefeuille 20 grands comptes de plus de 100.000 utilisateurs chacun, soit 6 de plus que la semaine dernière : parmi eux on trouve SAP, Ernst & Young, Continental AG ou encore Accenture (plus de 440,000 utilisateurs pour ce dernier client). La société déclarait aussi plus de 650 clients de plus de 10.000 utilisateurs. Les taux de croissance sont éloquents : cette semaine, les Pays-Bas ont mesuré 14 fois plus d’utilisateurs Teams, 10 fois en Espagne et 7 fois en France.

Son concurrent Slack affichait 12 millions d’utilisateurs quotidiens en octobre 2019. Entre le 1er février et le 18 mars de cette année, l’éditeur annonce avoir ajouté 7.000 nouveaux clients payants à son portefeuille.

Pour Cisco, le trafic lié à son service de vidéoconférence Webex a été multiplié par 22 pour le Japon, Singapour et la Corée du Sud, après le Nouvel An chinois.

A Hong Kong et au Vietnam, Google indique que des ‘centaines de milliers’ d’étudiants ont commencé à utiliser les services Hangouts Meet and Google Classroom pour continuer à suivre leurs cours à distance.

L’application Zoom est devenue l’application professionnelle la plus téléchargée sur iOS aux US, et fait partie des top-téléchargements dans 11 autres pays. Selon les derniers chiffres disponibles la semaine dernière, 343.000 personnes ont téléchargé l’application dans le monde (source Apptopia) contre 90.000 il y a seulement 2 mois.
Rien que sur le début de l’année 2020 Zoom aurait ajouté 2,22 millions de nouveaux utilisateurs à son portefeuille, soit plus que les 1,99 millions ajoutés sur toute l’année 2019. Il y aurait à ce stade près de 12,92 millions d’utilisateurs actifs mensuels, soit une progression de 21% par rapport à fin 2019.

Chez BlueJeans, on a vu l’usage de la fonction Virtual Whiteboard s’accroître de 284% entre le 2 et le 9 mars 2020, indiquant que les salariés tentent de recréer à distance l’expérience qu’ils avaient lors des réunions physiques sur site. De même, les échanges par chat privé pendant les réunions ont progressé de 116%, démontrant l’importance des échanges informels entre collaborateurs.

Du côté de 8×8, depuis le 1er février, le nombre de nouveaux utilisateurs du service 8×8 Video Meetings a plus que triplé (125 pays utilisent désormais le service).

Les limites d’une adoption massive :

Face à des taux d’utilisation des services en ligne qui s’affolent, les acteurs tentent de prévenir la saturation de leurs infrastructures et, dans certains cas, de réparer les pannes

Ainsi, le 16 mars dernier, le service Microsoft Teams est tombé pendant plusieurs heures, principalement pour des utilisateurs européens.
Un problème résolu par la réorientation des flux des serveurs surchargés en raison d’une utilisation intensive du service.
Son concurrent Slack soulignait pour sa part la semaine dernière les actions menées pour maintenir son service opérationnel, en profitant de l’occasion pour promouvoir un taux de disponibilité de 99,998%

Sur les chaines télévisées, on ne compte plus les plateaux TV où les intervenants s’expriment à distance via Skype ; avec un certain nombre de ratés : qualité audio aléatoire, interruption intempestive de la communication, temps de latence important et mal appréhendés par les intervenants…

D’une manière générale, les applications conçues pour être horizontalement dimensionnables, et s’appuyant sur des clouds publics comme AWS, Azure ou Google, seront en mesure de gérer les variations de flux en en distribuant la charge intelligemment.
Les éditeurs comme Zoom (17 data centers dans le monde), opérant eux-mêmes leurs datacenters, devront être particulièrement vigilants pour absorber les pics de demande sans risquer l’interruption de services

En conclusion

Certes les approches UCaaS et CPaaS offrent des avantages certains par rapport aux approches historiques. Cependant, à moyen terme, la crise que nous traversons en ce moment va révéler les insuffisances et les faiblesses de ces architectures telles que nous les connaissons aujourd’hui.

La question des SLA prend une nouvelle dimension dans un contexte de saturation des réseaux et des serveurs : comment tenir les engagements pour les vendeurs, et comment les mesurer et les faire respecter pour les acheteurs ? 
Les outils tiers comme Downdetector ont de beaux jours devant eux.

La sécurisation des échanges fait aussi partie des progrès identifiés. A l’heure où certaines voix s’élèvent pour critiquer les limites des solutions VPN dans un monde de télétravailleurs démultipliés,

il est important de pouvoir garantir aux collaborateurs la totale confidentialité de leurs échanges. Etablir la confiance est un enjeu majeur des solutions UCaaS.

Par ailleurs, la fiabilité relative des réseaux IP publics va devoir trouver des moyens pour s’améliorer, comme par exemple grâce à la technologie SD-WAN.
En effet, les communications brouillées ou interrompues, les vidéoconférences pixelisées ou les temps de réaction trop long pour les applications partagées sont autant de repoussoirs à l’adoption généralisée des solution UCaaS.

Prévoir les plans de continuité capables de prioriser les flux (la fonction « Plan blanc » des solutions historiques sur sites hospitaliers est d’actualité), de basculer sur des réseaux mobiles, voire même de fonctionner ponctuellement et en mode dégradé en l’absence totale de connexion font partie des précautions indispensables à prendre.

Pour finir sur une note optimiste, relevons que l’usage exponentiel des solutions UCaaS va aussi permettre de multiplier les retours utilisateurs et, en toute logique, de faire évoluer l’ergonomie et les fonctionnalités des services offerts.

Pour ma part, je porterais une attention toute particulière à la question de l’ouverture et l’interopérabilité des solutions, afin de ne pas revivre le silotage que les approches propriétaires avaient généré à la fin du 20ème siècle.


Auteur
Didier Lambert est Fondateur de la plateforme HubTic djrlambert@hubtic.fr
En savoir plus 

Livres blancs A la Une