Un nouveau régime fiscal favorable pour les logiciels

Logiciels

Depuis le 1er janvier 2019, les logiciels bénéficient du nouveau régime fiscal de faveur applicable aux produits de cession, concession et de sous-concession d’actifs de propriété intellectuelle.

Ces produits sont soumis à l’impôt sur les sociétés au taux réduit de 10 % en lieu et place du taux normal actuel de 31% qui va progressivement être ramené à 25 %. Ce régime fiscal codifié à l’article 238 du Code général des impôts (CGI) ne s’applique pas de plein droit et doit faire l’objet d’une option expresse.

Si le nouveau régime est, à première vue attractif, sa mise en oeuvre s’avère complexe et s’accompagne d’obligations lourdes à la charge des entreprises.

Quels sont les logiciels concernés ?

Le régime de faveur bénéficie aux logiciels protégés par le droit d’auteur ainsi qu’aux produits de concession ou sous-concession de droits d’exploitations de ces logiciels. Il reviendra à l’entreprise de démontrer que le logiciel remplit la condition d’originalité nécessaire à la protection au titre du droit d’auteur ainsi que l’exige l’article L.112-1 du Code de la propriété intellectuelle.

Des éléments tels que les lignes de programmation, les codes ou l’organigramme, les rapports d’expertise ou bien l’originalité du matériel de conception du logiciel pourraient constituer des éléments pertinents à cet égard. En revanche, les montants investis pour développer un logiciel ou son caractère prétendument original ne suffisent pas à en établir l’originalité.

Comment se calcule le résultat imposable au taux réduit ?

La détermination du résultat soumis au taux réduit procède d’un calcul en deux temps qui consiste d’abord à déterminer le résultat net de cession ou de concession, puis à lui appliquer le « ratio nexus ».

Le résultat net correspond, en cas de concession et de sous-concession, à la différence entre le revenu généré par l’actif, et les dépenses de R&D afférentes à l’actif réalisées au de l’exercice ou d’exercices antérieurs couverts par l’option pour le régime de faveur.

Pour le cas d’une cession de logiciels, le résultat net correspond à l’excédent du prix de cession sur les dépenses afférentes au logiciel cédé. Aucun lien de dépendance ne doit exister entre les entreprises cédante et cessionnaire.

Lorsque le résultat net est négatif, il n’est pas imputable sur le résultat imposable au taux normal mais exclusivement sur les résultats nets de concession, sous-concession ou de cession de logiciel réalisés au cours des exercices suivants.

Lorsque le résultat net est positif, l’entreprise doit calculer le « ratio nexus » qui permet de corriger le résultat net afin d’exclure les dépenses non-éligibles, à savoir, les dépenses externalisées auprès d’entreprises liées et les coûts d’acquisition.

Le « ratio nexus », qui ne peut être supérieur à 100%, se détermine comme suit :

* Au numérateur figurent les dépenses de R&D présentant un lien direct avec la création et le développement du logiciel réalisées directement par l’entreprise ou par des entreprises non liées françaises ou étrangères. Ces dépenses sont retenues pour 130% de leur montant ;

* Au dénominateur figurent l’ensemble des dépenses de R&D figurant au numérateur, augmentées des dépenses externalisées auprès des entreprises liées et des coûts d’acquisition du logiciel.

A titre dérogatoire et sur agrément préalable, l’entreprise peut appliquer un ratio de remplacement lorsqu’en raison de circonstances exceptionnelles ledit ratio est significativement supérieur au « ratio nexus ».

Le calcul du résultat net et du ratio « nexus » obéissent à des règles particulières en présence de sociétés intégrées ou dans le cadre d’une restructuration.

Exemples de calcul

Hypothèse 1 
Une entreprise établie en France perçoit des revenus de concession de licence de 400.000 €. Elle réalise des dépenses éligibles de 200.000 € et des dépenses externalisées à des parties liées de 60.000 € ainsi que des coûts d’acquisition de 20.000 €.

* Résultat net : Produits – Dépenses totales = 400.000 – (200.000 + 60.000 + 20.000) = 120.000

* Ratio nexus : Dépenses éligibles / Dépenses totales = (200.000*130%) /280.000 = 92,9 %

* Revenu net soumis à l’imposition atténuée : 120.000 * 92,9% = 111.429.

Hypothèse 2 
Même exemple que précédemment mais avec des dépenses éligibles de 280.000 €

* Résultat net : 400.000 – (280.000 + 60.000 + 20.000) = 40.000

* Ratio nexus : (280.000*130%) / 360.000 = 364.000/360.000 = 101%

* Revenu net soumis à l’imposition atténuée : 40.000 *100% = 40.000 (le ratio ne peut excéder 100%).

Quelles obligations pour les entreprises ?

L’option pour le régime fiscal de faveur s’accompagne d’obligations documentaires lourdes pour les entreprises. Outre la preuve de l’originalité du logiciel, les entreprises doivent mettre en place des procédures de suivi de leurs dépenses de R&D et de leur affectation. Lorsque les frais supportés se rattachent à plusieurs actifs ou groupes d’actifs, l’entreprise devra être en mesure de les affecter, au prorata de la valeur ajoutée qu’ils procurent, à chaque actif ou groupe d’actif, ou par défaut, à proportion du revenu que génère chaque actif ou groupe d’actif.

Les entreprises doivent tenir à la disposition de l’administration une documentation comprenant une description générale de l’organisation de leurs activités de R&D liées notamment aux logiciels ainsi que des informations spécifiques telles que :

– Une liste et une description détaillées de chacun des actifs incorporels éligibles ;

– Une présentation et un suivi du « ratio nexus » (ou du ratio de remplacement) pour chacun des actifs ;

– Une présentation de la méthode de répartition des frais entre les différents actifs concernés.

Le défaut de production de la documentation ou la présentation d’une documentation partielle est sanctionné par d’une amende de 5 % des revenus imposés au taux réduit pour chaque exercice vérifié.

Il est à parier que l’application de l’imposition atténuée sera source de contentieux. Les textes actuels ne prévoient pas de procédure de contrôle a priori (rescrit préalable) ou a posteriori de l’éligibilité des dépenses et des actifs à l’imposition atténuée, comme en matière de crédit d’impôt recherche.

On ne peut que recommander aux entreprises qui optent de pour ce régime d’anticiper ce risque en amont notamment par une documentation adéquate des dépenses concourant au développement d’actifs soumis au régime fiscal de faveur.

 


Auteur
Pascal Ngatsing (associé) et Tolga Bozkurt (collaborateur) du cabinet GGV
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