Balardgone : démarrage difficile pour l’externalisation de l’IT de la Défense

C’est aujourd’hui qu’est inauguré le nouveau ministère de la Défense. Un site géant fruit d’un partenariat public-privé, incluant l’externalisation de l’IT. Les syndicats dénoncent le démarrage laborieux de ce contrat confié à Thales et les surfacturations demandées par les entreprises en charge du site.

C’est aujourd’hui à 15 heures que François Hollande inaugure le Balardgone (ou Hexagone Balard, selon la terminologie officielle), le nouveau siège du ministère de la Défense où plusieurs milliers de militaires et civils ont déjà pris leurs quartiers. A terme, ce sont 9 300 personnes, aujourd’hui éparpillées sur douze sites parisiens, qui rejoindront ce nouveau bâtiment situé dans le 15ème arrondissement de Paris. Particularité de ce chantier pharaonique de 600 millions d’euros, qui permet notamment de réunir les états-majors des trois armées (Terre, Air, Marine) : il a été mené dans le cadre d’un partenariat public-privé (PPP), un contrat passé avec un groupement emmené par Bouygues. Appelé Opale Défense, ce consortium compte également dans ses rangs la société Thales, chargée de la réalisation, de l’exploitation et de la maintenance des SI du site, ainsi que de la sécurité.

Les termes de ce contrat – qui ont déjà fait couler beaucoup d’encre – prévoient que l’Etat s’engage à verser un loyer de 154 millions d’euros par an pendant 27 ans, somme qui inclut la construction du site, mais aussi des services annexes, dont la gestion du parc informatique et des systèmes d’information.

Imprimante et scanner : le devis qui fait scandale

Sauf que, comme l’explique Challenges, certaines prestations non prévues au départ sortent de ce forfait et font l’objet de nouvelles facturations. Un classique des contrats d’externalisation. Ainsi, nos confrères disent avoir consulté un devis pour l’installation d’un scanner et d’une imprimante pour la bagatelle de 13 613,21 euros, dont 8 146 euros pour le matériel demandé et sa maintenance sur 60 mois. Si l’imprimante et le scanner doivent être installés dans deux bureaux distincts, un « chef de projet » sera dépêché, soit 754 euros de plus pour faire « l’interface entre le fournisseur et le ministère ». Bref, comme le résume un agent du ministère dans un e-mail consulté par Challenges, les personnels du ministère ont l’impression de devoir adapter leur façon de travailler aux nouveaux locaux et non l’inverse.

Externalisation : « des procédures byzantines »

Si on se fie à une audition de syndicalistes des personnels civils de la Défense par la commission de la Défense de l’Assemblée Nationale le 8 octobre dernier, il ne s’agit pas là des seuls dysfonctionnements. L’afflux des premiers utilisateurs – 85 % des 9 300 futurs occupants du Balardgone seraient déjà dans les murs – semble avoir pris de court Opale. Lors de cette audition, Gilles Goulm, secrétaire général de FO-Défense, dénonçait les carences du consortium en matière de mise en œuvre du système d’information. « Heureusement que la Direction interarmées des réseaux d’infrastructure et des systèmes d’information (DIRISI) est là pour régler les problèmes que l’entreprise n’est pas capable de résoudre ! Sachez qu’il y a deux mois de cela, elle installait à peine 60 postes informatiques par jour alors qu’elle devait, aux termes du contrat, en installer 250… Ainsi, bien que le chantier soit entièrement externalisé, 1 000 agents de la DIRISI travaillaient, il y a encore un mois et demi, à temps complet sur les installations téléphoniques et informatiques de Balard ! », affirmait le syndicaliste. Autrement dit, la DSI interne du ministère a été obligé de pallier les défaillances du prestataire. Et Gilles Goulm d’inviter la Commission à mener une « réflexion approfondie […] sur l’externalisation à outrance de nos moyens de soutien ». Même message de la part de Frédéric Mathieu, le secrétaire général adjoint de la FNTE-CGT, qui indiquait aux parlementaires que « l’externalisation conduit à la mise en place de véritables procédures byzantines, ne serait-ce que pour changer une ampoule ».

Joint au téléphone, Gilles Goulm explique aujourd’hui : « au fur et à mesure de l’installation des postes, l’entreprise privée prend la main. Mais des problèmes récurrents de connexion au réseau persistent et ce sont encore les agents de la DIRISI qui interviennent sur ce sujet ! ». Le secrétaire général de FO-Défense ne sait pas si ce démarrage dans la douleur du volet informatique va se traduire par des pénalités pour le consortium Opale.

Par contre, il ne semble guère faire de doute que les adaptations que demande et demandera le ministère feront l’objet de facturations supplémentaires de la part du groupement d’entreprises privées. Lors d’une visite du site le 16 octobre dernier, Jean-Paul Bodin, le secrétaire général de l’administration, reconnaissait que le loyer 2016 du Balardgone serait supérieur à l’enveloppe prévue de 154 millions d’euros, en raison des demandes spécifiques adressées à Opale.

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Crédit photo : ministère de la Défense