Benoit de la Tour, Ciena : « rapprocher les datacenters des consommateurs »

Face à l’évolution des besoins de bande passante, Ciena se réorganise. Une réorganisation menée par Benoit de la Tour, nouvellement nommé à la direction EMEA de l’entreprise. Le dirigeant détaille ses priorités pour Silicon.fr.

Officialisée le 27 janvier, l’arrivée de Benoit de la Tour en tant que vice-président directeur général EMEA chez Ciena est effective depuis six mois déjà. Le poste était précédemment occupé par François Locoh-Donu (désormais en charge des produits à l’échelle mondiale). Depuis son entrée en fonctions, le nouveau dirigeant de la zone Europe s’est attaché à restructurer, avec Eric Sele (responsable Solutions), l’organisation de la société afin de répondre aux nouveaux enjeux que le marché du transport de données affronte.

« Pour les années qui viennent, le marché va se développer autour du Cloud et du SDN, souligne Benoit de la Tour, Ciena va devoir créer des alliances avec des acteurs et s’appuyer sur le modèle de vente hybride, directe et channel. » Etoffer son réseau de partenaires permettra à l’équipementier américain d’élargir sa zone d’influence géographique, notamment au Moyen-Orient mais aussi d’affuter une stratégie de pénétration des entreprises, du secteur public et des utilities.

4 piliers pour l’équipementier

Une mission taillée sur mesure pour ce fin connaisseur du secteur du logiciel. Benoit de la Tour était précédemment dans la vente, les services et le marketing chez Microsoft Amérique Latine. Pour atteindre ses objectifs, le nouveau dirigeant de Ciena EMEA appuiera son organisation autour de 4 grands piliers :

  • la monétisation-modernisation du réseau ;
  • les marchés verticaux ;
  • les opérateurs locaux et régionaux ;
  • les câbles sous-marins (fort de sa technologie optique longue portée sans couture, Ciena revendique 25% du marché mondial de l’exploitation, en partant de rien il y a 5 ans).

La création de valeur se trouve dans le logiciel

La modernisation du réseau va certes passer par les innovations technologiques avec la réduction des composants et de leur consommation énergétique ou l’accomplissement du WDM optique vers le 1 Tbit/s, à l’heure où le marché commence à adopter le 100 Mbit/s. Mais l’élargissement des capacités de transport ne suffira pas à répondre à la demande. « On pense qu’on est dans le coude d’une courbe exponentielle. On multiplie les besoins par 10 tous les 4 ans. Or, on ne résout pas une exponentielle. D’où la nécessité de rapprocher les datacenters des consommateurs et de louer la capacité à qui en a besoin. »

Une nécessité qui passera par une capacité à délivrer de la bande passante à la demande, selon une qualité à la carte ouvrant ainsi une nouvelle approche du réseau. Donc de nouvelles sources de revenus aux opérateurs. « Sur les équipements, le prix du Gbit est en chute libre. La création de valeur se trouve dans le logiciel aujourd’hui. » Autrement dit, le pilotage du réseaux par le logiciel et son automatisation.

Ciena y travaille en transposant l’intelligence développée pour ses équipements (à travers l’auto-configuration notamment) à l’ensemble des réseaux, qui plus est hétérogènes. Transposition qui passe par l’adoption du protocole OpenFlow, et le développement, avec VMWare, d’une application SDN pour piloter la bande passante de manière automatisée.

Eduquer le marché aux nouvelles solutions

Reste à savoir comment les opérateurs vont vendre cette valeur. D’où le nouveau pilier mis en place par Benoit de la Tour. C’est cette même valorisation du réseau que l’équipementier américain ira vendre aux secteurs verticaux en visant particulièrement les industries de la banque-finance, le secteur public, les utilities, la recherche-éducation, l’énergie et la santé. « Il faut éduquer le marché aux nouvelles solutions qu’on amène », admet le dirigeant. Une éducation dont se charge une équipe de 200 consultants dans le monde à travers une approche en triangulation (vente de services aux verticaux via les opérateurs). Un gros chantier pour 2014.

Ciena est porté par une vraie dynamique. « Nous affichons 14% de croissance organique et 25% au 4ème trimestre contre 4% pour l’ensemble du marché, commente notre interlocuteur. Donc on gagne des parts de marché. Il faut rester sur la dynamique et évoluer pour conserver l’avantage. » En 2013, Ciena a gagné 13 nouveaux clients en Europe, dont Vodafone.

Le marché français se complique

En France, l’équipementier a toutefois perdu SFR, suite à l’appel au patriotisme économique d’Arnaud Montebourg visant à privilégier Alcatel-Lucent. « Il a été entendu, reconnaît Benoit de la Tour, qui glisse au passage que les produits Alcatel sont plus fabriqués en Chine que ceux de Ciena. Et si nous perdons des marchés locaux, il y a un risque pour que l’on coupe dans nos équipes », prévient-il. Le principe des vases communicants de l’emploi en quelque sorte.

Ciena n’en inscrit pas moins le marché français, stratégique, dans une réflexion à long terme. D’autant qu’il constitue le deuxième en Europe, après le Royaume-Uni. Même si « le business français est un peu plus compliqué depuis 12 mois, indique le dirigeant. On ne joue pas à armes égales, y compris face aux acteurs chinois soutenus par les banques. C’est un cycle à passer. » Ciena s’y emploie. Par exemple, en gagnant le marché TDF à la barbe d’Alcatel…


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